Gala de l’ADISQ 2011 : Prédictions risquées et petites injustices

Le numéro de Marie-Mai fut le plus vitaminé du Gala 2010. Qui plongera dans la foule, dimanche soir? Photo d'archives. Courtoisie Catherine Lefevbre.

Gala de l’ADISQ, 33e du nom. Que vous soyez un fan invétéré de musique populaire, un amateur occasionnel, ou un simple curieux désirant quelques heures ou quelques minutes de divertissement, il y a de bonnes chances que vous soyez devant votre téléviseur, ordinateur, tablette numérique ou iPad, dimanche soir. Nous sommes tous comme ça : unis dans les grands rendez-vous culturels.

Par Philippe Rezzonico

Bien sûr, on y remettra des statuettes à ce gala tenu au théâtre St-Denis et présenté sur les ondes de Radio-Canada. Des Félix, comme le veut l’usage. Seulement 12, toutefois, puisque 44 ont déjà été décernés à L’Autre Gala de l’ADISQ, ainsi qu’au Gala de l’Industrie, lundi dernier. C’est le propre des galas de musique, Grammy inclus. Trop de catégories, trop de nominations. Ça prendrait six heures à tout remettre en direct.

Donc, on embauche un animateur qui a fait ses preuves (Louis José-Houde, pour une sixième fois), on prépare des performances musicales (non, Arcade Fire ne sera pas du nombre, contrairement aux Garmmy et aux Junos) et on espère que les remerciements seront plus sentis que formels.

N’empêche, parmi les catégories dont la statuette dorée reste à remettre, il y a des sélections contestables. Ça aussi, ce n’est pas nouveau. Une tendance qui existe depuis toujours. Mais ici, ce n’est pas pour souligner l’absence d’une catégorie ou la sélection d’un album d’un genre musical qui ne cadre pas très bien, ici ou là. C’est un débat de fond illustré principalement par les nominations au sein la catégorie Auteur ou compositeur de l’année.

Honorer le passé

Entendons-nous. Personne, moi le premier, ne conteste la grandeur de l’œuvre de Gaston Miron et de Michel Tremblay. Mais que ces derniers soient retenus dans une catégorie «  de l’année » à la suite du travail exceptionnel des Gilles Bélanger, Daniel Bélanger et René Richard Cyr qui a mené aux disques et spectacles hommages de ces deux géants est un non-sens.

Pire, une injustice envers les auteurs contemporains qui sont en lice avec eux. Miron est décédé en 1996 et Tremblay a écrit Les Belles-Sœurs en 1965. Si on accepte cette logique, ça veut dire que des spectacles similaires à Le Blues d’la Métropole (Beau Dommage) et J’me voyais déjà (Aznavour) pourront être retenus dans l’avenir. Avec des potentielles productions pouvant honorer l’œuvre de Vigneault, de Léveillée et consorts, avouez que nous ne sommes pas sortis de l’auberge.

Même réserve pour la présence de La Mélodie du bonheur dans la catégorie Spectacle de l’année – Interprète. Oui, La Mélodie du bonheur peut être le « Spectacle de l’année », lorsque jugé strictement sur des bases artistiques, notamment sur la qualité de l’interprétation. C’est d’ailleurs une formidable réussite.

Mais les chansons de Richard Rodgers et Oscar Hammerstein, troisième du nom, qui ont fait époque, remontent à 1959 avec la création de la comédie musicale. Veut-on à ce point honorer le passé ? On a déjà tous les albums de « Reprises » qui s’en chargent. Et le Félix Hommage salue, lui aussi, un artiste et son œuvre antérieure.

Certains diront que je joue sur la sémantique, dans la mesure que « Album de l’année » veut en réalité dire « Album par excellence ». En effet, « Album de l’année » est un anglicisme, ou tout au moins une traduction par trop collée à « Album of the Year. » L’ADISQ, comme on le sait, défend bec et ongles la chanson francophone. Il serait temps que le libellé des catégories l’illustre.

