Périodiquement, la question revient sur le tapis : le rock est-il mort? Danny and the Juniors avaient déjà répondu implicitement à la question dès 1958 en enregistrant la version originale de Rock and Roll Is Here to Stay. C’était clair, non?
Par Philippe Rezzonico
Neil Young a livré le même message deux décennies plus tard, avec sa phrase-clé de Hey Hey, My My : « Rock and roll will never die ». Bien sûr, ça fait longtemps, mais, de nos jours, on peut exister sous le radar des vedettes pop et hip-hop sans pour autant disparaître.
Et pour ça, il y aura toujours quelque part un groupe comme Rival Sons.
Pour certains, les Américains originaires de la côte ouest qui étaient de passage dimanche au Théâtre Corona sont perçus comme des sauveurs. Un peu comme Greta Van Fleet. Normal, les deux bands sont nés au début de l’actuelle décennie et ils figurent parmi les groupes rock de pointe des dernières années.
Mais pour la plupart des vrais amateurs de rock, l’intérêt pour Rival Sons est dû uniquement à la qualité de se qu’ils proposent. Et c’était diablement vrai pour ceux qui étaient massés au Corona. Personne n’était là pour la saveur du mois ou pour une quelconque forme de « hype ». Tous, uniquement, pour le plaisir d’être galvanisés par des salves de rock dur.
Ils ont tout ce qu’il faut pour ça, les gars de RS, à commencer par le chanteur, Jay Buchanan qui a une voix du tonnerre, du charisme et un sens inné de la scène. Évidemment, pour un type de ma génération, les influences du passé crèvent les yeux : gestuelle rappelant Jim Morrison (Doors), un tantinet poseur comme Jeff Martin (The Tea Party), inflexions de voix quelque peu similaires à Eddie Weder (Pearl Jam). Ce qui ne gâche pas une seconde le plaisir, soit dit en passant.
Idem pour le guitariste Scott Holiday pour qui énumérer les influences prendrait plusieurs paragraphes. Mais disons que pour l’essentiel, Rival Sons a du Led Zeppelin dans le nez, particulièrement dans les chansons les plus éthérées, lorsque le batteur Michael Miley ajoute des effluves percussives arabisantes. Encore là, pas de problème non plus. Led Zep n’étant plus de ce monde – le groupe, pas les trois membres survivants -, pas de mal à voir un band qui se nourrit de leur passé glorieux.
Cela dit, Rival Sons a néanmoins développé son identité propre à l’aide de chansons fortes issues de leur propre répertoire. De l’entrée en matière avec la solide Back in the Woods Again jusqu’à la finale avec la fédératrice Do Your Worst, en passant par la ligne de guitare mordante d’End of Forever, pas mal toutes les chansons ont atteint la cible et généré le plaisir promis aux amateurs dont les plus fervents voient déjà Rival Sons comme un band culte.
Cela dit, les ennuis – pas précisés – de Holiday avec l’une de ses guitares à double manche ont amenuisé la fluidité du concert. Deux fois, le groupe a dû faire marcher arrière avant de jouer All Directions (du moins, c’était ce qui était prévu sur la sélection de chansons). Finalement, on a eu droit à Look Away à la place, mais insérée entre le brûlot qu’est Electric Man et la rassembleuse Keep On Swinging. Bref, toutes les hésitations nous ont privé d’un doublé coup de poing avant les rappels. (PS : ne vous fiez pas à setlist FM, ça, c’était la sélection prévue avant le concert, pas celle offerte).
Buchanan nous a fait oublier ça avec une interprétation gigantesque de Jordan, qu’il a terminée en se prosternant devant la foule qui l’a secondé au plan vocal.
Ça, c’est l’autre aspect qui doit inciter quiconque à voir un concert de Rival Sons. La complicité avec les spectateurs, des vrais de vrais fans. Je dis ça parce que presque personne n’a pris son cellulaire en mains de la soirée. Ils sont là pour écouter de la musique, pas pour voir le concert à travers leur iPhone. Buchanan l’a d’ailleurs noté.
« Merci d’être venu nous voir. Vous auriez pu faire n’importe quoi d’autre, mais vous avez choisi la musique « live ».
Shooting Stars fut tout aussi prenante avant que Do Your Worst ne mette un terme à la soirée, dans un autre échange épique avec les spectateurs.
Après avoir salué, la foule, Buchanan et Holiday ont rapidement quitté la scène au moment où Miley a vu qu’un admirateur voulait prendre une photo du groupe. Le duo ne revenant pas sur ses pas, Miley, le bassiste Dave Beste et le claviériste accompagnateur de tournée, Todd Ogren-Brooks, avec sa généreuse barbe, ont pris la pose. Vous auriez dû entendre l’ovation!
Non, Rival Sons n’est pas que son duo de choc. Et le rock n’est pas mort…