MEL: le côté brouillon de Rickie Lee, l’exellence de Madeleine

Madeleine Peyroux et Rickie Lee Jones. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Madeleine Peyroux et Rickie Lee Jones. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Billy Talent au Centre Bell, Ariane Moffatt avec l’OSM à la Maison symphonique, Rickie Lee Jones et Madeleine Peyroux en programme double, Valaire au Club Soda… Ouf! Un 1er mars avec des allures de 28 juin en mode festival, finalement.

Par Philippe Rezzonico

Je me dis que je vais d’aller voir Rickie Lee Jones et que je vais rappliquer à Valaire, quitte à manquer quelques minutes. Ça sera mon programme double de la soirée. On ne peut être partout quand la ville Montréal est en mode festival. En lumière, en l’occurrence.

Premier arrêt au théâtre Maisonneuve, donc, avec Rickie Lee Jones qui amorce le programme double. Situation un peu étonnante, en vérité. On se dit que Madeleine Peyroux aurait dû amorcer la soirée. Des deux, c’est Rickie Lee l’aînée, après tout.

L’Américaine se pointe avec son multiinstrumentiste (vibraphone, percussions, batterie) et son guitariste. Des trois, c’est la principale interprète qui semble la plus brouillonne. Armée de sa guitare acoustique, Jones enchaîne trois chansons, incluant The Last Chance Texaco (sauf erreur) et Weasel and the White Boys Cool, où la livraison n’est pas optimale, principalement au plan vocal. Sa manie de chanter parfois hors champ du micro ne lui rend pas justice. Il y a aussi le fait qu’elle reprend la tournée après des mois de pause. Il semble y avoir une couche de rouille.

Les choses s’améliorent quand elle prend place au piano, même si l’accord de ce dernier semble discutable. Jones s’investit à fond et We Belong Together fait mouche. De retour à la guitare, Sunday Afternoons in 1963 se veut sensible, tandis que le classique intemporel Smile a quelque chose de déchirant.

Rickie Lee Jones. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Rickie Lee Jones. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Comme nombre d’artistes d’allégeance démocrate aux États-Unis, Rickie Lee Jones n’a pas digéré l’élection de Donald Trump. Et comme elle avait composé il y a une quinzaine d’années des chansons de défiance, déjà, du temps de George W. Bush, elle les remet en service : Tell Somebody (repeal the Patriot Act) et Ugly Man sont à l’honneur. Et on vit les meilleurs moments de la soirée.

Jones aura été généreuse – près d’une heure et demie de prestation dans un programme double –, mais sa prestation aura oscillé très souvent entre le chaud et le froid, entre la spontanéité et l’improvisation. Un peu bancal, mais pas vilain.

Mon problème, c’est qu’il est déjà 9h30, que ma tendinite au tendon d’Achille s’est réveillée avec la pluie et l’humidité à 120 pour cent et que j’ai raté bien plus que le quart d’heure prévu à Valaire… Tant pis, je demeure donc à Maisonneuve, même si le souvenir d’un concert complètement raté de Madeleine Peyroux il y a une dizaine d’années me dit que je prends la mauvaise décision.

À la reprise, Madeleine Peyroux, son contrebassiste et son guitariste ne sont pas aussitôt sur scène que l’Américaine annonce Rickie Lee Jones. La belle idée. Cette tournée commune devant bien avoir un lien autre que le simple fait de partager la même affiche.

Avec leur quatre musiciens, Peyroux et Jones entonnent As the Years Go Passing By. Les deux chanteuses partagent le titre, sans jamais chanter à l’unisson, tant leurs voix sont dissemblables. Très réussi.

Enchaînement avec Rock On, le choix de Rickie, «une chanson que Madeleine ne connaissait pas, parce qu’elle est trop jeune… », dixit Jones. Chanson choisie particulièrement pour son contexte de résistance et la phrase « Where do we go from here ». Transcendant. Voici la version clip de l’interprétation.

Puis, Madeleine prend place en trio et nous balance une version enjouée de Gettin’ Some Fun Out of Life, plonge dans le blues de Easy Come Easy Go Blues, tourne à gauche pour nous offrir J’ai deux amours et verser dans la musique de La Nouvelle-Orléans : voix impeccable de précision de puissance et de flexibilité, ainsi que tessiture riche. Finalement, à peu près tout ce que n’était pas Rickie durant sa prestation. Parfois, une artiste prend un risque de partager une scène avec une autre. Ça n’a certes pas tourné à l’avantage de Rickie Lee Jones…

Madeleine Peyroux. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Madeleine Peyroux. Photo courtoisie MEL/Benoit Rousseau

Peyroux s’en va vers le Tango (Tango Till They Sore), évoque son père (If The Sea Was Whiskey) et parle d’amour, de blues et d’alcool, elle offre une chanson pour les femmes (vivifiante Shout Sister Shout), une pour les hommes (Everything I Do Gohn Be Funky (From Now On)) et revient vers le français, manière Eartha Kitt (Je cherche un homme) avec une facilité déconcertante. Elle nous livre aussi une version somptueuse de Dance Me To The End of Love, de notre Leonard favori.

Son jeu à la guitare et au ukulélé est aussi exemplaire que celui de ses accompagnateurs de première force. Un régal d’un bout à l’autre.

Ainsi va la vie durant une période de festival : J’ai raté Valaire (je me reprendrai dans une autre salle), Rickie Lee ne m’a pas séduite outre mesure, mais je me suis totalement réconcilié avec Madeleine.