Mais ça ne change absolument rien au fond. Même si on parle d’ « excellence », la nomination d’œuvres et de chansons composées à d’autres époques que durant la période de mise en candidature est injuste envers la génération actuelle qui veut vivre de son art musical. Et ça n’a rien à voir avec l’orientation musicale, qu’elle vise le grand public ou un auditoire marginal.

C’est dit. Bon, comme c’est la coutume, on plonge avec nos prédictions.

Album de l’année – Folk Contemporain

Douze hommes rapaillés chantent Miron, volume 2, Artistes variés

Jimmy Hunt, Jimmy Hunt

Le Journal, David Jalbert

Les Atomes, Martin Léon

Appalaches, Richard Séguin

Que du bon. Un solide Séguin, un Hunt révélateur, un Jalbert qui confirme son talent, un « Douze hommes » supérieur au premier et un Léon magique, qui a mon vote. Bref, tout le monde est à peu près à égalité, ici.

Choix : Les Atomes

Prédiction : Jimmy Hunt

Album de l’année – Pop

Fruits défendus, Brigitte Boisjoli

Un pied à terre, William Deslauriers

Le vrai le faux, Jérôme Minière

Toujours de nous, Mario Pelchat

La musique en moi, Ginette Reno

Si Le vrai le faux, magnifique album de Jérôme Minière l’emporte, j’offre la tournée générale dans la salle de presse le soir du gala. Mais je ne crains rien. D’autant plus que les consommations sont gratuites…. Rendu là, on y va avec la jeunesse de Deslauriers qui a vendu des tas de galettes ? Brigitte, qui a cinq nominations ? Mmm… J’ose pas parier contre Ginette.

Choix : Le vrai le faux

Prédiction : La musique en moi

Album de l’année – Pop-Rock

Chasser le malheur, Alfa Rococo

La garde, Alexandre Désilets

Entre deux mondes, Marc Dupré

De lune à l’autre, Alex Nevsky

Premier baiser, Marie-Chantale Toupin

Peut-être parce que la transposition sur scène des chansons était exemplaire, Chasser le malheur a, d’emblée, mon vote. La prédiction ? Là, je crois que je vais opter pour la machine derrière Marc Dupré.

Choix : Chasser le malheur

Prédiction : Entre deux mondes

Auteur ou compositeur de l’année

Martin Léon

Jérôme Minière

Gaston Miron, Gilles Bélanger

Samian, compositeurs variés

Michel Tremblay, Réné Richard Cyr, Daniel Bélanger

J’ai écrit plus haut ce que j’en pensais. Pas sûr que le jury spécialisé aura la même opinion.

Choix : Martin Léon

Prédiction : Michel Tremblay, René Richard Cyr, Daniel Bélanger

Artiste québécois de l’année s’étant le plus illustré hors Québec

Arcade Fire

Cœur de Pirate

Kakwa

Anthony Kavanagh

Pierre Lapointe

Fred Pellerin

Patrick Watson

Au prorata, la catégorie la plus forte de cette édition 2011. Arcade Fire a dominé toute la planète, Cœur de Pirate fut sacrée vedette en France, Karkwa a tout raflé et a joué en Europe, au Canada et aux États-Unis, Anthony s’est installé en France, Pierre et Fred y ont donné des spectacles et Pat Watson a sillonné les territoires anglophones. Sauf que, comme pour l’Album anglophone lundi dernier, si ce n’est pas Arcade Fire qui gagne, on va être la risée de la planète.

Choix : Arcade Fire

Prédiction : Arcade Fire

Révélation de l’année

Brigitte Boisjoli

Ariane Brunet

William Deslauriers

Jimmy Hunt

Alex Nevsky

Beau cas d’espèces avec certaines des révélations qui n’en sont pas à leur premier tour de piste. En toute logique, avec le plein (5) de nominations, Brigitte devrait repartir avec cette statuette.

