Record de chaleur sur Montréal pour un 20 juin, première journée de l’été, tournée 50e anniversaire des Beach Boys et 70e anniversaire de naissance de Brian Wilson. Vous avez dit : conditions gagnantes ? Et comment ! La vague de chaleur caniculaire a déferlé sur le Centre Bell mercredi et Surfin’ U.S.A. avait des allures de Surfin’ Montréal!
Par Philippe Rezzonico
Regardez cette photo prise une demi-heure avant que les Californiens ne montent sur les planches. Trois Beach Boys originaux des débuts du groupe en 1961 (les cousins Brian Wilson et Mike Love, le pote Al Jardine), le voisin d’à côté qui était là en 1962 et 1963 (David Marks) et le petit dernier (Bruce Johnston), arrivé au sein du groupe….en 1965.
Regardez surtout le sourire de Brian, le surdoué schizo sur les bords à la santé mentale toujours fragile. Quel sourire ! Heureux, le génie de la mélodie et des harmonies… Nous ne le savions pas encore en arrivant à nos sièges, mais c’était de bon augure.
On savait par contre que les garçons de plage n’allaient pas passer sous silence l’anniversaire de Brian tant il y avait de ballons gonflés à l’hélium sur la scène. Plus d’une cinquantaine. Et les spectateurs ont chanté le Happy Birthday. Le réservé et renfermé Wilson a même esquissé un sourire quand Love a souligné la chose. Fallait qu’il soit heureux…
Ça conférait un cachet particulier à ce spectacle qui aurait mérité plus que les 6734 spectateurs présents. C’est ainsi. Pour bien des gens, même de la génération des baby boomers, les Beach Boys sont un groupe passéiste qui ne mise que sur la nostalgie pour faire une tournée payante afin de souligner 50 ans de carrière. Remarquez, tout cela est vrai.
Enrobages superbes
Sauf que c’est mal connaître Wilson qui a dépoussiéré – sans ses amis d’enfance avec lesquels il était brouillé depuis deux décennies – presque tous les classiques et les chansons obscures du catalogue des Boys depuis plus d’une décennie avec les Wondermints. Et ce sont ces arrangements fa-bu-leux que nous avons entendus.
Les Wondermints, ce sont les autres musiciens qui accompagnaient les BB américains sur scène. Des musiciens accomplis – la plupart étant des instrumentistes supérieurs aux Beach Boys -, qui possèdent des voix du tonnerre pour générer des harmonies vocales à couper le souffle.
Globalement, la voix de Love a bien tenu la route, sans être aussi puissante que naguère. Meilleure livraison : When I Grow Up (To Be a Man), identique au disque d’origine. Stupéfiant. Celle de Wilson a perdu son timbre, mais ne déraille pas et elle a fait le boulot avec émotion lors du segment Smile/Pet Sounds qui comprenait la colossale Heroes and Vilains et le doublé coup de cœur formé de Sloop John B. et Wouldn’t It Be Nice qui a provoqué l’une des plus grosses réactions de la soirée.
C’est néanmoins Jardine qui a conservé la meilleure voix, lui qui fut impeccable pour Then I Kissed Her (la reprise des Beach Boys de Then He Kiss Me, des Crystals) et Cotton Fields, ce joli titre vaguement country qui comptait au nombre des raretés de la soirée. Parlant de raretés, California Saga et Marcella étaient de la catégorie champ gauche.
Raz-de-marée de succès
Dans ce méga-spectacle de près de deux heures et demie qui comprenait pas moins de 48 chansons (!), les Beach Boys ont survolé toutes leurs époques. Avec six guitares et basses, trois claviers, deux batteries et plus d’une demie douzaine de musiciens pouvant harmoniser – et parfois suppléer – aux membres originaux, tout était possible.
Kiss Me Baby, avec ses trois couches vocales superposées – presque en canon – était renversante, à peine plus que Dont Worry Baby et Darlin’, interprétées par les Wondermints comme lors des tournées de Wilson sans les Beach Boys. La complexité musicale de Disney Girls (chantée par Johnston) était mémorable, alors que Surfer Girl et In My Room étaient belles comme ce n’est pas permis.
Vu qu’il s’agissait d’un 50 anniversaire, les garçons n’avaient oublié personne. Vraiment personne. A preuve, ils ont accompagné le temps d’une chanson chacun Dennis (Forever) et Carl Wilson (God Only Knows), alors que l’on voyait chanter les deux disparus sur de vieux enregistrements à l’écran. Émouvant.
Bien sûr, les fans qui ne venaient que pour les succès radiophoniques d’antan n’ont pas été déçus. A part Dance, Dance, Dance, toutes les bombes étaient au menu. Bonne idée de grouper les tounes de char à la fin de la première partie, Little Deuce Coupe, 409, Shut Down et I Get Around.
Situation identique en seconde portion quand les légendaires California Girls, Good Vibrations et tous les autres tubes (Help Me Rhonda, Surfin’ U.S.A., Barbara Ann, Fun, Fun, Fun) se sont succédés alors que des images de plage, de mer et de filles étaient visibles à l’écran. Là, c’était de l’ordre du party de plage.
David Marks a particulièrement brillé lors des chansons coulées dans le moule de celles de Chuck Berry, c’est-à-dire, presque tous les succès des BB à tempo rapide des cinq premières années.
Au sortir du Centre Bell, deux évidences étaient limpides : on ne pouvait trouver un spectacle plus indiqué que celui-là pour amorcer l’été et les Beach Boys n’ont jamais – mais vraiment jamais – été mieux entourés sur scène que lors de cette virée du 50e.