Rihanna : la diva sans remords

Rihanna sait se faire pardonner auprès de ses fans. Photo Rogerio Barbosa

Une heure 22 minutes et une heure 40 minutes… Les 82 premières minutes, c’est la durée de l’attente entre la première partie de A$AP Rocky et l’arrivée sur scène de Rihanna, dimanche soir, au Centre Bell. Les 100 minutes suivantes, c’est la durée du spectacle de la tête d’affiche.

Par Philippe Rezzonico

On s’y attendait. Du moins, les habitués dans notre genre qui sont familiers avec les divas de naissance. Et puis, quand tu intitules ton disque Unapologetic, tu peux bien faire ce que tu veux, non? Dites-vous que dès que Rihanna est apparue sur les planches, les 17 200 spectateurs lui avaient déjà pardonné.

Peut-être pas les parents qui devaient venir rechercher vers 22h30  les quelque 10 000 adolescentes qui étaient sur place par contre, mais ça ne posait pas de problème à mon vieux pote Yves. Il savait déjà que j’allais lui ramener sa fille Kim et son amie Fanny qui ont dansé, sauté et chanté comme des possédées.

Elles ont même aimé A$AP Rocky qui a pourtant offert ce que j’ai vu de moins probant en rap ou hip hop sur une scène depuis 30 ans. C’est beau d’avoir 16 ans et d’aller voir Rihanna… Pour moi, c’était plutôt l’occasion de mesurer le chemin parcouru par la belle artiste de la Barbade depuis son premier passage à Montréal, il y a de ça près de dix ans.

Tout un contraste de voir Rihanna avec quatre musiciens, six danseurs et danseuses, deux choristes, 16 écrans rectangulaires, un écran en demi-lune, une marquise triangulaire et une scène sur laquelle on aurait pu installer tous les lauréats des prix Jutra remis à quelques pâtés de maison de là.

Des moyens et un solide groupe pour l'appuyer. Photo Rogerio Barbosa

La première fois que Rihanna a chanté au Centre Bell (en première partie de Village People et de Cher), elle était devant un rideau et chantait accompagnée d’une bande préenregistrée.

Depuis, nous avons eu droit à des productions de plus en plus étoffées. Sur ce plan, la tournée Diamonds est des plus élaborées. Découpé en blocs musicaux qui permettent à la dame d’enfiler tenues, combinaisons, robes, décolletés et bottes qui semblent autant sortir d’un magasin de haute couture que d’un club de danseuses, le spectacle varie les ambiances au gré des sélections de nouveaux titres et de classiques de même ton.

Amorcée depuis peu, la tournée n’a certes pas atteint sa vitesse de croisière. En dépit de l’effet saisissant de la production, le premier segment qui comprend Phresh Out the Runaway et Birthday Cake semble moins assuré. Peut-être est-ce parce que personne n’est dupe de ces colonnes et de ce décor en simili-marbre.

Parfois fougueuse, parfois poseuse, la belle dame. Photo Rogerio Barbosa.

Rihanna incite les amateurs à taper des mains, certes, mais elle pose plutôt qu’elle ne s’abandonne, hormis peut-être la finale de Pour it Up et durant Cockiness (Love it), quand elle s’offre ses premières poses suggestives. Il y en aura beaucoup.

En noir et en blanc

Ça chauffe nettement plus durant la portion en noir et blanc où les chansons proposées (Man Down, No Love Allowed, Rude Boy) baignent dans des effluves reggae et des rythmiques africaines. Là, Rihanna chante et harangue la foule et on y croit. Elle est dans son élément naturel.

Pas difficile de convaincre tout le monde pour la suite. Jump – avec ses lance-flammes, la bombe Umbrella et surtout Rockstar 101 mettent le feu. Cette dernière a même eu droit à une mise en garde pour les moins de 17 ans : violence. Tu parles! Des images tirées de vieux films d’horreur où giclent le sang défilent sur les écrans.

Rihanna a de l'attitude et elle sait faire preuve d'auto-dérision. Photo Rogerio Barbosa.

Rihanna désamorce toutefois la portée dramatique du clip en apparaissant entre les vieilles pellicules avec une tronçonneuse et une hache sous l’appellation rockstars. Satire de vedettes du rock, clin d’oeil aux séries comme Bones ou Dexter, auto-dérision.. Je ne sais trop. Mais nous étions loin du premier degré de Madonna lors de sa précédente tournée avec sa kyrielle de cadavres.

La portion sensuelle (Love the Way You Lie, Take a Bow, Cold Case Love) a démontré que la chanteuse avait encore de la voix malgré la laryngite qui remonte à une semaine. Cela dit, Rihanna n’a pas chanté des tonnes de refrains dimanche, ses choristes ayant largement gagné leur salaire.

Le dernier droit fut particulièrement festif (We Found Love, S & M, Only Girl (In the World), Don’t Stop the Music) quand Rihanna s’est pointée dans une tenue métallisée et qu’elle a été se balader au parterre pour serrer des mains, faire des bises et se munir d’un chapeau de la St-Patrick.

Une spectaculaire production à laquelle il manque peut-être un grain de folie. Photo Rogerio Barbosa.

C’est à ce moment que je me suis dit que c’était le premier réel grain de folie dans ce spectacle, comme ce fut le cas pour les récentes tournées où il y avait des accessoires de scène déments. Rappelez-vous le char d’assaut rose et la bagnole qui se faisait démolir.

On a eu l’impression que pour cette tournée, Rihanna voulait être plus raffinée, quitte à sacrifier une partie de sa spontanéité.

Il faudra peut-être voir comment se spectacle aura pris du mieux quand Rihanna sera de retour au Centre Bell le 1er mai. Mais quoiqu’il en soit, je doute qu’il fasse l’espérer plus tôt sur scène. Désormais, Rihanna est une diva. Et comme toutes les divas, elle est sans remords.