Le charme indéniable d’Ingrid St-Pierre

Ingrid St-Pierre a subjugué son auditoire, mercredi, à La Tulipe. Photo courtoisie.

Elle est haute comme trois pommes, possède une voix de petite fille et un sourire à faire chavirer les montages. Mais ne vous y trompez pas. Si les chansons d’Ingrid St-Pierre peuvent parfois être à l’image de sa personnalité enjouée, elle sait aussi toucher l’âme avec des compositions et des textes émouvants.

Par Philippe Rezzonico

Nous avons constamment oscillé entre ces deux pôles, mercredi, à La Tulipe, pour la rentrée montréalaise de la jeune chanteuse et pianiste. Mine de rien, la blonde artiste a bien plus de métier qu’elle n’en laisse paraître.

Elle nous raconte des anecdotes rigolotes et rocambolesques touchant sa nouvelle voiture qu’elle pensait vandalisée, sa « maladresse maladive » et sa collection de bibittes qu’elle « insère maintenant dans ses chansons », mais on réalise rapidement que toutes ses histoires débitées avec aplomb servent avantageusement la mise en scène.

On galvaude parfois le mot univers quand vient le temps de résumer l’esprit d’un artiste. Il est tout à fait adéquat, ici. Thomas Fersen possède son animalerie, St-Pierre a ses insectes que l’on découvre avec Une luciole sur un High et Planque à libellule. Elle fusionne également avec charme indéniable ses histoires tendres ou loufoques au sein d’une enveloppe sonore bicéphale (piano et cordes).

En dépeignant nombre de situations avec des mots du quotidien, on pense parfois à Linda Lemay en l’observant, mais l’apport poétique des compositions de St-Pierre est plus important que sa base anecdotique.

Toutes les Ingrid

Quand elle entonne Mercure au chrome et p’tits pansements avec les musiciennes de sa section de cordes transformées en choristes, elle fait furieusement penser au Pierre Lapointe des débuts. Quand elle met son chapeau et joue de son piano debout, tandis que ses collègues colorent en pizzicato le texte au vitriol des Pâtes au basilic, on pense à Marie-Jo Thério. Mais quand elle offre, Les ex, tout en retenue, avec un jeu lent et délicat sur les ivoires, ont voit que cette artiste a de la graine de Barbara en elle.

Durant quelque 90 minutes, St-Pierre a su captiver l’attention des spectateurs qui étaient subjugués. Silence digne d’une cathédrale pleine de fidèles recueillis. On aurait entendu voler une luciole.

Portion de piano à quatre mains (avec la violoncelliste Camille Paquette-Roy) pour Collée sur tes papilles, finale vocale sans amplification sonore pour Les froufrous blancs, et livraison au ukulélé pour En p’tit bonhomme, St-Pierre ayant demandé à tous ceux qui jouent de cet instrument de quitter la salle, de peur de se rendre ridicule.

Entre deux pôles, comme on disait plus haut. Et plus ça allait, plus ça s’accentuait.

Homéostasie crânienne, quand tout le monde battait la mesure, semblait sortie d’un numéro de cabaret. Ou peut-être, d’un vieux café. St-Pierre (26 ans) a souligné durant le rappel le temps où elle gagnait sa vie à Trois-Rivières, offrant en pot-pourri de larges pans de chansons rock (Metallica et Kiss), pop (Britney), « classiques » (Elliott Smith) et « kétaines » (les B.B.).

A l’inverse, Sous les aquarelles, désir brisé d’une jeune fille qui voulait voir ses parents vieillir ensemble, était sobre et touchante. Quant à Ficelles, inspirée de sa grand-mère atteinte d’Alzheimer, elle n’était rien de moins que bouleversante. Savoir exploiter des émotions si divergentes d’une chanson à l’autre sans faire déraper un spectacle relève d’un talent certain.

Si vous n’y étiez pas mercredi, vous pourrez vous reprendre avec la supplémentaire annoncée pour le 17 février prochain, toujours à La Tulipe. J’ai déjà réservé ma chaise en quittant la salle.