Les vieux

Leonard Cohen. Photo courtoisie Sony.

Mercredi soir, Leonard Cohen livrera le premier de deux spectacles au Centre Bell. Le poète montréalais sera au nombre des artistes de légende qui ont défilé dans l’amphithéâtre laissé vacant par le Canadien en ce mois de novembre après Bob Dylan, The Who, Neil Young et ZZ Top.

Par Philippe Rezzonico

Un autre «vieux», me direz-vous. En âge, certes. Mais contrairement aux personnes âgées dont Brel parlait dans sa chanson Les vieux, ces «vieux»-là et bien d’autres qui écument la planète en 2012 (McCartney, Springsteen, les Rolling Stones) sont dotés d’une énergie phénoménale à faire rougir des tas d’artistes bien plus jeunes qu’eux. Comment font-ils? Secret de la Caramilk. Hommage aux vieux.

Avant un spectacle, les journalistes conviés à couvrir l’événement du lendemain ou du soir même demandent généralement aux producteurs le déroulement de la soirée. Dans notre jargon, on désigne ça comme étant les «set times». On nous précise l’ouverture des portes, l’heure à quelle heure le ou les groupes qui font le (s) première (s) partie (s) se pointent sur scène, l’heure d’arrivée des têtes d’affiches, s’il y a entracte ou pas, etc..

Mardi matin, nous avons reçu le déroulement de la soirée pour Leonard Cohen. Le libellé allait comme suit : Portes (19h), Leonard Cohen (20h à 21h20), entracte, Leonard Cohen (21h40 à 23h30). Même en enlevant la durée de l’entracte (20 minutes), vous réalisez que le grand Leonard va nous offrir une performance de trois heures, au minimum.

Vous me direz que le grand artiste ne verse pas dans le rock n’ roll, qu’il ne descend pas suspendu du plafond tel un ange comme Justin Bieber et qu’il ne se laisse pas porter par la foule comme le Boss, mais nous parlons quand même de trois heures de prestation à l’âge vénérable de 78 ans. Ce n’est pas rien. À titre comparatif, Charles Aznavour tenait la scène deux heures et demie, entracte compris, quand il avait le même âge, en 2002.

Neil Young. Photo Wikimedia Commons.

Vendredi, Neil Young, victime d’un anévrisme au cerveau en 2005, a torché le Centre Bell durant deux heures et 15 minutes avec ses potes de Crazy Horse. Il a beau avoir 67 ans, le grand Neil était à la hauteur de son nom de famille : Young. Comme s’il avait 15 ans. Une force de la nature.

Voix puissante, guitares acérées, fougue juvénile : il fallait le voir jouer dos à dos avec son guitariste Poncho, comme si les deux hommes étaient des ados dans leur garage. Tout de suite avant, en première partie, Patti Smith, la grande prêtresse du rock, affichait une énergie à faire pâlir quiconque ayant atteint les 65 berges. Fallait l’entendre interpréter Gloria avec une ferveur que Van Morrison aurait appréciée.

En début de semaine, c’était Roger Daltrey (68 ans) et Pete Townshend (67 ans) qui renouaient avec le public de Montréal. Daltrey n’affiche rien de moins qu’une forme de culturiste. Sa voix commence à se faire plus mince, ici et là, mais il a encore propulsé Love Reign O’ver Me et Won’t Get Fooled Again dans la stratosphère. Quant à l’ami Pete, aminci, on ne l’avait pas vu dans une telle forme depuis le siècle dernier avec The Who. L’intégrale de l’opéra-rock Quadrophenia et un rappel de plus d’une demi-heure en forme de grand succès.

Dylan: imparfait mais intense. Photo Wikimedia Commons.

Le 16 courant, c’était Dylan qui repassait sur nos terres. On peut discuter longtemps de la qualité de la voix de His Bobness, mais le monsieur a encore du souffle à revendre quand il se déchaîne à l’harmonica et ses livraisons de Highway 61 Revisited, Desolation Row, Ballad of a Thin Man et All Along the Watchtower étaient tout simplement meurtrières.

Et Bob, mine de rien, a tenu le fort durant 100 minutes à l’âge de 71 ans. Il y en a qui sont à la maison de retraite à cet-âge.

Finalement, il n’y a que ZZ Top qui a été un peu chiche (1h17). Mais les Texans sont de jeunes «vieux» (les trois membres du trio sont nés en 1949) et Billy Gibbons, qui aura 63 ans en décembre, était dans une forme du tonnerre.

ZZ Top, un look inimitable. Photo Alain Décarie.

Stones, Sir Paul et le Boss

Ailleurs, les Rolling Stones ont repris officiellement du service dimanche soir à Londres. Le deuxième spectacle est prévu jeudi soir. Rien de moins que deux heures et demie de classiques au compteur.

Les Stones ont même escamoté Satisfaction qui devait clore le show afin de respecter le couvre-feu ridicule qui existe à Londres. Mais il semble qu’ils ont quand même dépassé l’heure limite et que ça va leur coûter quelques centaines de milliers de dollars. Rendu là, ils auraient dû jouer leur classique des classiques.

Cela dit, il n’est pas étonnant de voir Mick Jagger survoler un tel spectacle à l’âge de 69 ans. Ce type est un phénomène génétique surnaturel. Mais de savoir que Keith Richards – qui va avoir 69 ans le 18 décembre – peut se tenir debout deux heures et demie sans arrêt, ça, c’est prodigieux.

Il y avait des invités de marque à ce spectacle (les revenants Bill Wyman et Mick Taylor ainsi que Jeff Beck) qui ont quelque peu allégé le travail des Stones actifs, mais on note que l’âge combiné des quatre Stones en poste (Mick, Keith, Charlie Watts et Ronnie Wood) est de 273 ans. Ce n’est quand même pas banal.

En fin de semaine, Paul McCartney était au Rogers Centre, de Vancouver. Près de 40 chansons et trois heures de performance pour le toujours Beatle maintenant âgé de 70 ans.

Et, quelque part sur la planète, il y a Springsteen qui monte sur scène avec son E Street Band pour des spectacles d’au moins trois heures. En fait, j’en ai vu trois de plus de trois heures et demie cette année. Et le Boss fait encore du bodysurfing durant Hungry Heart. Détail, pour un «vieux» de 63 ans…

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Leonard Cohen les 28 et 29 novembre au Centre Bell et le 2 décembre au Colisée Pepsi. Quelques billets encore disponibles pour les spectacles du 29 novembre à Montréal et du 2 décembre à Québec.