Hasta la Vista: Sexual Healing

Hasta la Vista, ou le voyage peu ordinaire d'un trio d'handicapés lourds. Photo courtoise K Films Amérique.

On peut être prisonnier de son corps, mais le corps a des impératifs qu’aucun handicap ne pourra gommer. Hasta la Vista en fait l’éclatante démonstration par l’entremise d’un film irrésistible qui aborde un sujet presque tabou.

Par Philippe Rezzonico

Amis handicapés, Philip (un tétraplégique), Lars (un paraplégique atteint d’une maladie dégénérative) et Jozef (un aveugle) partagent l’amour du vin – qu’ils consomment en quantité – et l’absence de contacts sexuels, résultante directe de leur condition physique ingrate.

Afin de combler ce désir inassouvi, ils proposent à leurs parents de quitter leur Belgique sans eux afin d’aller faire une pseudo tournée des vignes dont le but ultime est en réalité de s’envoyer en l’air dans un bordel d’Espagne spécialisé pour les handicapés. Évidemment, à peu près rien ne va se passer comme prévu dans cette entreprise digne du road movie le plus imprévisible qui soit.

Hasta la Vista a fait coup double au plus récent Festival des Films du Monde de Montréal, obtenant à la fois le Grand Prix des Amériques (jury) et celui du public. Une première en 35 ans. Vous me direz que le volet compétitif du FFM n’est plus ce qu’il était, l’exploit est quand même de taille. On comprend fort bien pourquoi tant les professionnels du septième art que les cinéphiles ont jeté leur dévolu sur ce film du réalisateur flamand Geoffrey Enthoven, qui a fusionné l’esprit et la forme de Chariots of Fire, Ten et Baywatch dans sa séquence d’ouverture. Bijou.

L’amitié indéfectible d’adultes liés par un handicap grave et la notion de sexualité permettent au réalisateur de tracer une trame narrative qui oscille entre la comédie et le drame, entre le fou rire le plus absolu et les déchirements humains. Les relations humaines ont le beau jeu dans ce long-métrage qui ne révolutionne rien au plan de la structure, mais qui est d’une portée universelle en dépit de sa réalisation sage.

La quête de Jozef (Tom Audenaert), Philip (Robrecht Vanden Thoren) et Lars (Gilles de Schryer) sera-t-elle à la hauteur de leurs attentes? Photo courtoisie. K Films Amérique.

On ressent une réelle empathie de Enthoven envers ses exclus pour qui l’acte sexuel est perçu autant comme une guérison de l’âme que de la condition physique, lui qui avait abordé la vieillesse dans son précédent film, Meisjes. A travers les situations pas courantes de la vie quotidienne du trio, les êtres humains « normaux » que nous sommes en apprennent beaucoup sur ces gens que la vie n’a pas gâté.

Le réalisateur n’est pas pour autant complaisant avec eux, Philip (Robrecht Vanden Thoren), Lars (Gilles de Schryer) et Jozef (Tom Audenaert) ayant parfois des comportements agressifs et méprisants entre eux et envers ceux qui les entourent.

On a beau voir venir les dénouements de loin, Hasta la Vista se veut un film drôle, émouvant et rassembleur au possible, dont le seul pêché moral serait de nous inciter à ne jamais renoncer à nos désirs. Must.

[youtube=http://www.youtube.com/watch?v=zd0g69y66Y8]

• Hasta La Vista, de Geoffrey Enthoven, avec Robrecht Vanden Thoren, Gilles de Schryer et Tom Audenaert.
• Présentement à l’affiche en version originale, sous-titrée en français.
• Quatre étoiles