Après deux soirées passées au même endroit (la rue Sainte-Catherine pour la soirée d’ouverture hip hop et la Maison symphonique pour l’hommage à Serge Gainsbourg), ça allait de soi que la troisième soirée des FrancoFolies 2016 allait être placée sous le signe de la bougeotte. Compte-rendu de la vadrouille du samedi soir.
Par Philippe Rezzonico
Moran
Après avoir interprété deux chansons avec intensité avec son guitariste accompagnateur, Moran a déclaré aux spectateurs qu’il ne pensait pas être là après avoir vécu deux semaines bouleversante durant lesquelles il a perdu son père et vu naître son fils.
Il a enchaîné cette déclaration avec le classique de Bashung, Osez Joséphine, avant d’inviter sa conjointe, la chanteuse Catherine Major, pour un duo. Major qui donnait le sein à son nouveau-né deux minutes plus tôt.
À deux voix et à deux instruments, les trois artistes ont gratifié les spectateurs d’une délicate interprétation de La chute, au terme de laquelle la belle Catherine a enlacé son homme avec tendresse. Un moment magique. Logique, au fond. La scène extérieure Zone Molson Canadian est située là où était dressé le légendaire Spectrum. Il s’en est vécu des moments remplis d’émotion à cet endroit.
Laurence Jalbert
Quarante ans de scène, 25 ans de carrière discographique et rentrée de son nouvel album, Ma route. Des conditions idéales pour renouer avec Laurence Jalbert dont la voix au timbre si particulier n’a pas pris une ride.
Beaucoup plus extrovertie que dans les années 1990 qui l’ont révélé au grand public, la rousse offre ses nouvelles chansons et ses classiques (Corridor, Tomber, Au nom de la raison) avec un bonheur égal et des mises en contexte qui révèlent son caractère loufoque qui contraste avec ses succès « profonds ».
« Je suis folle, dit-elle. Mais pas dangereuse ».
Avec un trio de musiciens sous la direction de Rick Haworth, les anciennes offrandes sont plus près des nouvelles, qui ont un écrin résolument country. Une minute, qui baigne dans le terroir, est exquise. Dans L’Astral, le plaisir est omniprésent sur scène et parmi les spectateurs. Et s’il n’y avait pas eu tant de choses au programme, je serais resté pour la deuxième partie.
Pierre Lapointe
Dix après la parution du disque La forêt des mal-aimés qui l’a révélé, Pierre Lapointe reprenait le spectacle de cet album qui avait été présenté avant la sortie du disque. La première montréalaise du spectacle avait eu lieu en janvier… 2005, au Corona. Cette fois, Lapointe présentait le spectacle qui était offert en fin de tournée, avec Josiane Hébert, Philippe Brault, Philippe B, Guido Del Fabro et Tony Albino.
C’était tout à fait particulier de voir un spectacle «nostalgique» de Pierre Lapointe, lui qui regarde la plus souvent devant lui. Mais ça faisait plaisir de réentendre des chansons antérieures à La forêt… comme Étoile étoilée, Plaisir dénudé, la Reine Émilie et Hyacinthe la jolie qu’il a délaissé depuis des lustres dans ses spectacles.
Cela était surtout fort réjouissant pour les spectateurs qui ont découvert Pierre Lapointe après sa participation à une populaire émission télévisée de voir que quel bois il se chauffait à ses débuts. Et, il faut l’avouer, il y avait quelque chose de jouissif d’entendre les hurlements de la marée humaine à l’écoute de chansons telles Le Lion imberbe et Tel un seul homme. Quand je pense que ces chansons étaient offertes dans des salles qui accueillaient que quelques centaines de spectateurs à leur naissance.
Quand l’offrande la plus rassembleuse de Lapointe (Deux par deux rassemblés) et la plus touchante (Pointant le Nord) ont bouclé la soirée, Lapointe et ses collègues ont salué les milliers comme le font les Rolling Stones. Qui l’eut cru?
Thomas Fersen
En toute honnêteté, je ne croyais pas rester jusqu’à la fin du spectacle de Lapointe. Tout simplement parce que je l’avais déjà vu… Mais parfois, la magie opère et je n’ai pu voir que la dernière demi-heure du spectacle intimiste de Thomas Fersen au Gesù. Mauvais calcul de ma part.
Contrairement à sa tournée solo guitare-voix (ou ukulélé) d’antan, l’ami Thomas a comme partenaire un piano qui a eu droit à une ovation de la foule, comme le chanteur, à la fin du spectacle.
Ici, Fersen alterne des chansons qui ont fait sa renommée (Pégasse, Zaza, Diane-de-Poitiers, Monsieur) à des monologues. Complètement habité, il demeure dans son personnage quand il évoque Riton ou La révolution de salon.
Une proposition artistique et scénique fort différente de ses spectacles débridés et festif s du passé, mais une réussite dans son genre afin de souligner le 20e anniversaire de son passage aux FrancoFolies.
Il remet ça dimanche soir au même endroit.