Le Top 50 de Frank (23): Herbie Hancock largue les amarres

Au début de 1965, un chat libre nommé Herbie Hancock, qui traverse alors sa deuxième ou sa troisième vie, se laisse inspirer par la majesté de la mer. Qui a dit que les félins avaient peur de l’eau ?

Par François Vézina

Accompagné de quatre bons marins aux oreilles vives et aux doigts agiles, Hancock a enregistré ici l’un des albums fondamentaux des années 1960.

Le pianiste présente cinq compositions originales dont trois auront leur place bien méritée dans les recueils de standards du jazz : Maiden Voyage, The Eye of The Hurricane et Dolphin Dance.

Une quatrième – Little One – a déjà été interprétée quelques semaines auparavant par le quintette de Miles Davis (sur l’album E.S.P.), un groupe dont le pianiste est un certain Herbie Hancock.

Une simple coïncidence, sans doute.

L’album est un chef-d’œuvre d’équilibre entre l’apparente simplicité des thèmes plutôt hard bop et des paysages harmoniques dignes de Kind of Blue.

Les thèmes, accrocheurs sont brièvement exposés, parfois par le duo Hubbard-Coleman, parfois par Hancock lui-même. Suivent des impros souvent magistrales, ponctuées brillamment par une section rythmique aux aguets.

Les amis de chez Miles

La présence des collègues de Hancock au sein de la section rythmique du quintette de Miles assure une grande cohésion à l’ensemble, même si parfois l’accompagnement peut sembler parfois plus aléatoire. Tony Williams, pour un, propulse les solistes grâce à un jeu de cymbales tout à fait inouï.

Ron Carter tient le gouvernail de ses doigts puissants.

Les horizons inconnus inspirent grandement Freddie Hubbard, particulièrement en verve. Volubile, le trompettiste – qu’on a entendu aux côtés d’Ornette Coleman, John Coltrane et Eric Dolphy – s’éclate. Il affiche un jeu tout en nuances, sachant passer de piano à forte le temps de quelques notes. Ses attaques sont particulièrement justes.

Hancock est inventif dans tous les aspects de son jeu, faisant preuve d’une grande souplesse dans l’accompagnement et d’une belle fluidité dans ses solos.

George Coleman ne se laisse pas démonter même lorsque les ondes deviennent plus houleuses. Ses interventions souvent lyriques parviennent souvent à calmer les éléments.

Entre un départ calme, presque sans histoire (Maiden Voyage disparaît en fondu), et une arrivée paisible au port (Dolphin Dance), la tempête grondera à quelques reprises mais jamais l’équipage ne laissera le navire trop dériver vers des récifs inhospitaliers.

Le cinquième album de Hancock à titre de leader est une belle invitation au voyage. Vous êtes prêts ? Larguez les amarres ! La mer vous attend.

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Le Top-50 de Frank (23): Herbie Hancock, Maiden Voyage

Étiquette: Blue Note

Enregistrement: 17 mars 1964

Durée: 42:07 (5 plages)

Musiciens: Herbie Hancock (piano), Freddie Hubbard (trompette), George Coleman (saxophone ténor), Ron Carter (contrebasse), Tony Williams (batterie).