Pas tous les jours qu’on a sous la main un guitariste qui a été de toutes les périodes de création d’un artiste. Mike Wanchic s’est prêté au jeu de commenter à l’unité tous les albums studios de son ami John Mellencamp parus au cours des trois dernières décennies.
Par Philippe Rezzonico
A ce regard rare et particulier provenant de l’intérieur, on ajoute notre perception des albums en question, histoire d’avoir les deux côtés de la médaille.
Michael Wanchic : «La bagarre contre l’Empire (les compagnies de disques). On se battait pour notre avenir. C’était nous contre eux.»
Rue Rezzonico : Un disque avec trois succès monstres (Jack & Diane, Hurts So Good, Hand To Hold On To), mais plutôt moyen pour le reste.
MW : «Ce fut un album de pur plaisir, enregistré en deux semaines chez un type à qui on avait promis de finir la maison s’il nous prêtait sa place. De la musique brute…comme la construction.»
RR : Pink Houses, Crumblin’ Down et Authority Song sont l’essence de la charpente personnelle et rebelle de Mellencamp et de sa vision sociale de l’Amérique. Le disque le plus écouté de Mellencamp au cours des ans. J’en ai même un exemplaire en cassette…
Scarecrow (1985)
MW : «Le point tournant. L’album qui a changé nos vies et qui nous a donné une carrière.»
RR : Quand Johnny fusionne la conscience sociale (Rain On the Scarecrow), la vie rurale (Small Town) et l’histoire (R.O.C.K. In the U.S.A.). Toujours essentiel, quoique la production affiche son âge.
MW : «Le prolongement de l’album précédent, mais dans une perspective exploratoire d’une sonorité des Appalaches.»
RR : L’amorce du virage qui mènera au Mellencamp organique d’enveloppe et au véritable singer-songwriter. A très bien vielli.
MW : «Notre disque le plus cool. Mon préféré. Tout est parfait. Les chansons, l’honnêteté, la mélancolie qui en émane.»
RR : Un peu mal-aimé à sa parution – « Où est mon Johnny rock ? », disais-je -, il est des plus satisfaisants à réécouter de nos jours.
MW : «John dirait que c’est un album terrible…. Comme Uh-huh, presque tout a été enregistré live. Un disque de rock cru.»
RR : Né de son récent mariage avec un top model et d’une cure de jouvence sur le coup de la quarantaine, ce disque a toujours été le proverbial chien dans un jeu de quilles, rayon continuité. N’empêche, l’excellente relecture de Love and Happiness sur Rough Harvest a démontré que l’enveloppe était plus en cause que les chansons.
MW : «Un disque qui comprend des chansons qui sont des hymnes. Un magnifique album.»
RR : La chanson-titre et When Jesus Left Birmingham figurent parmi les meilleurs titres jamais écrits par Mellencamp. Et What If I Came Knocking est une très particulière chanson d’amour. Réalisation parfaite.
MW : «Minimaliste…. »
RR : Toujours eu l’impression qu’il était né des chutes de studios du disque précédent. Quand la reprise de Wild Night, de Van Morrison, est le fait saillant, c’est peut-être vrai.
MW : «J’ai adoré faire ce disque. Notre Sgt. Pepper’s.»
RR : Le plus audacieux disque de Mellencamp, rayon production, et un trio de chansons fortes (Key West Intermezzo (I Saw You First), Just Another Day, The Full Catastrophe) en prime.
MW : « Ce fut un album très difficile à faire, notamment parce qu’on venait de changer de compagnie de disques. Une naissance très difficile.»
RR : Les naissances difficiles mènent aux grandes réalisations. Des chansons majeures comme Your Life Is Now, I’m Not Running Anymore et Eden Is Burning en sont la preuve. Très olide album.
MW : «Peut-être le disque le plus curieux qu’on a jamais fait. J’en garde de bons souvenirs.»
RR : Nous pas, hormis l’originale chanson-titre. Peut-être parce qu’il nous rappelle trop un certain spectacle vu le 10 septembre 2001….
MW : «Grandir, par le biais de l’expérimentation.»
RR : Un inspiré album de reprises – quel version de Teardrops Will Fall ! – et une rebuffade politique à George W. Bush (To Washington). A découvrir.
MW : «Un disque fantastique. Presque tout ce qui est là-dessus provient de sessions d’enregistrements sans retouches. L’un de mes favoris. »
RR : Un constat sombre de l’Amérique d’aujourd’hui. Des chansons graves et puissantes qui ont néanmoins moins d’impact au plan sonore en raison d’une production linéaire.
Life Death Love and Freedom (2008)
MW : « La recherche de John envers l’écriture de chansons les plus authentiques qui soient.»
RR : Avec les Longest Days, If I Die Sudden, Troubled Land, Young Without Lovers et A Ride Back Home qui abordent sans fard tous les thèmes contenus dans le titre de l’album, ce disque est le meilleur de John Mellencamp depuis les années 1980 et aussi bon que ceux des années 1980. Big Daddy, mouture 2008.
MW : « Le prolongement du précédent. Aller au cœur de la chanson. »
RR : Très fort, également, avec la mirifique Save Some Time To Dream, Right Behind me et la chanson-titre. Quoique quand même un cran sous le précédent.