Choix : Jimmy Hunt

Prédiction : Brigitte Boisjoli

Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-inteprète

Brun, Bernard Adamus

Nous, Daniel Bélanger

Les chemins de verre, Karkwa

Pierre Lapointe Seul au piano, Pierre Lapointe

Version 3.0, Marie-Mai

J’ai vu une fois le show de Bélanger (excellent), deux fois ceux d’Adamus (très fort) et de Lapointe (intense) et quatre fois celui de Karkwa (exceptionnel). C’est néanmoins le seul que je n’ai pas vu et qui a fait plusieurs escales au Centre Bell qui devrait s’imposer en raison du poids des ventes de billets (nouveauté) qui comptent pour le tiers du vote.

Choix : Les chemins de verre

Prédiction : Version 3.0

Spectacle de l’année – Interprète

La mélodie du bonheur, Artistes variés

Comme ça me chante, Isabelle Boulay

Vox Pop, Maxime Landry

Nouvelles fréquentations, Les Charbonniers de l’enfer

St-Elie-de-chansons, Fred Pellerin

Je regarde les Charbonniers et Fred et je me dis qu’avec un pourcentage de vente de billets dans l’équation, leurs spectacles me semblent presque anonymes à côté des autres gros joueurs.

Choix : Nouvelles fréquentations

Prédiction : Vox Pop

VOTE POPULAIRE

Groupe de l’année

Alfa Rococo

Karkwa

Les Cowboys fringants

Les Trois Accords

Radio Radio

Pas de discussion. C'était l'année de Karkwa. Photo d'archives. Courtoisie Rogerio Barbosa.

Plusieurs groupes méritants, mais une réelle évidence. En remportant un Félix, un Juno et le Prix Polaris, Karkwa est le groupe francophone qui s’est offert l’équivalent de l’année d’Arcade Fire: la totale. L’an dernier Karkwa a perdu ce trophée aux mains de Mes Aieux. J’espère que les fans des Cowboys ont compris le message de leur groupe favori (s’abstenir de voter) et que ceux des Trois Accords vont accepter l’évidence.

Choix : Karkwa

Prédiction : Karkwa

Interprète féminine de l’année

Brigitte Boisjoli

Isabelle Boulay

Cœur de pirate

Marie-Mai

Ginette Reno

A part Ariane Moffatt qui était à la place de Brigitte Boisjoli, les interprètes en lice sont exactement les mêmes qu’en 2010. Pas de raison que le résultat change.

Choix : Isabelle Boulay

Prédiction : Marie-Mai

Interprète masculin de l’année

William Deslauriers

Maxime Landry

Eric Lapointe

Fred Pellerin

Richard Séguin

Maxime Landry défend son titre acquis l’an dernier. La compétition la plus importante devrait venir d’Eric Lapointe et du jeune William.

Choix : Richard Séguin

Prédiction : Maxime Landry

Chanson populaire de l’année

Météore, Alfa Rococo

Fruits défendus, Brigitte Boisjoli

J’t’aime pas, J’t’adore, Nicola Ciccone

Près de toi, Martin Deschamps

Jusqu’au bout, Éric Lapointe

Elle s’appelait Serge, Les Trois Accords

Comme avant, Marie-Mai

Toujours de nous, Mario Pelchat

Je repars, David Usher, Marie-Mai

On va s’aimer encore, Vincent Vallières

Vincent Vallières va remporter le Félix le plus prisé des artistes. Photo d'archives. Courtoisie Pascal Ratthé.

La catégorie où je me goure immanquablement – sauf l’année du triomphe de J’t’aime tout court, de Ciccone. C’était tellement une évidence. Constat identique en 2011. En dépit de Nicola, toujours à surveiller dans ce genre de vote populaire, de la puissance de la chanson d’Eric et de l’incontournable Marie-Mai qui figure deux fois plutôt qu’une aux nominations, nous sommes tous d’accord. La chanson universelle que nos arrières petits-enfants écouteront encore en 2087 est On va s’aimer encore, de Vincent Vallières.

Choix : On va s’aimer encore

Prédiction : On va s’aimer encore