Madonna: à la remorque de son passé et des jeunes

MDNA. Le titre définit bien le contenu du 12e disque studio de la carrière de Madonna qui parait mondialement lundi. Nombre de chansons sont représentatives de l’ADN musicale de l’artiste, mais quelques constats s’imposent: la Madone sacrifie l’originalité au profit de la redite et de l’impact. Et elle refuse de vieillir. Pas nécessairement dans cet ordre…

Par Philippe Rezzonico

Que le premier extrait (Give Me All Your Luvin’) qui était le cheval de Troie du spectacle du Super Bowl en février soit une bombe pop-dance tombait sous le sens. Tu ne dévoiles pas une ballade dans un contexte festif. Mais les trois-quarts des titres de MDNA sont de cette eau, peu importe les enveloppes musicales qui vont de la pop à l’électro en passant par le dance ou le rap.

Quand on écoute Confessions On A Dance Floor, Hard Candy et MDNA en succession, le dernier-né ressemble furieusement à l’ultime volet d’une trilogie de jouvence amorcée par Madonna à la mi-quarantaine. Sauf que MDNA a également l’air d’une riposte à toutes les Lady Gaga et Katy Perry de la terre qui s’inspirent de Louise Ciccone.

Madge a beau chanter I Don’t Give A – référence à son ex -, elle se préoccupe vraiment beaucoup de ce que les gens pensent d’elle et elle veut encore prouver – comme s’il le fallait – qu’elle est toujours la meilleure en dépit de ses 53 printemps qu’elle ne fait absolument pas.

Éparpillé

On se retrouve donc à l’arrivée avec un disque qui affiche à l’oreille le nombre de ses réalisateurs (six ou sept, j’ai perdu le compte), qui est plus efficace que relevé, et dont le contenu cible tous les planchers de danse et les publics de Gaga, Perry et compagnie.

Give Me All Your Luvin’, c’est l’irrésistible toune de filles partagée avec M.I.A. et Nicki Minaj qui transcende les générations, genre de Girls Just Want To Have Fun de 2012. Avec son clip qui met en vedette meneuses de claques ainsi que des footballeurs qui remplacent les messieurs en tenue de soirée de la vidéo de Material Girl, Madonna propose une chanson girlie qui semble issue de l’univers bonbon de Katy Perry.

Girl Gone Wild – dont le titre évoque le Good Girl Gone Bad de Rihanna – et son clip en noir et blanc farci de beaux messieurs taillés au couteau nous renvoie à la Madonna de Erotica au plan de l’esthétisme et à la facture sonore de l’album Ray of Light. A moins que ce soit à la plus récente chanson Give It To Me. Vous avez dit déjà vu et entendu?

Toujours le pêché

Madonna, on le sait, est une pécheresse. Elle nous le rappelle dans la prière d’ouverture de Girl Gone Wild ainsi que dans I’m A Sinner, l’une des meilleures chansons du lot avec son beat accrocheur et sa mélodie imparable.

La Madone est une fonceuse avec de la personnalité ? Rien de nouveau non plus. Mais elle le souligne à gros traits avec la très moyenne Some Girls dont la rythmique est plutôt similaire à Hung Up. Facile et peu charmeur. Quoique plus que Superstar qui fait état du statut de groupie et I’m Addicted qui est in-sup-por-ta-ble, car noyée dans l’auto-tune à la Black Eyed Peas.

En revanche, Gang Bang – qui n’est pas une chanson cochonne contrairement à ce que son titre indique – propose un clin d’œil au classique Bang Bang de Cher et frappe dans le mille.

Ciccone ne se gêne pas pour faire feu sur son ex dans cette chanson qui roule à un train d’enfer. La jolie ballade Masterpiece, loin d’être révolutionnaire, s’avère plus solide que le film W.E. dont elle est tirée et Falling Free, en clôture, est une vraie de vraie bonne chanson atmosphérique.

On est tenté de dire inégal pour résumer le disque, quoique l’on ne parle pas de petites variantes ici. Ce qui est bon (Give Me All Your Luvin’, Gang Bang, Falling Free, I’m A Sinner) l’est vraiment et ce qui ne l’est pas (I’m Addicted, Some Girls, Superstar, Turn Up the Radio) est nettement sous les standards de Madonna.

En définitive, des deux constats émis au début de ce texte, aucun problème avec le fait que Madonna veuille faire un disque pour faire danser des générations plus jeunes. Elle affiche toujours une forme olympique et ça serait comme reprocher aux Rolling Stones de faire du rock des années 1960 ou 1970. En revanche, on aurait préféré un album  plus novateur et moins à la remorque de ce que font les artistes contemporains sur qui elle se modèle à son tour.

Mais n’ayez crainte si vous avez des billets pour le spectacle du Centre Bell ou des Plaines cet été. Sur scène, MNDA ça va péter le feu.

Trois étoiles

Madonna, MDNA (Interscope)