Il y a des albums qui naissent parce que l’auteur a une thématique bien précise en tête. Le plus récent disque solo de Jim Cuddy, Skyscaper Soul, a vu le jour en partie parce que le Canadien a donné un coup de pouce à un projet de sa femme. Et finalement, ça nous a permis de découvrir une autre facette de l’artiste. Remerciements à madame…
Par Philippe Rezzonico
D’emblée, Cuddy laisse entendre un petit rire quand on lui demande si Skyscraper Soul aurait quand même vu le jour sans le déclic provoqué par la chanson Water’s Running High, qu’il a écrite pour le court métrage de son épouse Rena, Four Sisters. Oui, disque il y aurait eu, assure-t-il, quoique peut-être pas avec la même coloration.
« Quand j’ai vu le film de mon épouse, je lui ai dit que ça lui prenait une chanson à la toute fin. Comme c’est une comédie noire portant sur une mère et ses filles, j’ai composé Water’s Running High qui se veut un chaud blues. »
Blues nappé d’une instrumentation différente de ce que nous sommes habitués d’entendre de l’un des deux chanteurs de Blue Rodeo.
« Après l’avoir composée, je me suis dit : « Dieu que j’aime ça, cette utilisation de cuivres. » C’est là que j’ai changé d’idée en regard de mon projet solo à venir et que je me suis dit que je n’allais pas faire un album country. »
Ainsi est née la genèse de Skyscraper Soul que Cuddy viendra présenter au théâtre Maisonneuve le 10 février prochain. Il s’agit du troisième disque solo pour celui qui partage le travail de composition au sein de Blue Rodeo depuis 1984. Le groupe qui a fait époque sera d’ailleurs intronisé au panthéon de la musique canadien lors de la prochaine cérémonie de remise des trophées Juno, en mars, à Ottawa.
Liberté de création
Contrairement à des tas de groupes qui risquent l’implosion, Cuddy et Greg Keelor n’ont jamais hésité à faire de la musique de leur côté, sans leur groupe de base. L’expérience a beau être de son côté, à quel moment Cuddy sait-il, lors de la création d’une chanson, qu’elle est taillée sur mesure pour lui plutôt que pour son band ?
« Je ne travaille pas comme ça, dit-il, parce que je ne veux pas me retrouver en position de choisir. Je ne veux pas que les gars me disent : « Hé, tu ne nous a pas amené cette chanson-là ? Elle est pourtant excellente. » Donc, je n’écris pour moi que lorsque que je sais qu’on ne fera rien avec le groupe durant 18 mois, comme ce fut le cas au moment de composer pour ce disque. Quand j’écris pour moi, mon écriture est plus personnelle au plan des thématiques. »
– En effet. N’empêche, une chanson comme Regular Days, la deuxième de Skyscraper Soul, on s’entend qu’elle aurait pu se retrouver sur le plus récent disque de Blue Rodeo ?
« Bien sûr, il est normal qu’il y ait des similitudes. C’est le même auteur qui compose, quoi pas dans le même contexte. Mais si certaines de mes chansons avaient été composée en pensant à Blue Rodeo, le produit final pourrait être très différent. »
Une chanson qui a fait parler de ce disque, c’est bien sûr Everyone Watched the Wedding, directement inspirée du mariage du fils de Lady Di, William, avec Kate Middleton. On imagine mal Cuddy être un royaliste, ce que certains ont suggéré à l’écoute de la chanson.
« Ce n’est pas tant ce mariage plutôt que l’effet que font les mariages. C’est quand même fascinant de voir que tant de gens, des millions de gens, arrêtent tout pour voir un mariage télévisé partout dans le monde. Il y a une certaine mise en perspective. Il ne faut pas présumer que je soutiens la monarchie parce que j’ai écrit ça. »
D’ici là, on pourra mesurer l’aisance – ou pas – avec laquelle Cuddy propose son nouveau matériel en même temps que l’ancien. Il dit que l’on a pas à s’inquiéter du résultat.
« Ça fait déjà quelque temps que nous sommes sur la route et toutes les chansons s’intègrent bien. C’est quand même une finalité un peu différente à ce que les spectateurs sont habitués, ce qui rend l’expérience plaisante pour eux et pour nous. On n’a pas l’impression d’offrir la même chose que lors de la précédente tournée. »