Un ami m’a déjà demandé pourquoi je m’intéressais aux films de super-héros. J’avais répondu qu’ils me permettaient de voir en chair et en os tout le mouvement que j’imaginais en lisant les Batman et Spider-man de mon enfance. Imaginez avec Tintin…
Par Philippe Rezzonico
Tintin, ce fut le premier héros grandeur nature et humaine, créé bien avant la bande de costumés américains. Pour les petits gars nés au début des années 1960, lire Tintin était une évidence et un accès obligatoire vers le neuvième art. Tous les parents et amis en achetaient pour leur progéniture. Mon premier fut L’oreille cassée – pas le plus facile d’accès à l’âge de cinq ans -, mais déjà, j’étais fasciné par le mouvement implicite des vignettes.
Si les premières animations dessinées et les deux films réalisés avec de vrais personnages (Tintin et les oranges bleues, Tintin et le mystère de la Toison d’or) avaient permis à l’enfant puis à l’ado de voir bouger pour de vrai ses premiers amis virtuels, Les aventures de Tintin – Le secret de la Licorne, produit et réalisé par ces gamins âgés que sont Steven Spielberg et Peter Jackson a de quoi bouleverser l’enfant qui sommeille dans le cœur des adultes.
Redécouverte
Ce Tintin-là n’est ni de la bande dessinée, ni du cinéma d’animation : c’est de la bande d’animation, un truc qui ne pouvait exister avant la technique «capteur de mouvement ». Pour l’œil, c’est comme redécouvrir avec un regard neuf un univers que l’on connaît par cœur.
Par cœur, parce que ce récit axé principalement sur l’album Le secret de la Licorne – l’un de mes favoris – tisse avec brio des liens avec sa suite, Le trésor de Rackam Le Rouge, et emprunte un détour inspiré vers Le Crabe aux pinces d’or, histoire de reproduire avec fidélité la première rencontre entre Tintin et le Capitaine Haddock. Et comme vous voulez entendre « Mille millions de mille sabords! », vous allez voir le film en français.
Outre ce trio d’aventures, Spielberg et ses scénaristes (Steven Moffat, Edgar Wright, Joe Cornish) font des clins d’oeil à l’œuvre en général et en particulier : à Hergé lui-même (vous ne pouvez pas le rater), aux premiers albums (soyez attentifs à la décoration), à On a marché sur la lune (assez facile à repérer), à L’affaire Tournesol (plus difficile) et au Sceptre d’Ottokar (là, il faut être très fort). Il y a même un personnage qui n’avait rien à faire dans cette galère qui nous gratifiera de sa présence. Personnage que tous les Tintinologues auront repéré bien avant que l’on ne le voie à l’écran. Il y a un indice, mais encore faut-il bien connaître son Tintin.
Vous comprendrez que les fans de la BD (les spectateurs les plus âgés, en général), vont avoir un niveau de lecture différent du jeune public auquel cette production s’adresse également. Il y a même des clins d’œil à l’œuvre de Spielberg : pour l’ensemble de l’œuvre d’Indiana Jones, évidemment, mais aussi pour Jaws.
Pendant les deux tiers du film, c’est le nirvana pour les puristes. Puis, parce que c’est quand même un film d’Hollywood destiné à un public pour lequel « l’action » des aventures de Tintin est bien tiède à côté de celle des Transformers, Spielberg nous gratifie de deux longues séquences explosives qui n’ont rien à avoir avec les aventures originales. Formidablement réalisées et rythmées comme jamais, elles provoquent néanmoins une réelle rupture de ton dans la production, quoique sans aucunement trahir la forme.
Si cela m’a agacé durant quelques instants – je me range du côté des puristes -, à l’arrivée, c’est comme si je découvrais deux scènes inédites tirées d’un livre inconnu de Tintin qu’Hergé aurait caché dans un fond de tiroir durant 50 ans.
On saura dans deux semaines si l’engouement de l’Europe et celui du Québec auront des échos aux Etats-Unis. Mais je vous parie que « Les aventures de Tintin » ne sont pas terminées. Plus de 40 ans après la première lecture d’une histoire du reporter à la houpette, ça va nous permettre de rester jeunes longtemps. Je dirais même plus: plus longtemps.
Les aventures de Tintin – Le secret de la Licorne, de Steven Speilberg et Peter Jackson.
Présentement à l’affiche : 4 étoiles