Marie-Lise Pilote: plus réconfortante que mordante

Marie-Lise Pilote réconforte plutôt que de surprendre dans son nouveau spectacle. Photo promotionnelle.

Il y a des spectacles qui portent bien leur nom et Réconfortante, de Marie-Lise Pilote, est du nombre. Pour son retour sur scène après 13 ans d’absence, l’humoriste a misé sur le confort et s’est affairée à mettre son public dans les mêmes dispositions, à savoir, ses bonnes vieilles pantoufles: les préoccupations éternelles de la fille, son manque d’intérêt pour le sport et l’incapacité des hommes à faire plus d’une chose à la fois étant au menu.

Par Pascale Lévesque

S’il faisait bon de la revoir dans une forme incroyable et qu’il y avait plusieurs belles trouvailles, notamment au plan de la scénographie, il demeure qu’on a été réconforté trop souvent et trop longtemps (2 h 30, avec entracte) à défaut de rire aux éclats.

La stratégie de cette première était bonne et habile : tout mettre en place pour rendre la salle chaleureuse afin d’optimiser la réaction du public, au point d’offrir des chocolats chauds et des massages aux spectateurs avant le début de la représentation. Marie-Lise Pilote a beau être une pro, le facteur trac n’est pas à négliger quand une artiste comme elle revient sur les planches avec du nouveau matériel après une si longue absence.

Voilà pourquoi il était tout aussi avisé que cette dernière amorce son spectacle tout de go, directement dans la foule, alors que les gens continuaient à prendre place sur leurs sièges.

« Tiens! », dit-elle, en pointant la 10e rangée de la scène. « Sophie Faucher qui s’est déplacée pour me voir! Elle qui est aussi difficile à déplacer qu’un piano! ». Sans gêne, elle s’est même moquée d’une journaliste culturelle qui s’était méprise sur son siège. C’était  flagrant comment ce choix de mise en scène lui a permis de transcender son stress et de se donner un solide élan pour la suite.

Trop souvent…

Or, autant ce numéro et celui qui allait suivre – à propos de sa longue absence – étaient-ils clairs, concis, punchés et bien tricotés, autant il en a été autrement de la suite. Trop souvent, nous sommes passés à côté d’une bonne idée qu’on aurait pu exploiter davantage. Trop souvent, on a noyé le propos en tergiversant pour arriver au but.

Trop souvent, on a raté le punch final d’un numéro. Trop souvent – ou plutôt pas assez -, aurait-on pu mieux se servir de ces fantastiques cubes-écrans disposés en arrière scène comme supports vidéos. Et, enfin, trop souvent, on a entendu ces vieilles jokes sur des vieux préjugés de sexe et de genres.

Bref, malgré les efforts de créativité et d’interprétation de l’humoriste, Réconfortante est un spectacle convenu. Un peu comme si Marie-Lise Pilote avait déjà retrouvé sa forme des beaux jours, mais que son matériel, lui, était trop ancré dans le passé.

D’abord dans les thèmes : oui, la chirurgie plastique, les faces de botox et les dames qui sont bien dans leur peau malgré tout, sont plus que jamais d’actualité, mais… surprenez-moi!

Une fille qui déteste les sports, qui fait semblant d’aimer le hockey pour amadouer les hommes? Encore là, surprenez-moi!

Les trouvailles

Dommage, parce qu’il y a réellement des trouvailles dans ce spectacle. Notamment, cette idée de faire une séance de doublage en direct avec le public, en demandant à la foule de dialoguer avec elle au fur et à mesure que les phrases défilent sur les cubes-écrans et que les personnages animés se mettent en mouvement.

On sent parfois une volonté de parler de lieux communs – les amies – et de triturer le sujet avec un nouvel angle. Comparer ses amies à des outils ou à un set Ikea démonté est astucieux et original.

Le problème, ce sont les bonnes idées laissées en plan. « La Méchante », par exemple, qui surgit avant l’entracte. Les attentes sont élevées pour ce personnage sans filtre qui dispose d’un joker inestimable… elle peut dire n’importe quoi, on lui pardonne tout. C’est elle, « LA » Méchante. Mais « La Méchante » est devenue zen, trop douce, trop gentille. On dirait pratiquement qu’elle a peur de devoir s’excuser auprès d’une certaine chanteuse.

Ce problème s’accentue en seconde partie, notamment dans le numéro portant sur l’équité, où Marie-Lise explique la difficulté d’exercer un métier traditionnellement masculin pour une fille.

Les clichés

Se demandant comment une femme peut le mieux s’imposer dans ces milieux d’hommes, elle avertit ces messieurs de la présence de dames dans les Cages aux sports et les menace d’ajouter des saveurs de fruit aux bières. « Mais que ça pourrait être pire : on pourrait arrêter de vous montrer nos totons! » Choix étrange pour exploiter le thème de l’équité entre hommes et femmes en 2012 que de le faire à l’aide de clichés usés…

Le numéro sur les voyages, bien parti mais mal construit, n’a pas su non plus éviter une finale mitigée. Tout comme ce sketch sur les dons qui prend beaucoup de temps à aboutir : beaucoup de détours pour finalement arriver au cœur du propos, soit une vraie démonstration du don de réconfort de l’humoriste qui sollicite à cette fin un spectateur. Le numéro qui bouclera la représentation portant sur la place de la femme dans la religion catholiquesera dans la même veine.

Est-ce une question de public cible? Sans doute. D’ailleurs, l’essentiel du spectacle ressemble à une synthèse des chroniques d’humeur des magazines féminins des 20 dernières années.  Cela dit, qu’importe à quelle tranche d’âge on appartient, on ne pouffe guère de rire. On sourit, nous sommes réconfortés…mais très rarement sommes-nous pliés en deux ou endoloris de la cuisse à force de se taper dessus.

Il y en a qui se déplacent pour un chocolat chaud. Personnellement, le vin m’attire. Ce qui ne m’empêche pas d’apprécier le liquide bouillant auquel je joins généralement du rhum. C’est sans doute ce nectar épicé qui m’a manqué au spectacle de Marie-Lise Pilote.

Marie-Lise Pilote, Réconfortante, mise en scène Dominique Lévesque, direction artistique et scénographie Robert Boulos, avec Joël Beaupré à la scénographie.

En supplémentaires les 5 et 6 avril au Théâtre St-Denis et partout en province.