FIJM, Jour 10: le dernier droit

DJ champion, chef d'orchestre. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FIJM

Comme je me plais à le dire presque chaque année depuis ma première couverture du Festival international de jazz de Montréal en 1997, le festival achève…. et nous aussi.

Par Philippe Rezzonico

Pourtant, la soirée de samedi soir fut tout sauf une virée minimaliste. C’est ça, la beauté des festivals. On ne sait jamais ce qui va se produire, ni où on va s’arrêter.

Premier arrêt, la salle Wilfrid-Pelletier où DJ Champion, ses G-Strings et les I Musici offraient l’essentiel du plus récent disque de Maxime Morin, soit une proposition sonore et musicale bien plus large que la musique électronique qui est son ordinaire.

Une belle entreprise avec tous les risques que ça comporte. Quand on sait le genre d’ambiance qui prévaut d’habitude aux spectacles du DJ, le silence total qui régnait quand il s’est pointé seul devant le rideau rouge était presque d’outre-tombe.

Électro et cordes: un mariage réussi. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FIJM

Dans le fond, c’est presque de là qu’il revient, le Maxime. Quand on frôle la mort… Ce qui fut d’ailleurs la matière première, rayon textes, de son disque. Et c’est ce qui fut géant durant la prestation ininterrompue de plus d’une heure et demie : cette capacité d’évoquer la grande faucheuse à travers des musiques qui, au contraire, nous donnent l’envie de vivre à 100 milles à l’heure.

Après avoir interprété en mode guitare-voix Dead Before, le rideau s’est levé pour dévoiler les I Musici dirigés par Jean-Marie Zeitouni, côté jardin, et les G-Strings, côté cour.

Il s’est alors amorcé une conservation atypique entre deux univers qui ont, étonnamment, cohabité avec aisance. Les I Musici ont eu la part du lion en début de programme avec les Ursula, A Dog and A Goat et autres Requiem Dema quand l’orchestre fut accompagné par les G-Strings et non le contraire.

Peu à peu, notamment avec les titres vocaux interprétés par Pilou ou la déjantée Fab, de Random Receipe, la transition des pouvoirs s’est faite en douceur avec les G-Strings, sans toutefois que l’orchestre ne soit laissé pour compte.

Every New Now et Grand Prix ont graduellement contribué à hausser le mercure avant que Pilou, de façon symbolique, monte sur le piano pour se lancer dans le vide quand Alive Again a donné le signal du déferlement collectif. Du parterre au plafond, avec un DJ Champion en parfait contrôle de la situation, la grande Wilfrid s’est transformée en succursale du Métropolis.

DJ Champion, les I Musici et Pilou. Photo Victor Diaz Lamich/Courtoisie FIJM

Le délire total! Il fallait voir le premier violon des I Musici, Julie Triquet, dodeliner de la tête comme si elle était une spectatrice. Il est vrai que le public est moins remuant aux concerts de musique classique.

Le déferlement musical et festif s’est poursuivi avec No Heaven, No Harley (et le retour de Fab) jusqu’à ce My Black Saab vienne conclure. Pas tout à fait, finalement, car comme un Elvis d’antan, DJ Champion a pris la guitare et a interprété avec une voix plus grave que Johnny Cash Ain’t Got A Friend.

Si Joshua Redman et son quartette jazz ont séduit avec un orchestre de 18 cordes en ouverture du FIJM, DJ Champion et les I Musici ont fait de même en clôture. Bref, les cordes, c’est compatible avec le jazz et l’électro.

Le bain de foule : Pour les fidèles du FIJM, les boys de The Cat Empire, ce fut longtemps un secret bien gardé, en dépit du fait qu’ils ont été découverts en brillant sur une scène extérieure. Désormais, on les invite à se produire en salle, comme ce fut le cas, vendredi, au Métropolis.

Mais quand on leur offre gentiment la grande scène de la place des Festivals pour deux portions d’une heure le samedi soir, les Australiens disent oui.

Cat Empire, au Métropolis ou sur la place des Festivals: même résultat. Photo Frédérique Ménard-Aubin/Courtoisie FIJM

Ce groupe a plus de métier, encore plus de bon matériel à offrir et il n’a pas perdu une once de pertinence sur les planches depuis son premier passage. Pas sûr d’avoir vu tant de monde sur le site depuis le début du festival. Moment magique.

Antonio et ses boys : Au Gesù, le batteur mexicain Antonio Sanchez et ses collègues David Binney (saxophone alto), John Escreet (piano) et Matt Brewer (contrebasse) ont été exemplaires de technique et d’esthétisme, en pigeant essentiellement dans les compositions de l’album A New Life.

Si c’est le jeu inspiré et spectaculaire sur les peaux de Sanchez qui retient l’attention à prime abord, ce sont surtout Binney et le Escreet qui apportent le souffle créatif au quartette.

Les influences coltraniennes de Binney et Sanchez crèvent les oreilles sur Uprising (on croirait entendre l’amorce de A Love Supreme, rien de moins), mais le groupe peut aussi verser dans un univers fort différent quand la fiancée de Sanchez (Thana Alexa Pavelic) vient apporter son concours pour l’interprétation de la pièce-titre. Une heure et demie passée en un coup de vent.

La fin de soirée : Rendu là, tu te dis que tu vas rentrer peinardement. Mais non. Tu fais escale pour une demi-heure à l’Astral pour les DJ Sud-West Ghost-Beard et Poirier et tu trouves même le moyen de finir la soirée… Pardon, finir la nuit au Savoy, où Papagroove met le feu, tout en dédiant une composition aux sinistrés de Lac-Mégantic.

Oui… Même en faisant la fête au FIJM, il y a des artistes locaux qui n’oublient pas ceux qui vivent des moments tragiques.