Montréal 77’/Heavy Montréal: Soirée de chauffe et soirée chaude

Streetlight Manifesto. Photo courtoisie Evenko/Pat Beaudry

Streetlight Manifesto. Photo courtoisie Evenko/Pat Beaudry

Un peu comme une marque de céréales qui se targue d’avoir un côté nature ou givré, êtes-vous plus d’allégeance punk ou bien métal? Ce weekend, cela a relativement peu d’importance vu que le festival punk Montréal 77 et celui de Heavy Montréal se partagent la tête d’affiche sur le site revampé de l’île Sainte-Hélène depuis vendredi.

Par Philippe Rezzonico

Des milliers de festivaliers – ceux qui ont visiblement achetés des laissez-passer pour toute la fin de semaine – ont arpenté le site très tôt, vendredi. Conditions idéales pouvons-nous ajouter. Un peu chaud en après-midi, mais sans l’humidité étouffante de la semaine précédente.

Quant à la soirée, un mercure de 25 ou 26 Celsius sous les étoiles, sans trop d’humidité et pratiquement dénué de moustiques, c’est pas mal mon scénario idéal de festival estival.

Objectivement, le premier groupe qui a sérieusement attiré mon attention semblait être un égaré du festival d’Osheaga. Charly Bliss, un band originaire de Brooklyn avec sa power pop, aurait probablement été mieux logé la semaine prochaine, mais les quatre membres n’auraient peut-être pas eu droit à la même qualité d’écoute.

La chanteuse de Charly Bliss. Photo courtoisie Evenko/Pierre Bourgault

La chanteuse de Charly Bliss. Photo courtoisie Evenko/Pierre Bourgault

Bien sûr, toute l’attention va à la chanteuse Hendricks qui était vêtue d’une robe qui ressemblait à une guirlande de Noël de deux couleurs – argent et or. Avec son timbre de voix qui fait parfois penser à une Kim Deal – première période des Breeders -, quoiqu’en plus aigü, celle qui ressemble à une jeune Lady Gaga – il y a dix ans  – est l’essence même de ce groupe qui a balancé ses chansons à saveur new-wave avec générosité et plaisir évident.

« Qu’est-ce que ça sent bon ici! » s’est exclamée la jeune femme, référence à notre consommation légale.

Les racines punk

Il est toujours fascinant de voir des groupes punks nés dans la foulée du mouvement original (années 1970) quelque quatre décennies après leur naissance. C’est le cas de The Exploited et du chanteur Wattie Buchan, toujours au poste depuis le premier disque paru en 1981.

Il est clair que le groupe exploite – jeu de mot facile, il est vrai – toujours les bases qui ont fait son succès auprès de son public punk skinhead issu de la classe moyenne. Et le passé, aussi, avec des chansons qui ont marqué les esprits (Let’s Start a War, UK82, Fuck the System) que le groupe essaie de jouer toujours plus vite.

Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Bilan? Le message véhiculé par la plupart des chansons demeure pertinent. L’efficacité du show? Il me semble que ça frappe plus les esprits dans un petit club à 22 heures que sur une immense scène en plein air à 18 heures.

La fête à Jim

Si les canons à eau ont été appréciés durant le set dynamique de Bigwig, ça se massait déjà devant la scène de l’Ouest bien avant que Pennywise ne s’amène. Au nombre des t-shirts à l’effigie du groupe, on se disait qu’il y avait peut-être plus de monde qui était là pour eux que pour Bad Religion, la tête d’affiche.

Faut laisser ça au chanteur Jim Lindberg, il garde constamment un lien étroit avec le public. Après un bon doublé de mise en bouche (Peaceful Day, Same Old Story), Lindberg n’a jamais cessé d’haranguer la foule entre les interprétations de Rules et Perfect People. Comme presque tous les artistes croisés vendredi, le président américain Donald Trump en a pris pour son rhume, notamment avant la prestation de My Own Country.

Pennywise en action. Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Pennywise en action. Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Lindberg, dont c’était l’anniversaire vendredi (54 ans et non pas 43 comme l’a mentionné le guitariste Fletcher Dragge) a eu droit à un gâteau qui s’est écrasé quelque part entre la scène et la barrière de sécurité, grâce à un lancer « pourri » de Dragge.

Ça n’a pas empêché le groupe d’aligner les hymnes (Fight Till You Die, Fuck Autority), les reprises rassembleuses (Stand By Me en version punk) et les chants fédérateurs (Bro Hymm) avec des tas de spectateurs sur scène. Souvent brouillon, mais toujours le sourire accroché aux lèvres, Pennywise avait le bon ton pour le bon contexte.

L’incendie

Comme bien des gens, je me demandais pourquoi diable on avait programmé Streelight Manifesto après Pennywise et avant Bad Religion, plutôt que de conclure la journée avec Pennywise et Bad Religion. Ça m’a pris trente secondes pour comprendre.

En 50 minutes, le groupe du New Jersey de ska punk à l’origine a transformé le parc Jean-Drapeau en plancher de danse. La bande à Tomas Kalnoky, Jim Conti et Mike Brown a dynamité ses offrandes comme ce n’est pas possible.

Streetlight Manifesto a mis le feu. Photo courtoisie Evenko/Pat Beaudry

Streetlight Manifesto a mis le feu. Photo courtoisie Evenko/Pat Beaudry

Ska – toujours – et punk – moins qu’à ses débuts -, le collectif a gagné en cohésion avec les années et est devenu un genre d’hybride musical jouissif qui, en festival, n’aspire qu’à faire la fête. Une prestation qui a tranché avec les autres, mais qui a peut-être été la plus achevée du lot.

Cette explosion sonore en règle n’était pas pour aider Bad Religion. D’ailleurs, dix minutes avant la fin du set de Streetlight Manifesto sur la scène de l’Est, il n’y avait pas 200 personnes devant celle qui allait accueillir Bad Religion.

Bien sûr, les Californiens ont fait le plein à leur tour. Le chateur Greg Graffin – désormais presque chauve – et ses collègues ont présenté quelques nouvelles chansons de leur nouvel album Age of Unreason où le pouvoir, l’église, la religion et toutes les têtes de turcs habituelles se font écorcher. Ainsi que leur fournée de classiques.

Greg Graffin de Bad Religion. Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Greg Graffin de Bad Religion. Photo courtoisie Evenko/Tim Snow

Bel équilibre en général, quoique Graffin m’a semblé avoir moins de voix que naguère, mais pas moins de bagout. Groupe d’une rare pertinence à l’échelle sociale actuelle, Bad Religion semble quelque peu accuser le poids des années sur scène (PS : je ne les ai pas vus l’an dernier).

Rien de majeur et rien pour gâcher le plaisir d’entendre Fuck You et Los Angeles Is Burning, mais en cette journée d’anniversaire de naissance de Mick Jagger (26 juillet), on réalise que ce n’est pas tout le monde qui va poursuivre sa carrière jusqu’à 76 ans.

Mais bon, 77’, cette soirée chaude était la soirée de chauffe. Le plat principal se décline en deux services, aujourd’hui et dimanche, avec Heavy Montréal.