Si vous êtes amateur de disques vinyles, pas besoin de vous expliquer ce qu’est le Record Store Day (Jour des disquaires indépendants) qui a été célébré partout en Amérique du Nord le 21 avril dernier. Mais comme une journée ne fait pas une année, il y a le moyen de prolonger le plaisir durant 365 jours. Premièrement, en faisant des visites régulières chez votre disquaire favori, puis, en lisant le bouquin Record Store Days, From Vinyl To Digital and Back Again.
Par Philippe Rezzonico
Ça prenait bien un livre pour documenter cet événement né en 2007 : une journée de célébration des disquaires indépendants. Ceux-là même que l’on croyait voir disparaître lors des deux dernières décennies tant la mainmise des grandes surfaces de vente semblait acquise.
Ce sont plutôt les grandes surfaces et l’industrie musicale qui ont écopé. Qui plus est, le vinyle a connu une forme de renaissance auprès d’un jeune public visiblement féru d’histoire et de nostalgie. Un nombre impressionnant de jeunes groupes et d’artistes mettent parfois leur nouvel album en vente en format numérique, bien sûr, mais également en vinyle plutôt qu’en compact.
Est-ce parce que le vinyle exerce un attrait pour les collectionneurs ? Allez donc savoir… Cela dit, du temps où le vinyle et les cassettes étaient les seuls supports – années 1950, 1960 et 1970 -, il y avait une aura dans les magasins de disques qui a graduellement disparu quand le compact a commencé à être commercialisé à grande échelle dans la deuxième portion des années 1980.
Encore de nos jours, je n’arrive pas à faire comprendre aux plus jeunes ce que représentait une visite chez Sam the Record Man sur Sainte-Catherine dans les années 1970 et 1980. Comment faire comprendre que tous les disques de la planète – ou presque – s’y retrouvaient ?
Avoir le catalogue entier
L’important, ce n’était pas d’avoir 750 exemplaires du plus récent disque populaire, mais d’avoir tous les classiques des années précédentes du chanteur X et du groupe Y. Quand tu regardais dans l’espace dévolu à Elton John, par exemple, tu avais 10 albums au total, mais huit d’entre eux étaient différents. De nos jours, tu as 10 exemplaires… de la même compilation.
C’était ça, l’attrait des magasins de disques. Et même si le compact a pris toute la place avec le temps, il y avait quand même des détaillants qui tentaient de tout avoir en stock. Si vous avez magasiné aux États-Unis dans les années 1980, 1990 et 2000 en mettant les pieds chez Tower Records, vous savez ce que je veux dire.
Que ce soit la succursale mythique de Sunset Strip, à Los Angeles ; celle qui existait à l’extrémité ouest de la rue Newberry, à Boston ; ou celle située dans le Vieux carré, à La Nouvelle-Orléans, vous n’avez pas idée des heures que j’ai passées dans ces magasins. Il n’y avait que là que je pouvais trouver des rééditions compact de vinyles épuisés d’artistes des années 1950.
Ça, c’était quand je n’étais pas à Newberry Comics – disquaire indépendant de Boston – , au magasin de Rhino Records à Los Angeles – fallait louer une voiture pour s’y rendre, mais c’était pas grave – où au Louisiana Music Factory, minuscule établissement, qui possède des disques d’artistes de la Louisiane que l’on ne peut trouver ailleurs.
Disparus ou survivants
Les auteurs Gary Calamar et Phil Gallo parlent de tous ces lieux – disparus ou encore existants – dans leur bouquin de plus de 200 pages dont la forme s’apparente à la dimension d’une pochette de 45 Tours.
Préfacé par Peter Buck, de R.E.M., l’ouvrage contient des témoignages de Booker T, Ziggy Marley, Peter Gabriel, Joan Jett, John Mellencamp, Bruce Springsteen, Shelby Lynne, Damon Albarn (Blur), Metric et Nelly McKay qui parlent de leur relation avec les magasins de disques.
On retrace les origines de certains détaillants parmi les plus importants qui soient : Bleecker Bob’s Records, dans Greenwich Village ; Ernest Tubb Records, qui fut le premier grand disquaire dévolu à la musique country à Nashville en 1947 ; et Wallich’s, où Eddie Cochran venait acheter ses disques à la fin des années 1950.
On parle aussi des disquaires qui ont ouvert ses magasins qui ont changé la vie de plusieurs générations : Bob Koester, qui a crée le Jazz Record Mart à Chicago dès 1959; et Ross Solomon, qui a mis sur pied Tower Records, en 1960. Il y a eu également Aron’s Records, qui aura eu pignon sur rue à L.A. durant 40 ans., et Amoeba, qui a donné naissance aux super magasins indépendants des États-Unis juste avant l’arrivée du web.
Bien découpé en chapitres qui peuvent se lire au gré de l’inspiration et non pas en continu, cet ouvrage est destiné à des passionnés pour qui l’environnement dans lequel est dispensé la musique a toute son importance.
En attendant un équivalent québécois qui pourrait retracer l’histoire de nos propres disquaires, Record Store Days (Sterling, 2009) nous rappelle pourquoi on a passé des journées entières à flâner dans des magasins et à discuter avec des « vendeurs » qui étaient aussi passionnés que nous.