Heart : aussi bonnes que les meilleurs

Les soeurs Nancy et Ann Wilson étaient de retour à Montréal. Photo d'archives.

Après le passage des productions démesurées de Lady Gaga, Pink et Rihanna ces derniers mois au Centre Bell, il y avait quelque chose de rassurant d’assister au spectacle de Heart lundi soir : une grande voix, une guitariste fougueuse et des chansons qui ont fait époque. Parfois, il n’en faut pas plus.

Par Philippe Rezzonico

Des chansons connues de plusieurs générations, les sœurs Ann et Nancy Wilson en ont en quantité. Quand tu commences un spectacle avec Barracuda, c’est parce que tu as des munitions à revendre. Mais ce spectacle était bien plus qu’une enfilade de grands succès.

Après des décennies de carrière, il est parfois difficile d’attiser la flamme et de conserver la forme. Rien de tout ça pour Ann et Nancy Wilson. Ann Wilson est une force de la nature. Avec sa voix intacte encore dotée d’une puissance colossale, la sexagénaire reproduit les Heartless, Magic Man et autres Crazy On You comme si nous entendions les versions gravées sur disque il y a 40 ans. Proprement stupéfiant.

Quant à soeurette Nancy, son énergie sur les planches n’a d’égal que son jeu sur le manche. Et il fallait la voir donner son fameux coup de pied à la lune à une hauteur supérieure au micro au terme de son introduction allongée pour Crazy On You. Il est vrai qu’elle est la petite jeune de la famille… à 58 ans.

Si le rock nous a donné des tas de chanteuses de légende, le nombre de guitaristes féminines digne de ce nom est bien moindre. Et Nancy est également capable de défendre au micro, comme elle le fait pour These Dreams.

Était-ce meilleur qu’à Wilfrid-Pelletier en février 2011? Tout est question de perspective.

La séquence de chansons de lundi était bien mieux équilibrée que celle d’il y a deux ans, quand les sœurs Wilson avaient groupé Magic Man, Crazy On You et Barracuda avant le rappel. En éparpillant tous leurs tubes au gré du concert, ça donnait plus d’impact aux nouveaux titres comme Fanatic et 59 Crunch, cette dernière étant charpentée sur une structure presque métalloïde. Heart peut être hard au possible, n’en doutez pas.

Les sœurs Wilson ont aussi ressorti des boules à mites la rutilante Kick It Out qu’il faisait bon de réentendre. Bien sûr, la vie étant un équilibre, nous n’avons pas eu Straight On. En revanche, nous avions droit à ce que désigne comme étant une foule «DVD maison». J’ai du mal à comprendre que 95 pour cent des gens dans les gradins sont demeurés assis durant toutes les bombes que je viens de nommer depuis le début de ce texte. Sur ce plan, le show à Wilfrid était plus rassembleur.

Les mortelles ballades

Heart a beau s’approprier du rock dur avec aisance, ce sont toujours les ballades du groupe qui font mouche.

Il fallait entendre la foule interpréter spontanément les paroles de l’hymne qu’est devenu What About Love, savourer le jeu à la flûte traversière d’Ann durant Dreamboat Annie, ou réserver une ovation monstre à cette dernière au terme d’une livraison épurée et touchante de Alone.

Ça nous faisait oublier la production un peu chiche qui entourait le band.                         .

Tous les spectacles offerts par Heart lors de cette tournée canadienne qui prenait fin à Montréal l’ont été dans des salles plus modestes, comme le Massey Hall à Toronto (2700 sièges). Ça explique pourquoi la production avait l’air par trop minimaliste pour la dimension du Centre Bell. Mais peu de gens s’en plaindront parmi les 6065 spectateurs présents, sauf, peut-être, ceux qui étaient les plus éloignés de la scène.

Rock de gars et de filles

Impossible d’escamoter la notion de « rock au féminin » en parlant de Heart. Il y a une touche, une grâce et une manière incontournables. Pourtant, ce n’est pas l’étalon avec lequel on doit mesurer l’apport de ce groupe. Lady Gaga se compare à Madonna, mais on ne doit pas comparer les sœurs Wilson avec les rockeuses, mais bien avec les rockeurs.

Et ce n’est jamais plus évident que lors de leurs rappels, quand elles s’approprient des classiques du rock. Si Black Dog n’était pas la meilleure version offerte de l’histoire, hormis celles livrées par Led Zep, bien sûr, je paie la tournée. C’était monumental.

Robert Plant, sans rire, n’aurait même pas osé partager la chanson tellement il se serait fait manger tout cru. Ann avait la puissance du Plant de 25 ans avec la hargne d’une Wanda Jackson dans la voix.

Quant à Love Reign O’er Me, elle était aussi géante qu’il y a deux ans. Et en plus, nous avions Simon Townshend – le frère de Pete qui s’acquittait de la première partie – qui est venu rejoindre les sœurs Wilson et leur groupe pour interpréter le classique des Who.

Aucun doute, les sœurs Wilson sont les meilleures. Et certains soirs, on peut même conjuguer au masculin.