Lisa LeBlanc : Aujourd’hui, sa vie est un cirque

Lisa LeBlanc, son cirque, et ses fans surchauffés malgré le froid polaire. Photo Rogerio Barbosa.

Il y avait l’immense rideau aux couleurs vives, dressé tel un chapiteau. Le cheval de bois extirpé de son carrousel, placé au centre de la scène, et ceux disposés sur les flancs. Et les lettres clignotantes L-I-S-A qui surplombaient le tout, comme une affiche lumineuse. Demain, ça sera peut-être différent, mais jeudi soir, à L’Olympia, la vie de Lisa LeBlanc était un cirque.

Par Philippe Rezzonico

Il fallait bien qu’elle «figure out » quelque chose de nouveau, la belle Lisa, pour ce spectacle qui amorçait une année qui risque d’être toute aussi remplie et enivrante que la précédente. Nous l’avons vu combien de fois sur scène à Montréal en 2012? Le Lion D’or en collectif, le Club Soda, les Katacombes, la Place des festivals… Et j’en oublie peut-être.

Dans les faits, l’Acadienne n’a toujours qu’un seul disque sous la ceinture. L’idée de présenter un spectacle nommé Circus Vaudoo mis en scène par Brigitte Poupart s’en est avéré une du tonnerre. On servait même du pop-corn et de la barbe-à-papa gratuitement dans le hall d’entrée. Jamais vu ça à un aucun show présenté en salle de ma vie. Un gros succès, cette initiative.

Le contexte était idéal pour dynamiser une offrande déjà vivifiante, mais qui a forcément des airs de déjà-vu. Mais avec Lisa, chaque spectacle est offert comme si c’était le premier.

Jamais on ne s'ennuie avec Lisa LeBlanc. Et elle non plus, à en juger par son sourire. Photo Rogerio Barbosa.

Son sourire étincelant, ses yeux lumineux et sa fougue proverbiale sont constamment au rendez-vous. Quand elle livre Du duvet dans les poches, on a l’impression qu’elle va détruire son banjo. Durant Motel, sa crinière s’en va dans tous les sens, comme si nous étions dans les années 1980 au temps du hair metal.

L’ovation qui a suivi cette dernière livraison n’était rien de moins que tonitruante. « Tabarnak! », s’est-elle exclamée, visiblement étonnée de ce déferlement de décibels affectifs.

Si, parfois, nous oublions que Lisa LeBlanc vient d’un «village» peuplé de 49 personnes, elle ne l’oublie jamais. Imitant le concept des populaires 2 minutes du peuple, elle nous offre les 6 minutes de Rosaireville. LeBlanc n’a même pas besoin d’ajouter d’éléments comiques dans son allocution. La façon dont elle parle de son père, des gens de son coin et de son entrée de garage suffisent amplement.

Le choc

Mais Lisa est sérieuse quand elle dit qu’elle a subi un choc culturel lorsqu’elle est venue s’établir à Montréal il y a deux ans. Et le vécu, ça stimule la créativité. Donc, acte. Le public a eu droit à composition nommée Downtown qui se retrouvera probablement sur son deuxième album.

Lancée à 200 milles à l’heure avec la guitare de Lisa, la chanson parle de filles qui se promènent en «mini-jupes» par «moins 30», de chauffeurs de taxi qui «passent sur la rouge» et le texte soulève une interrogation : «Kessé donc que j’fais icitte?» Rien de tel que de coucher un sentiment vécu sur papier et en musique pour chasser le blues. Explosif à souhait.

Lisa LeBlanc: la fougue toujours au rendez-vous. Photo Rogerio Barbosa.

Histoire d’être en phase avec son concept de cirque vaudou, LeBlanc nous offre une version déjantée de I Put a Spell On You. Avec Guillaume Turcotte au piano qui frappe ses ivoires en mode rag-time, la version est néanmoins plus rock n’ roll que l’originale, hypnotique, qu’interprétait Screaming Jay Hawkins en 1956.

Les choristes

Dès qu’elle entonne Câlisse-moi là ou Avoir su, il y a soudainement autant de choristes que de spectateurs dans la salle. La tribu est bien présente et la communion est totale. Pourtant, ce ne sont pas les choristes et les invités qui lui manquaient sur scène.

En ouverture, cinq jeunes filles vêtues pour survivre à blizzard sont venues faire des claquettes pour amorcer Cerveau ramolli. Au moment où Lisa a interprété Y fait chaud, le trio des Hay Babies qui avait livré la première partie est venu s’ajouter au groupe en qualité de choristes.

Et des choristes, il n’y avait que ça pour l’incontournable Ma vie c’est d’la marde. Tous les «boboys» et les «chiquittas» de Lisa. Les choristes mentionnés plus tôt, tous ses musiciens – incluant Jean-Philippe Hébert, Maxime Gosselin, le réalisateur de son disque, Louis-Jean Cormier – ainsi qu’Étienne…

Étienne, c’est celui dont on voyait la poitrine photographiée sur l’affiche qui trônait dans le hall d’entrée. Poitrine vêtue uniquement de la camisole bleue de Lisa, doit-on préciser. Et Étienne est venu expressément de Moncton – rien que ça! – pour se joindre au groupe.. vêtu de la même camisole. Les murs de L’Olympia ont tremblé quand tout le monde a chanté la chanson-phare qui fait désormais office de thérapie collective.

Lisa et sa tribu: la communion. Photo Rogerio Barbosa.

Il ne restait plus qu’à enfiler quelques titres supplémentaires comme J’pas un cowboy, J’t’écris une chanson d’amour et Kraft Dinner, en duo avec Louis-Jean Cormier. D’autant plus nécessaire qu’un fan avait lancé sur scène une boîte de Kraft Dinner plus tôt dans la soirée.

«Ça fait deux mois qu’on prépare ce show et on sait qu’on va prendre une brosse après. Mais ça – brandissant la boîte de pâtes instantanées – , on pourrait le prendre après la brosse.»

Il y avait quand même un petit soupçon de déception dans la voix de Lisa.

«On a encore jamais eu droit à des brassières et des panties… ».

Elle a eu droit aux soutiens-gorge au rappel! Lisa et Cormier ont même accroché lesdites brassières à leur manche de guitare.. Fallait juste le demander.

L’année est donc bien amorcée pour Lisa Leblanc. Elle a d’autres shows à venir au Québec dans les prochains jours et le lancement de son disque en France en mars. L’année 2013 ne sera sûrement pas «d’la marde», mais elle risque d’être un cirque, comme celle de 2012.