La communauté de Laurence Hélie

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Je venais à peine de franchir la double porte vitrée qui donne accès à la Sala Rossa que je suis tombé sur Laurence Hélie. Pull sur le dos, souriante, verre de bière à la main, elle avait tout de la spectatrice décontractée qui écoutait avec attention une première partie plutôt que la tête d’affiche qui allait suivre dans 30 minutes. Convivial, cette entrée en matière, me disais-je.

Par Philippe Rezzonico

Cette perception ne s’est jamais démentie du reste de la soirée. Bien sûr, nous étions tous sur place mercredi pour la rentrée montréalaise de celle qui a remporté le Félix remis à l’album country par excellence en 2011, mais nous avons eu droit à plus que ça. Cette soirée était une véritable communauté d’esprit d’artistes et de musiciens fidèles à un idiome.

Par moments, on avait la splendide impression de vivre le genre de spectacle collectif auquel les McGarrigle et les Wainwright nous ont habitués. Comme elle nous le précisait elle-même la semaine dernière, Hélie avait doublé son nombre d’accompagnateurs sur scène.

En plus du trio guitare, contrebasse (Hans Bernhard) et batterie (Mark Wheaton), elle avait une deuxième guitare (Jordey Tucker), une slide (Joe Grass), un violon (Joshua Zubot) et une choriste (sa sœur Eva).

J’ignore comment on peut écouter les chansons d’Hélie autrement qu’avec une enveloppe sonore aussi riche : la slide de Grass suintait l’été et la langueur qui s’y rattache durant Tu ne me vois pas. Les deux guitares le ukulélé ont donné à Tant et si bien un souffle supérieur à sa version sur disque, tandis que les quatre voix et la rythmique appuyée conféraient de l’intensité à la chanson Les portes fermées.

Laurence Hélie aura su convaincre sur les planches autant que sur disque. Photo d'archives.

Mais Laurence, que l’on a senti nerveuse quand elle a lancé : « Pourquoi mes parents sont assis en avant ? », avait le goût d’avoir encore plus de monde. A un moment, elle a fait monter sur scène Salomé Leclerc qui était dans la salle pour qu’elle l’accompagne aux voix, tout comme ses amis artistes Leif, Emma, Michael et Michelle. La version de Quand on est en amour, jouée sur un tempo plus lent et dans un enrobage encore plus organique que celui de Patrick Norman, a été un réel bonheur avec cet apport vocal majoré.

Hélie a même gardé Michael Bryan et sa guitare ainsi que Michelle Tompkins et sa voix cristalline auprès d’elle pour une livraison superbe de Hickory Wind, la chanson de Gram Parsons reprise par Joan Baez, Gillian Welch et consorts.

Country bilingue

Très intéressant, d’ailleurs, d’entendre Hélie chanter en anglais. En français, son phrasé se distingue par une petite explosion mélodique dans les hautes. En anglais, c’est plus linéaire, plus continu. Dans les deux cas, c’est joli.

La jeune femme préparant du nouveau matériel, on a eu droit à De tout et de rien, une inédite que l’on pourrait résumer ainsi : du Renée Martel pur jus. Magnifique. Également Besoin de rien et une chanson en anglais, To Be Young Is To Be Sad,  qui fut un duo vivifiant à souhait avec Leif Vollebekk.

Charmante comme tout dans ses introductions parfois « maladroites », comme elle le souligne, Hélie a fait un faux départ avec Kérosène, parce qu’elle a oublié de chanter un demi-ton plus bas. Gros rire gêné sur les planches… En revanche, les livraisons de Tu me manques (avec une jolie entrée en matière de la contrebasse à l’archet) et de Plus je reste, ont été impeccables.

Difficile de dire où la jeune artiste va se diriger avec son prochain album attendu en 2012, mais on sent qu’elle a envie de bouger un peu plus. Bouger, c’était le mot d’ordre pour Fast As You Can, de Fiona Apple, qui a conclut la soirée sur les chapeaux de roues avec Zubot qui s’est payé la traite au violon.

Tiens… Rendu là, pourquoi pas un disque bilingue ? Le country s’apprête dans les deux langues, non ?