Rod le Stod remporte le 44e Festival de Granby

Rod le Stod (en cravate) et son complice Johnny Danger ont dominé la finale du Festival de Granby. Photo courtoisie du festival/Bernard Duhamel

GRANBY – Ça ne faisait pas 45 minutes que la 44e présentation du Festival international de la chanson de Granby était terminée qu’ils étaient là, sur le trottoir, à la sortie du Palace, comme si la rue Principale de Granby était soudainement devenue la rue Sainte-Catherine : plus d’une vingtaine de supporters vêtus de leurs chandails blancs sur lesquels étaient inscrit : Rodlestod.com.

Par Philippe Rezzonico

De là à dire que nous étions dans le quartier de Notre-Dame-de-Grâce dans lequel Rod le Stod (Rodolphe Demers) a grandi, il y a un pas que l’on ne va pas franchir. N’empêche, ce triomphe du rappeur Montréalais dans l’une des finales les plus chaudement disputées était pleinement mérité.

Tous savaient que la finale de 2012 n’allait pas être un couronnement comme ce fut le cas pour Lisa LeBlanc en 2010. A preuve, la présence de six finalistes (Rod le Stod, Rosie Valland, Les Gourmandes, Geneviève Morissette, Pandaléon, Marjorie Fiset) pour la toute première fois de l’histoire du festival. Et la bagarre a été rude, comme prévu.

Course à trois

Pas moins de 104 journalistes et membres de l’industrie déterminaient l’identité du lauréat. Après que Rosie Valland, originaire de Granby, ait bouclé le défilé des groupes et artistes qui interprétaient trois chansons chacune, la cohorte de professionnels a déposé son vote dans l’isoloir. C’est la saison des élections, après tout…

C’est en conversant ici et là, durant la compilation des bulletins et lors des remises de prix, bourses et invitations à d’autres festivals, que nous avons réalisé que nous avions presque tous les trois mêmes choix en tête de liste, mais pas nécessairement dans le même ordre. Disons que personne n’a été étonné qu’il ait fallu plus d’une heure et demie pour désigner un vainqueur.

Quand Rosie Valland parle du printemps érable, on la sent engagée au possible. Photo courtoisie du festival/Bernard Duhamel.

Rod – vêtu comme Will Smith dans Men In Black – et son partenaire de scène Johnny Danger (Jean-Philippe Grenier) ont vraiment brûlé les planches du Palace avec leur rap puissant, énergique et totalement d’allégeance souverainiste. Les chansons J’suis pas né pour un petit pain et Dans le pays où je vis étaient d’un engagement total, mais l’ami Rod devra modifier des paroles maintenant que Jean Charest n’est plus premier ministre du Québec.

Texte, chant ou musique?

Chaque juré, certes, possède sa grille d’analyse, mais dans un festival de « chanson », il semble que la qualité des textes, du chant, du phrasé et la présence de scène ont préséance sur les qualités d’instrumentistes et les arrangements.

Pas illogique, donc, que Rod le Stod termine au scrutin devant Rosie Valland qui nous a jeté par terre avec sa chanson inspirée par Montréal et le printemps érable – sauf le monsieur à ma gauche qui a voté libéral ou caquiste à la lumière de son commentaire – et Geneviève Morissette, du Saguenay, un clone de Diane Dufresne au plan vocal et de Marie-Lise Pilote au plan attitude.

Les Gourmandes, véritable Manhattan Transfer féminin qui chante a cappella, a fait tourner bien des têtes, mais je doute qu’on aurait pris dix chansons de filles qui parlent de gars de cette mouture. Les harmonies séduisent au premier chef chez ce quatuor féminin, mais le genre a des limites qui n’apparaissent pas le temps de trois chansons, mais qui peuvent être très évidentes sur un disque de 15 titres, par exemple.

Les Gourmandes: de fort jolies voix. Photo courtoisie du festival/Bernard Duhamel.

Pandaléon a été – de loin – le groupe le plus étoffé au plan musical, mais la faiblesse des textes et du chant de Frédéric Levac a probablement coûté des votes. Ce groupe franco-ontarien dont les influences de Karkwa et Malajube sont évidentes aurait peut-être eu un meilleur sort au GAMIQ, par exemple.

Quant à Marjorie Fiset, son sourire éclatant et sa pelote de laine qui lie tous les instruments sur scène –charmant – ne pouvaient suppléer à une présence bien moins dominante que presque tous ses concurrents. À sa décharge, elle avait la tâche ingrate d’être la première à se produire sur scène.

Pas le goût de nommer les donateurs des sept ou huit commanditaires qui ont remis des bourses à Rod le Stod, mais on parle de plus de 70, 000 $ afin de lancer sa carrière. Un gros investissement pour un rappeur qui préfère faire le geste « politique de chanter en français » plutôt que le geste « économique de chanter en anglais ».

Mais à en juger par les autres prix, bourses et invitations obtenues par les autres finalistes, vous n’avez pas fini d’entendre parler d’eux en 2013, preuve supplémentaire que cette finale 2012 à Granby était peut-être un instantané d’un avenir très rapproché.

Sur le trottoir devant le Palace, les fans de Rod le Stod n’en doutaient pas une seconde…