Auteur, compositeur, interprète, activiste, environnementaliste, animateur de radio, guitariste, joueur de banjo et figure de proue du mouvement folk depuis durant plus de sept décennies, Pete Seeger est décédé lundi à l’âge de 94 ans.
Par Philippe Rezzonico
Bob Dylan, Joan Baez, Bruce Springsteen, Willie Nelson, Neil Young, John Mellencamp, Michel Rivard, Mara Tremblay, Catherine Durand et Les Soeurs Boulay, tous et toutes, peu importe leur langue et leur génération, sont en deuil.
Celui qui jouait du banjo en accompagnant son père dans les square-dance de Caroline du Nord à la fin des années 1930, fut encouragé par Alan Lomax, un autre grand de la musique folk, à poursuivre dans cette voie.
Le jeune Peter Seeger se fait donc entendre par un public plus large durant la retransmission hebdomadaire de Back Where I Cam From dès 1940, une émission animée par Lomax et Nicholas Ray qui pouvait réunir Lead Belly et Woody Guthrie.
Seeger sera l’un des co-fondateurs dès 1940 des Almanac Singers avec Millard Lampell, Lee Hays et Guthrie. Au menu : des chansons visant à dénoncer le racisme et la guerre dans un contexte pro-syndicaliste ouvrier. Le moment de gloire du groupe fut la performance offerte à la Maison-Blanche en 1941 pour les soldats américains, à la demande de la première dame, Eleanor Roosevelt.
Après des années de séparation au plus fort de la Deuxième guerre mondiale, Seeger et Hays reforment un groupe nommé The Weavers en 1948, Les années qui allaient suivre allaient être remplies de succès avec la relecture du classique de Lead Belly, Goodnight Irene, et les On Top of Old Smokey, Kisses Sweeter Than Wine et Tzena Tzena Tzena.
Sauf que les années 1950 sont celles du Maccarthysme, celles de la « peur rouge » aux États-Unis. En 1953, The Weavers, un band fortement politisé et pas du tout réfractaire au communisme, est banni des ondes radiophoniques.
Leurs concerts sont annulés, Seeger et Hayes étant identifiés par le FBI comme étant des membres du Parti communiste. Decca a même rompu son contrat de disques avec The Weavers. Ce n’était pas facile d’être un chanteur engagé aux États-Unis avant la révolution Rock n’ Roll….
Le triomphe n’a pas été moindre en 1955 quand The Weavers ont repris du service et fait un malheur au Carneige Hall. Et c’est durant cette décennie que Seeger et ses amis ont planté toutes les semences pour ceux qui allaient suivre, à savoir, The Kingston Trio et Peter Paul and Mary.
Seeger aura aussi été l’un des fondateurs du festival de Newport. Lui, l’homme qui aura chanté pour les fermiers, interprété des chansons dont les origines remontaient à la Grande dépression, en a voulu à Dylan en cette année 1965 quand l’ami Bob a branché sa guitare pour passer du folk au rock. On ne peut résister éternellement au progrès, il faut croire…
L’héritage
Tout seul ou en collaboration avec d’autres auteurs, Seeger aura écrit des chansons qui ont été reprises à profusion par ses héritiers. The Kingston Trio a fait un tabac avec sa version de Where Have All the Flowers Gone, mais la plus belle relecture demeure celle de Peter Paul and Mary parue sur leur éponyme disque de 1962.
If I Had A Hammer fut un succès, tant en 1962 pour Peter Paul and Mary (version folk au pied de la lettre) qu’en 1963 pour Triny Lopez (version festive latine). Et si vous voulez une interprétation avec participation de la foule, allez entendre celle de Sam Cooke avec les spectateurs massés au Copa en 1964 (Sam Cooke at the Copa).
We Shall Overcome, reprise par Joan Baez, fut également le thème d’un album complet de Bruce Springsteen en 2006 (We Shall Overcome, The Seeger Sessions). Quant à Turn Turn Turn, c’est probablement la version des Byrds qui nous est la plus familière.
We Shall Overcome, qui a été un appel aux luttes pour les droits civiques, Which Side Are You On?, qui a servie de porte-étendard aux grèves des mineurs, ou Study War No More, qui a dénoncé la guerre du Vietnam, sont quelques-unes des chansons les plus porteuses de Seeger.
Au-delà de l’héritage musical gigantesque, on se souviendra aussi de ce sourire qui illuminait nos cœurs, chaque fois qu’on le voyait chanter depuis quelques décennies.
So long Pete.