Francos 2013 : Eiffel, pour la langue et la musique

Eiffel: musique d'inspiration anglo-saxonne et langue française. Photo Frank Loriou/Courtoisie FrancoFolies de Montréal

Il porte le nom de l’un des plus grands monuments au monde et sa musique possède des qualités universelles. Pourtant, le groupe Eiffel est méconnu au Québec en dépit de près de 15 ans de galère. Pour son retour au Québec, on ne peut que souhaiter aux membres qu’une Foule monstre, titre de leur plus récent disque.

Par Philippe Rezzonico

Romain Humeau l’admet. Eiffel aurait bien aimé venir avant. La première fois, ce fut l’an dernier, justement lors des FrancoFolies. Mais ce premier contact s’est avéré une révélation.

On se souvient bien de cette prestation offerte en extérieur. Face à un public dont une majorité découvrait le groupe de l’Hexagone, Humeau et ses collègues n’ont pas ménagé les efforts, signe d’un band qui a compris que les nouveaux fans se gagnent souvent sur les planches.

« Nous avions bien envie de revenir cette année, car nous avons adoré notre premier passage. Comme nous ne sommes pas connus chez vous, ce passage était l’occasion de vous rencontrer.

« Ce qui m’a frappé, c’est de voir à quel point la foule de Montréal avait moins d’apriori. J’ai ressenti une propension à la découverte. Il y avait quelque chose de « curieux », une curiosité du public qui, parfois, manque en France.»

Eiffel est un groupe assimilé au rock et à la pop et qui chante en français. Presqu’une anomalie dans le paysage actuel de la France. D’autant plus que le band n’a jamais caché ses allégeances musicales anglo-saxonnes que l’on perçoit dans leur musique.

« J’ai beau écouter à peu près tous les genres de musique, de Blur à Coltrane en passant par Debussy, on possède une culture de langue française que l’on tient à exprimer. Je ne crois pas que la forme et le fond doivent être dissociés.»

La culture à la dérive

Humeau aime la culture sous toutes ses formes et il constate que son pays en fait de moins en moins à ce sujet. Principalement en musique.

« On parle beaucoup de musique chez nous à l’approche du 21 juin (la Fête de la musique), mais il n’a rien pour les écoles de musique le reste de l’année. Certains disent qu’il y a le net. Ouais, mais le net, ce n’est pas l’accès à la culture, c’est l’accès aux filles à poil. La culture, c’est le savoir, le choix et la liberté. Sans culture, nous sommes baisés. »

Eiffel monte donc aux barricades, presque au sens propre du terme comme au figuré. Il y a quelques années (2009), leur chanson À tout moment la rue a connu un vif  succès. Curieusement, elle a vu le jour avant plusieurs des soulèvements sociaux et politiques recensés dans de nombreux pays. Prophétique, Eiffel?

« Je ne pense pas (rires). D’ailleurs, quand on est venu chez vous l’an dernier en plein milieu de votre printemps érable, on se disait que tout le monde allait croire qu’on avait calculé notre coup. Ce n’était pas le cas, parce que la chanson était parue deux bonnes années plus tôt, mais quand même…

« Et puis, ce n’est pas une chanson qui dit « oui » et ce n’est pas une chanson qui dit « non ». C’est une chanson qui va à l’essence de la vie. »

Libre penseur

Au plan de l’écriture, Humeau affirme que la dernière chose que Eiffel tente de faire par l’entremise de ses textes, c’est d’influencer qui que ce soit.

« Quand j’écris, souvent, je n’ai pas de réponses. On peut faire une chanson engagée qui ne soit pas donneuse de leçons. Qui suis-je, moi, pour donner des leçons à quiconque? Je ne peux pas me le permettre. Bien sûr, je ressens des choses. Et je m’ouvre la gueule. Et à la fin, on est ce qu’on est. »

Quand on revient deux années de suite aux FrancoFolies, on profite généralement d’une promotion. Cette année, Eiffel aura droit à une salle. Le groupe français se partagera un programme double avec les Québécois de Hôtel Morphée, mercredi, à L’Astral. Une occasion de faire le plein de nouveaux fans?

« En toute franchise, je n’en ai aucune idée. On pourrait même jouer devant une salle vide. Je l’ignore. Mais on va jouer pour que tout ce qu’on fait prenne un sens. »

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Eiffel, en programme double avec Hôtel Morphée, le mercredi 19 juin (19h30) à l’Astral.