La razzia. Le triomphe. Le sacre. Le roi pompon ne savait plus où donner de la tête tant on lui a décerné de couronnes lors des deux cérémonies de remises de l’ADISQ : le premier gala, la semaine dernière, au Métropolis, et le Gala de l’ADISQ, dimanche, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts.
Par Philippe Rezzonico
Cinq Félix en tout. La dernière domination de ce genre avait été l’affaire de Ginette Reno en 2009, avec quatre statuettes. Mais au-delà du nombre considérable de récompenses, il incombe de réaliser que le couronnement de John the Wolf est, fait rarissime, décerné autant par l’industrie artistique et les critiques que le grand public.
Le Félix de la Chanson de l’année (Paradis City) et celui de l’Interprète masculin de l’année sont décernés avec un partage de votes de 50 pour cent entre les 750 membres de l’Académie (l’industrie) et le public.
L’Album de l’année – Rock (À Paradis City) repose aussi sur un vote partagé entre le public (les ventes) et l’industrie (les membres de l’Académie), mais les ventes ne comptent que pour 40 pour cent.
Pour sa part, le prestigieux Félix remis à l’Auteur ou compositeur est l’affaire d’un jury spécialisé qui ne tient pas compte des ventes d’album. Quant à l’Album – Choix de la critique…. Vous avez compris. Peu importe la méthode retenue, Jean Leloup gagne sur tous les tableaux.
On pourra arguer qu’une telle domination ne peut se produire uniquement qu’avec une poignée d’artistes qui sont adulés à part égales du milieu, de la presse spécialisée et du public. N’empêche, les ajustements apportés ces dernières années par l’ADISQ au mode de scrutin semblent porter fruit. Ce matin, tout le monde est d’accord.
On pourrait presque arriver au même raisonnement pour les deux Félix remportés par Ariane Moffatt, soit Interprète féminine de l’année et Album de l’année – Pop, pour 22h22. L’artiste a ainsi remporté le huitième Félix de sa carrière, elle à qui le titre d’interprète par excellence avait été dévolu une première fois en 2006.
Le disque d’Ariane, très personnel, a séduit un public bien plus large qu’elle ne l’espérait peut-être. Et, moment un peu surréaliste, elle a terminé ses remerciements sur scène pour le Félix d’interprète… à 22 h 22 précises.
Deux autres Félix remis dimanche ont de quoi réjouir. Celui de Marie-Pierre Arthur (Si l’aurore) dans la catégorie un peu curieuse Album de l’année – Adulte contemporain. Elle n’avait jamais obtenu une statuette en près de 15 ans de métier. Statuette remise par Ariane Moffatt, amie de toujours pour laquelle Marie-Pierre jouait de la basse dans le passé. Full circle, comme disent les anglophones.
Et le Félix pour le Groupe ou duo de l’année remis à Galaxie… Tellement mérité. Mais soyons honnêtes, jamais le formidable groupe rock d’Olivier Langevin n’aurait mis la main sur ce trophée s’il avait été décerné avec le scrutin 100 pour cent public d’il y a deux ans. Même après une explosive performance devant 102 000 personnes sur les Plaines d’Abraham en première partie des Rolling Stones cet été.
Sauf qu’il est primordial que les Félix reflètent ce qui s’est passé au cours de l’année dans l’industrie et que la règlementation tienne compte de plusieurs facteurs. Pas juste d’un vote préférentiel, comme le sont généralement ceux du public. Et la réalité, c’est qu’aucun groupe québécois francophone n’a été plus pétaradant et vibrant sur les planches que Galaxie. Sur disque également, dans la catégorie Alternative, où Zulu a été consacré.
Avec le Félix de la Révélation remis à cet OVNI qu’est Philippe Brach, cela fait pas mal d’artistes nouvellement couronnés à l’ADISQ, non? Si on ajoute le Félix décerné à Patrice Michaud pour le Spectacle de l’année – Auteur-compositeur-interprète, on sort de ce gala 2015 avec un peu le même sentiment qu’il y a une dizaine d’années (période 2003 à 2005) quand Ariane Moffatt, Pierre Lapointe, les Cowboys Fringants et autres Loco Locass remportaient leurs premières statuettes et annonçaient un vent de renouveau au Québec.
Sauf que les vétérans n’ont pas été oubliés avec l’avalanche de Félix remis à Leloup, Fred Pellerin (Album de l’année – Folk (Plus tard qu’on pense) et Album de l’année – Meilleur vendeur) et Isabelle Boulay (Spectacle de l’année – Interprète) pour son hommage à Serge Reggiani.
Équilibre, disais-je, vendredi dernier. Marie-Mai et Louis-Jean Cormier, bredouilles cette année, auront bien l’occasion de se reprendre.