Les aigles majestueux

De gauche à droite: Bernie Leadon, Timohty B. Schmit, Don Henley, Glenn Frey, Joe Walsh et Stuart Smith. Photo tirée de Facebook

Le pygargue à tête blanche, mieux connu sous l’appellation d’aigle à tête blanche, a été une espèce menacée durant un certain temps au XXe siècle. Elle ne l’est plus. The Eagles n’ont pas non plus à craindre pour leur pérennité. Comme nous tous, un jour, leurs membres ne seront plus, mais leur musique vivra longtemps après leur départ.

Par Philippe Rezzonico

The History of the Eagles, présenté lundi soir au Centre Bell, ne pouvait mieux le démontrer. Le nombre de chansons entendues durant deux heures et 40 minutes qui ont fait les beaux jours des radios FM de l’Amérique était volumineux. Et de plus, ces titres ont été interprétés sans faille, ce qui n’est pas rien, pour un groupe qui a désormais franchi les quatre décennies de métier.

Le spectacle fut le même que celui présenté à Ottawa au mois de juillet, mais il fut nettement resserré. Les enchaînements étaient plus fluides, la dextérité des instrumentistes était supérieure, Don Henley avait cette fois une voix im-pec-ca-ble et les harmonies étaient encore plus stupéfiantes. Logique, le spectacle d’Ottawa n’était que le quatrième de cette virée. Après des mois de galère, les Eagles qui se sont présentés à Montréal n’étaient rien de moins que majestueux.

L’histoire à l’avant-plan

Spectacle concept s’il en est un, surtout en première partie, la mise en scène retenue fait toujours son petit effet. Saturday Night (Henley et Glenn Frey), This Train Leave This Morning (avec l’ajout de Bernie Leadon, le premier guitariste du groupe), Peaceful Easy Feeling (avec l’apport de Timothy B. Schmit) et Witchy Woman (avec le concours de Joe Walsh) s’enchaînent avec aisance et montrent l’évolution du band dans les années 1970, comme si les boys jouaient devant un feu de camp.

Au départ, Frey et Henley ont l’air des Everly Brothers avec leurs guitares acoustiques. Puis, quand cinq autres musiciens se joignent aux Eagles et que tout ce beau monde interprète Already Gone, Best of My Love ou Lyin’ Eyes, les Eagles semblent être devenus les Beach Boys à la puissance dix tant les harmonies enveloppent le Centre Bell. Majestueux, disais-je.

Don Henley et Glenn Frey. Photo courtoisie Live Nation.

Derrière eux, après le lever du rideau, on voit défiler durant Tequilla Sunrise (splendide) Doolin-Dalton ou Desparado des paysages désertiques et des bagarres à coups de pistolets.

L’accent historique de la première partie, qui s’agrémente de commentaires préenregistrés qui font penser aux musicographies télévisées, s’estompe graduellement en deuxième partie, quand les Eagles abordent les succès les plus mémorables du groupe, particulièrement ceux de l’album Hotel California.

New Kid in Town (parfaite) aura droit à une salve d’applaudissements nourris et Heartache Tonight, amorcée a cappella, permettra aux 14 400 spectateurs de battre la mesure avec plaisir.

Cela permet aussi de braquer les projecteurs sur Schmit et Walsh. Le premier fait merveille dans I Can’t Tell You Why – avec sa voix presque aussi haute que celle de Barry Gibb – ainsi qu’avec Love Will Keep us Alive, la chanson de réconciliation du band à l’époque des retrouvailles des années 1990.

Pour sa part, Walsh se met en évidence avec Pretty Maids All in a Row et avec une série de titres plus musclés qui poursuivent le crescendo établi dès le départ : In the City (avec des gratte-ciels en arrière-plan), Life’s Been Good (avec Godzilla sur écran), Funk #49 (duel de guitare avec Frey) et, bien sûr, Live In the Fast Lane, offerte dans le tapis avec cinq guitares, deux batteries et autant de claviers. Le gros jam sale.

La table était mise pour Hotel California. « Dieu nous blesse », comme disent les religieux, elle a été encore plus réussie que l’été dernier, Walsh et le guitariste invité Stuart Smith partageant les échanges à la perfection durant le fabuleux long solo, désormais mythique. Tellement, qu’on pensait presque écouter l’album.

C’est d’ailleurs ce qui rebute certains amateurs. Les livraisons des Eagles en spectacle sont pratiquement des claques de leurs versions studios, un peu comme Sting, d’ailleurs. Ça enlève une certaine spontanéité à la performance, mais cela a le grand mérite de nous permettre d’entendre des versions à la hauteur des originales. Zéro problème pour ma part.

Frey a noté avec à-propos que les projections qui défilaient sur les écrans avaient été créées par la firme montréalaise Geodezik et il a rappelé avant Take It Easy au rappel que les Eagles l’avaient interprété en première partie de Jethro Tull à Montréal en 1972.

Là, la mémoire de Frey a légèrement fait défaut. C’était Procol Harum. Merci pour la précision du collègue Bernard Perusse du quotidien The Gazette. En 1972, je n’étais même pas en âge de penser aller voir des shows…