Depuis le printemps dernier, le dernier mardi du mois, Amélie Veille nous offre Les veillées d’Amélie, proposition artistique où elle met à profit ses talents d’auteur-compositeur et interprète, seule, ou avec la complicité de ses invités. Au sortir de la veillée présentée mardi soir O Patro Vys, je m’en voulais un peu de ne pas y être allé plus tôt.
Par Philippe Rezzonico
Il est vrai le calendrier spectacles de 2011 de la métropole a été impitoyable envers la jolie et talentueuse artiste. Je viens de vérifier… Elle s’est produite durant la deuxième semaine du Festival de jazz et les soirs où Ben Harper, Avril Lavigne, James Blunt et Paul McCartney étaient en spectacle à Montréal. C’est de la concurrence poids lourds, ça.
Pourtant, en rétrospective, je me dis que j’aurais pu sacrifier n’importe lequel de ces shows – sauf McCartney, elle ne m’en voudra pas – tant ce qu’elle propose à de quoi plaire à un type dans mon genre.
Comme à la maison
Convivialité, pour commencer. C’est plutôt rare que tu te pointes à un spectacle et que l’artiste t’accueille elle-même à la porte, alors que les autres musiciens et chanteurs discutent avec le public.
Découverte, aussi. Hormis le collectif de Toutes les filles qui remonte à 2009, Amélie Veille n’a pas lancé de disque depuis des lustres. L’année 2006, en fait. Elle a donc des tas de nouvelles chansons qu’elle déballe dans sa forme de création (guitare-voix). Du pur plaisir.
Jamais comme elle, inspirée d’un ouvrage de Nancy Huston, est une chanson qui nous incite à ne jamais laisser passer le moment présent. Pertinente et bien sentie, tant la voix de la jeune femme porte ses mots avec conviction. Le fantôme aux yeux bleus, plus poétique, était jolie.
Idem pour Pascal Dufour et Eric Goulet qui livraient respectivement de récentes chansons. L’étranger, de Dufour, possède une mélodie qui tue et le propos de l’acceptation touche une corde sensible. Quant à Goulet, sa version « folk Newport » de sa chanson country Tu sais bien avait surtout l’air d’une chanson de Dylan à la sauce Springsteen, because, l’harmonica. Racines.
Valeur ajoutée
Les partages, également. Genre de valeur ajoutée à des chansons que ces artistes n’ont jamais interprétées ensemble. A ce chapitre, Amélie a la classe d’être une accompagnatrice hors pair, laissant toujours briller ses invités, mais en apportant sa voix juste pour rendre l’offrande plus savoureuse.
Superbe livraison à deux voix et deux guitares de Chacun dans son espace, cette chanson écrite par Goulet pour Vincent Vallières. Très bon partage aussi de Ma vie à l’heure, que Dufour a accepté de sortir de son tiroir à souvenirs des Respectables. « Moi, je n’ai pas de chanson que tout le monde peut chanter », a ironisé la jeune femme.
Également une collaboration avec une autre Amélie, Larocque celle-là, pour On s’aimera. Un titre classé au répertoire amitié et composée par la grande Amélie (Larocque a bien une tête de plus que Veille). Bonne chanson, quoique mon collègue Cormier ne pouvait supporter les bruits de bouche échantillonnés – il déteste ça – et je frémissais à l’écoute du solo de gazou – je déteste ça. J’ai réellement préféré La cachette, l’autre composition de Larocque qui précédait.
Forcément, dans ce genre d’entreprise, il y a les surprises. Si je ne m’attendais pas à Ma vie à l’heure, c’est encore plus vrai pour Comme un cave, que Goulet a sorti, justement, de la cave de Possession Simple. Heureux.
Amélie aussi en avait une de surprise : sa première chanson de désir charnel composée pendant la tournée de Toutes les filles, « peut-être parce que j’étais entourée de femmes épanouies. De toutes façons, de quoi voulez-vous que sept filles parlent dans un econoline ?»
Les genèses
Et, obligatoirement, ce genre de spectacle nous apprend d’où viennent les chansons. A ce petit jeu, Amélie a été limpide, Dufour fut efficace, Goulet a frisé le numéro de stand-up comic, tandis que Paul Piché a été lumineux.
Oui, on a apprécié sa livraison de Y’a pas grand-chose dans l’ ciel à soir, mais fallait l’entendre expliquer comment les attentats terroristes en Espagne en 2003 ont mené à l’écriture de Arrêtez.
Il fallait surtout l’entendre nous expliquer…. Non, non… Il fallait le voir nous faire vivre le processus de création de L’escalier, qu’il n’était pas capable d’arranger correctement pour un groupe et que Michel Hinton lui a proposé de faire uniquement en piano-voix.
Il fallait le voir revivre le cheminement d’écriture, comment l’inspiration lui est venue en sortant de chez lui, ce jour-là, à ce moment-là, et ce que représente cette chanson.
Durant un bon quart d’heure, Piché a transformé Les veillées d’Amélie en un équivalent du Actor’s Studio. Et puis, il a chanté L’escalier a cappella. Je ne l’avais jamais vu faire ça en 30 ans. Et pour cause, ce n’était que la troisième fois qu’il l’offrait ainsi. Sans musique, la puissance des mots était foudroyante. Les spectateurs ont pris la chanson au vol en finale, sans qu’il ne le demande. Communion rarissime.
C’est ça, Les veillées d’Amélie Veille. La prochaine aura lieu le 28 février. Qui y sera ? On ne sait pas. Ça sera dévoilé sur sa page Facebook. Je vous promets que ça va prendre Springsteen en ville, au minimum, pour que je ne fasse pas acte de présence.