Les Rolling Stones: Soixante-dix, le nouveau 50

Plus de 275 ans d'âge combiné et 200 de carrière. Hormis les rides, ça ne paraît pas sur scène.

NEWARK –  On entend souvent depuis quelques années des phrases évoquant la fontaine de jouvence de certaines femmes : « Cinquante est le nouveau 40 », «40, c’est le nouveau 30 ». Avec les Rolling Stones : «Soixante-dix, c’est le nouveau 50. » Et ça tombe bien, car ils célèbrent 50 ans de carrière en 2012.

Par Philippe Rezzonico

Le quatrième et avant-dernier spectacle de la tournée 50 and counting… présenté au Prudential Center, jeudi soir, n’a fait que confirmer l’excellente forme physique du légendaire groupe qui, plus que jamais, semble défier le temps.

Bien mieux, cette virée nous propose très souvent les Stones d’antan, ceux des années 1960 que plusieurs d’entre nous n’ont pu apprécier sur scène. On a beaucoup parlé du prix prohibitif des billets de cette tournée qui devrait se poursuivre en 2013, du moins, s’il l’on se fie à son appellation.

Mais nous avons lu bien peu de choses sur la qualité de la musique proposée par les Rolling Stones depuis qu’ils ont remis les pieds sur la scène du 02 de Londres, le 25 novembre, plus de cinq ans après leur dernier spectacle.

Dès le départ, les Stones nous replongent dans le passé. Si la gigantesque scène en forme de langue est associée aux années 1970, l’aspect dénudé de cette dernière nous fait penser aux apparitions du groupe aux émissions de télé des années 1960, le Ed Sullivan Show en tête.

Quand les Stones ont amorcé leur prestation avec Get Off My Cloud, il n’y avait que le claviériste Chuck Levell qui accompagnait le groupe de base. Pas de cuivres. Pas de choristes. Derrière un Mick Jagger qui affiche encore la taille de ses 20 ans, l’écran placé sous la langue ne réfléchissait que des images, photos et effets spéciaux en noir et blanc.

Cela apportait un esthétisme révolu à d’autres vieux tubes qui remontent aux calendes grecques comme The Last Time, que les Stones ont ressortie des boules à mites après des décennies d’inactivité, ou Paint It Black, avec sa ligne mélodique incisive, parfaitement livrée par Ronnie Wood.

«La première fois que nous avons joué à Newark, c’était en 1965, au Symphony Hall», a lancé Jagger, avant de demander aux spectateurs si certains d’entre eux étaient là…

La chanson demandée par les fans via un vote sur internet était plus âgée que ça, à savoir, Around and Around, qui était la première plage du vinyle 12 X 5 de 1964. Il fallait voir le plaisir de Keith Richards de nous offrir les accords classiques de cette chanson de Chuck Berry comme s’il l’avait apprise la veille.

Derrière lui, défilaient des images des légendes du blues qui ont inspiré les Stones (Muddy Waters, Howlin’ Wolf, Buddy Guy), des pionniers du Rock n’ Roll (Elvis, Chuck, Jerry Lee et Little Richard), mais aussi des géants du country (Hank Williams, Johnny Cash) et du jazz (Louis Armstrong, Charlie Parker, Miles Davis). Les Stones ont un réel sens de l’histoire.

Les invités

Depuis leur retour, les Britanniques invitent d’anciens membres (Mick Taylor, Bill Wyman) et des collègues de prestige (Jeff Beck, Mary J. Blidge) à se joindre à eux. Jeudi, John Mayer s’est pointé pour participer à Respectable, l’une des chansons de rock garage les plus percutantes de l’album Some Girls.

Armé de sa Fender, Mayer a cisaillé ses cordes lors du premier pont instrumental et nous avons eu droit à un enchaînement de solos de Mayer, Wood et Richards dans le deuxième, Jagger sautillant comme s’il avait 30 ans de moins. Toute une claque.

Mais c’était encore plus émotif de voir Mick Taylor – qui a officié après le décès de Brian Jones et avant l’arrivée de Ronnie Wood –  s’amener pour une Midnight Rambler de légende. Un véritable festival de la guitare blues avec Richards et Wood, ce dernier s’extasiant devant le niveau de jeu de son collègue. Monumental.

Le survivant

Cela dit, LA surprise de cette tournée, c’est Keith Richards. Richards qui a failli mourir il y a cinq après une «chute» bizarre (tombé d’un arbre, officiellement). Tu parles… Aminci – il avait pris du ventre depuis quelques années -, souriant plus que la Joconde, Richards a retrouvé un niveau de jeu d’une rare précision.

On sait à quel point les Stones jouent «sale» d’ordinaire. On trouve la qualité de leur son discutable. Dans cette tournée, en formation réduite – jamais plus de deux cuivres -, on savoure de nouveaux des lignes de guitares meurtrières comme celle de Sympathy For the Devil.

Et il chante mieux qu’avant, Keith, comme on l’a noté durant Before They Make Me Run et Happy. La voix semblait moins brûlée par la cigarette et l’alcool que naguère. Il fallait entendre la foule hurler: « Keeeeefff! » Tellement curieux d’entendre ça au New Jersey, où nous sommes habitués d’entendre « Bruuuuuce!!»

Et il court! Enfin, pas aussi vite que Jagger, mais quand même… On l’a vu par deux fois faire le tour de la grande langue! Quant à Charlie Watts, ce formidable métronome d’ordinaire peu souriant, il a eu le sourire aux lèvres tout le spectacle durant. La fin du monde peut bien être attendue le 21 décembre…

Bombes, bombes, bombes!

Pour le reste, ça demeure un show des Stones : uniquement des bombes et des classiques, hormis les deux nouveaux titres (solide Doom and Gloom et One More Shot à numéros).

Lisa Fischer soulève les montagnes avec son interprétation de Gimme Shelter dédiée aux résidants du New Jersey et tout le monde danse durant Honky Tonk Women en regardant la vidéo d’animation d’une fille géante juchée sur un gratte-ciel se faire attaquer par des avions pilotés par des gorilles (King Kong à l’envers).

Et cela va de soi que Miss You, Brown Sugar, Start Me Up, Jumpin’ Jack Flash et la mythique (I Can’t Get No) Satisfaction balaient l’aréna avec une puissance au moins équivalente à l’ouragan Sandy.

Vous pourrez constater cela vous-même samedi soir. Le concert du 15 décembre est retransmis à la télé payante (Pay Per View) dès 21 heures. Outre Taylor, trois autres invités de prestige seront avec les Stones : Bruce Springsteen, les Black Keys et… Lady Gaga. Tous des «jeunes» à côté des increvables Rolling Stones.