Lee Rocker au RH&B : la puissance brute du rockabilly

Lee Rocker au Red Hot & Blue. Photo courtoisie Colin-Earp Lavergne.

À la fin d’une version foudroyante de Rumble In Brighton, Lee Rocker a soulevé sa contrebasse d’un seul bras, comme pour souligner deux fois plutôt qu’une la puissance du classique des Stray Cats et de son idiome musical.

Par Philippe Rezzonico

C’est ce qu’il y a de bien avec Brian Setzer – en trio ou en big band – Slim Jim Phantom ou Rocker, qui était la vedette internationale du Red Hot & Blue Weekend présenté durant la fin de semaine de la Fête du Travail : ces artistes, héritiers de sang des pionniers du rock n’ roll, n’ont jamais perdu de vue l’essence de la musique qui les fait vibrer.

On peut dire la même chose avec The Lustre Kings, The Honeybees, Gizelle & Jittery Jack et autres Rocky Velvet venus d’ici ou d’ailleurs durant trois jours au théâtre Rialto où une bonne partie de l’assistance présente était vêtue comme il y a 50 ou 60 ans, ce qui faisait très chic dans le vieux théâtre d’une autre époque magnifiquement rénové.

Rocker, comme il l’avait fait lors de son passage en 2009 au Lion d’Or, lors de ce même festival, n’a pas ménagé la poudre, mais s’il ne jouait pas avec son instrument personnel.

« J’ai bien hâte de voir ce que je vais tirer de cette contrebasse (celle du contrebassiste des Lustre Kings) », a-t-il noté en coulisses, quelques instants avant qu’il ne monte sur scène.

– Vous aviez fait la même chose en 2009, c’est-à-dire jouer avec la contrebasse d’un autre musicien.

« Oui??? En effet, vous avez raison. Je fais parfois, quand je sais que l’instrument sera à la hauteur. »

– Et comment pouvez-vous en être sûr à l’avance?

« Ici, je connais l’artiste qui possède l’instrument et je connais la marque et le modèle de la contrebasse, faite aux États-Unis. Un modèle avec lequel je joue souvent. »

Il n’y a aucun doute que Rocker est familier avec ladite contrebasse qui a été mise à forte contribution d’entrée de jeu avec Bulletproof. Tout au long de sa prestation, Rocker a alterné avec les classiques des Stray Cats (Stray Cat Strut, Built For Speed, Blast Off), ses propres compositions (Miracle In Memphis, Running From the Hounds) et des titres récemment enregistrés de l’album Night Train To Memphis, ce qui nous a permis d’entendre une kyrielle de titres gravés par Elvis chez Sun Records.

Photo courtoisie Colin-Earp Lavergne.

Cette fois, les That’s All Right, Blue Moon of Kentucky et Good Rockin’ Tonight étaient interprétées par un quatuor plutôt qu’un trio, mais Rocker et ses guitaristes (Buzz Campbell et Brophy Dale) et son batteur (Jimmy Sage) ont respecté à la perfection les tempos et les structures. Pas question de jouer ça à la vitesse folle des compos des Stray Cats, par exemple.

À l’inverse, les Runaway Boys, Fishnet Stockings et autres Rock This Town ont été offertes tambour battant, comme les chats de gouttières le faisaient dans les années 1980. Vu que Campbell est capable de reproduire tous les solos et toutes les cascades de notes de Setzer avec sa splendide Gretsch, on n’y perd pas une seconde au change.

Et quand Rocker pige ailleurs que dans ce qu’on pourrait nommer les évidences, il fait preuve de goût et d’un sens inné de l’histoire.

Buddy, The Band, Beatles

Comme en 2009, nous avons eu droit à son excellente reprise de Lonesome Tears, l’un des titres les plus marquants, quoique pas des plus connus de Buddy Holly.

Puis, notant qu’il avait joué il y a deux ans avec Levon Helm – quelque temps avant son décès – et qu’il a qualifié l’expérience de « religieuse », Rocker et ses potes nous offrent une version magique d’Ophelia que The Band n’aurait pas renié une seconde. Nous n’étions pas revenus de ce plaisir qu’il enchaînait avec I’ll Cry Instead. J’étais sidéré.

Cette version m’a fait le même effet que lorsque Paul McCartney a interprété It’s So Easy, de Holly, cet été à Québec, lors de son test de son. Macca qui honore l’une de ses idoles, un Stray Cat qui honore le passé rock n’ roll des Beatles. Boucle bouclée.

Et Rocker et ses copains ont terminé ça avec une livraison incendiaire et déjantée de Rockabilly Boogie, du Johnny Burnette Trio, et l’incontournable Brand New Cadillac, de Vince Taylor, offerte dans une mouture style The Clash. Repus, étions-nous. En ayant déjà hâte à l’an prochain.