Animateur des remises des Oscars (cinéma), des Emmy (télévision) et des Tony (théâtre et musicals) aux États-Unis, comédien à la télévision et acteur au cinéma, Neil Patrick Harris est un artiste dont le talent indéniable et les goûts éclectiques se reflètent dans ses divers projets.
Par Philippe Rezzonico
Qu’est-ce que cela donne quand il devient l’animateur d’un gala au festival Just For Laughs, deux soirs durant? Cela mène à un résultat qui ressemble pas mal à ce qu’il nous propose sur d’autres plateformes de diffusion, en définitive, tant sa personnalité et son esprit se reflètent à travers nombre d’artistes qu’il a invité à se produire dans son « Circus Awesomeus ».
Harris, dit-il, n’est pas un humoriste dans le sens d’un Jerry Seinfeld. Peut-être bien, mais le monsieur que les gens de ma génération ont découvert dans le rôle de Doctor Doggie maîtrise les codes du genre. Ses présentations dans les grands galas internationaux lui ont servi d’entraînement. Et puis, en homme cultivé qu’il est, il sait se servir des différences entre son pays et le nôtre pour faire mouche.
Soulignant en touchant son anneau de mariage qu’il est récemment et officiellement lié à son amoureux, Harris, ouvertement gai, souligne que désormais « tout le monde a le droit au mariage chez nous (aux États-Unis). Chez vous, ça fait dix ans…
« On a aussi l’assurance-santé pour tout le monde, désormais. Chez vous, ça fait 50 ans… L’avenir des États-Unis est le passé du Canada. Bientôt, on va inventer la roue…. »
Son numéro de mentaliste, une certaine adaptation de ce qu’il avait servi aux Oscars, est à point. Faire un lien entre Kevin Kline et Kevin Hart, il fallait le faire. Je ne dévoile pas le punch pour ceux qui seront à la salle Wilfrid-Pelletier pour l’un ou l’autre des deux spectacles, mardi soir.
Il n’y a presque pas d’humoristes dans le sens pur du terme dans le cirque animé de Harris, sinon Brad Williams, qui fait crouler la salle de rire en se servant de son handicap (il est nain).
« Les nains, c’est comme si nous étions du bacon humain. Tout est meilleur avec nous… » Et on comprend ses craintes lors de chutes de neiges massives quand il est de passage à Edmonton.
« Ça ne vous dérange pas, une chute d’un pied et demi de neige? Si je trébuche dans un pied et demi de neige, je meurs! », note le monsieur qui vit en Californie.
Animateur et acteur
Entre le numéro convenu d’avaleur de sabre, celui, moyen, de marionnettiste, et les variations de jonglerie auquel il ne prend pas part (des classiques du cirque), Harris a pris soin d’être partie prenante de plus de la moitié des numéros de son spectacle.
Moments récurrents avec le clown Puddles – qui est venu présenter Harris en ouverture – et acteur important du numéro de l’illusionniste Ed Alonzo, l’animateur vient lui-même couper en deux une spectatrice qui s’en sort indemne. L’Américain respecte son public… Mais rien de bien nouveau dans le genre.
Harris donne également à réplique au bruiteur Beardyman qui confectionne sur-le-champ de courtes compositions basées sur des « titres » de chansons complètement tordus. Cela dit, une partie du concept (on tire des bouts de papier dans un bocal) n’est pas sans rappeler celui des spectacles de Gregory Charles.
C’est toutefois avec le contorsionniste et acrobate québécois Hugo Desmarais que Harris épate au plus haut point. Au terme de la prestation de ce dernier, l’acrobate lui fait signe de venir et les deux hommes partagent deux numéros de voltige. Dans ses habits ajustés, mince comme un fil, Neil Patrick Harris donne l’impression qu’il est en forme. On vous jure qu’il est dans une très grande forme… Ça, c’est ce qu’on appelle prendre des risques.
Seul véritable raté du spectacle, le numéro de Bridget Everett. Il peut être intéressant de bâtir un numéro qui fait la part belle à une forme exhibitionniste et qui crée un malaise. Mais quand tu te présentes avec un décolleté si ouvert que celui de Jennifer Lopez il y a 15 ans aux Grammy ressemble à un col roulé et que tu es tellement trash que Mike Ward et Peter Macleod ont l’air d’enfants de cœur, tu dois être exceptionnellement bonne. Vraiment pas. Gros, gros malaise. Raté.
Heureusement, Puddles est venu clore le tout avec une version remaniée des paroles de My Heart Will Go On où Neil Patrick Harris, tel un Leonardo Di Caprio des variétés, a pu s’offrir une finale digne du Titanic… qui était partiellement sur scène.
On ne s’en sort pas. Neil Patrick est un adulte de 42 ans qui a gardé son cœur d’enfant : chant, humour, variétés ou télévision, tout conserve un regard ludique avec lui. Mais le maître de piste de son cirque est aussi le maître du jeu, même quand ce sont les autres qui nous dérident.