Men Without Hats : pour la musique… et le vécu

Ivan Doroschuk et ses collègues de Men Without Hats, Lou Dawson et James Love. Photo courtoisie Jam Hamidi.

Le retour sur scène de l’an dernier n’était finalement pas qu’un dernier tour de piste nostalgique pour Men Without Hats. L’année 2012 ramène le collectif dirigé par Ivan Doroschuk avec un nouvel album dont la création est intimement liée à une rupture personnelle et dont le propos s’inscrit dans l’air du temps. Quant à la musique, elle demeure festive. Donc, on peut encore danser si ça nous tente…

Par Philippe Rezzonico

Cheveux en chignon, veste de cuir, t-shirt, tête dénudée : l’ami Ivan projette toujours l’image du gars cool de Montréal après toutes ces années. On ne se refait pas. On l’avait constaté le 1er juillet 2011, quand Doroschuk et sa nouvelle incarnation de MWH avaient renoué avec les planches montréalaises lors d’une performance au Métropolis. C’était comme dans le temps, hormis quelques rides supplémentaires.

A cet égard, le disque Love in the Age of War a beaucoup d’affinités avec le passé de MWH Les claviers sont toujours aux avant-postes, la voix grave de Doroschuk a conservé le même timbre grave et reconnaissable entre tous et la mouture sonore se veut résolument dansante, ce qui va séduire autant les anciens amateurs que ceux qui viennent de découvrir ce groupe qui renaît de ses cendres.

Doroschuk n’avait pas caché son intention de réenregistrer de nouvelles compositions pour MWH quand nous lui avions parlé l’an dernier, mais l’élément déclencheur du processus d’écriture a été tributaire de la tournée tripartite qui a réuni MWH, les B-52’s et Human League.

«Les deux tiers des nouvelles chansons, je les ai composées dans le fond de l’autobus, sur mon iPad, lors de la tournée de l’an dernier avec les B-52’s et Human League. On a eu un plaisir fou sur la route. Ça faisait longtemps que je n’étais pas immergé ainsi, dans cet environnement Men Without Hats. Les chansons ont commencé à prendre naissance à ce moment.

«L’autre tiers du disque était déjà pas mal écrit. C’était des chansons récentes, là aussi, mais pas nécessairement des chansons qui étaient écrites pour Men Without Hats. Je travaillais alors sur un autre projet que j’ai abandonné quand j’ai décidé de reprendre la route. Quand les nouvelles chansons ont commencé à prendre forme, je me suis dit que c’était peut-être une bonne idée de récupérer une partie de celles qui étaient déjà composées.»

Le vécu

Love in the Age of War n’est pas un titre fortuit. Tu écoutes Devil Come Around ou Head Above Water et c’est clair que Ivan a connu des moments difficiles. Tu portes attention aux paroles de This War, à celles de la chanson-titre ainsi qu’à Live and Learn, et tu vois que ces chansons n’auraient pu être composées par le jeune Ivan.

«C’est un disque dont les propos sont plus intimes que les autres disques de MWH, confirme-t-il. C’est aussi une affaire de vécu. Ce disque est né après la rupture de mon deuxième mariage. Ma deuxième ex-femme m’a fait réaliser que la vie était bien trop courte pour être malheureux. Pour accepter d’être malheureux… Love In the Age of War, c’est ça.

«Dans Live and Learn, il y a un bout de phrase qui dit « forget and repeat. » C’est ce qui se passe. Malheureusement…

«C’est comme le conflit qui perdure au Québec. Il est né d’une question de droits de scolarité, mais c’est devenu plus que ça. Il y a une crise sociale. Ça me fait beaucoup penser au mouvement Occupy Montréal et tous les autres mouvements du genre qu’on a vu de part le monde.

«C’est devenu un phénomène mondial. Tout le monde se pose des questions. Tout le monde remet tout en question. Le point que je voulais aborder avec Love in the Age of War, c’était un peu ça : quels sont nos buts, aujourd’hui? Quelles sont nos raisons de vivre? Nos préoccupations? Est-ce que c’est le terrorisme? Notre hypothèque? Le pétrole?

Le monde virtuel

Et selon l’artiste, il y a un beau paradoxe tracer entre la réalité et le monde virtuel.

«On est dans une ère technologique fascinante. On a fait acheter à toute une génération quelque chose qui n’existe pas vraiment, qui est dans un nuage… Toutes nos photos, nos films, notre musique, nos souvenirs, nos jeux, nos instruments…. Tout, tout, tout est dans un nuage. Dans le temps, le capitalisme s’exprimait différemment. Tu pouvais montrer ta grosse collection de disques. Là, c’est mon nuage fictif est plus gros que ton nuage fictif…»

Ce qui n’est pas fictif mais bien concret, ce sont les tournées. Les spectacles planifiés ces jours-ci qui ont été reportés à l’automne l’ont été pour une bonne raison.

«On avait quelques spectacles prévus, mais la demande est tellement grande qu’on a décidé de tout déplacer pour faire une tournée canadienne d’un bout à l’autre du pays à l’automne.

«La tournée de l’an dernier, vois-tu, c’était presque un devoir pour les fans qui n’avaient pu nous voir dans le temps. Ils nous voyaient pour une première fois depuis 20 ou 25 ans. Ils venaient avec leurs vinyles, leur t-shirt original et leurs teenagers qui ne connaissaient que notre musique. Comme mon fils de neuf ans, qui ne m’avait pas encore vu sur scène… »

Men Without Hats, Love in the Age of War.