Pour les urbains, un court séjour à la campagne est souvent synonyme de week-end bucolique ou de vacances apaisantes. Pour ceux qui y vivent, la réalité peut être tout autre. Et celle dépeinte par Guy Édoin dans Marécages est d’une brutale réalité.
Par Philippe Rezzonico
Premier long-métrage du réalisateur québécois qui signe également le scénario, Marécages est un film dur dans le sens propre du terme. Pas de masque ni de paravent, ici. La vie sur une ferme laitière n’est pas une jolie promenade dans le pré dans notre Québec actuel.
Longues journées de travail, conditions climatiques affligeantes (sécheresse), problèmes financiers, le quotidien de Marie (Pascale Bussières), Jean (Luc Picard) et Simon (Gabriel Maillé) prend souvent des allures de chemin de croix, d’autant plus qu’au sein de cette famille renfermée sur elle-même, une tragédie en cache une autre.
Élevé sur une ferme, Édoin sait où diriger son objectif pour que ce quotidien rural soit d’une authenticité crue. La mise à bas d’une vache ne pouvait être plus réaliste. Par moments, on a même l’impression d’humer l’herbe, le foin et la bouse. Avec de longs plans séquence, Édoin tire parti de cette nature pas loin d’être sauvage.
Sur le plan narratif, dire que le scénariste privilégie le non-dit est un euphémisme. Les émotions véhiculées par les acteurs uniquement par leur regard et leur langage corporel valent mille mots, comme la proverbiale photo. A ce petit jeu, Bussières est impériale, tandis que Maillé est une révélation.
Ce parti pris contemplatif peut être toutefois être un réel boulet. Par moments, l’univers proposé par Édoin se meut avec une telle langueur qu’on a l’impression qu’un film de Bergman pourrait un film d’action américain.
A l’inverse, cette méthode sert bien sa trame de fond. Marécages est un film où les êtres sont à fleur de peau, les cœurs pleins de rancœur et les émotions refoulées que pour mieux exploser. L’ambiance lourde et oppressante est omniprésente.
Résolument ancré dans la tradition du film d’auteur, Édoin appose un sceau bien personnel pour son premier long-métrage qui ne s’adresse pas à tous les publics. Mais son travail mérite amplement le détour.
Marécages, de Guy Édoin, avec Pascale Bussières, Luc Picard, Gabriel Maillé et François Papineau.
3 étoiles et demie.