Depuis un demi-siècle, le personnage de James Bond au cinéma a été envié par les hommes et adulé par les femmes. À la lumière de Skyfall, film-événement visant à souffler les 50 bougies d’usage, force est d’admettre que le culte de l’agent 007 brille d’un éclat renouvelé tant les concepteurs du long-métrage nous ramènent au grand écran l’espion qu’on aime.
Par Philippe Rezzonico
Les premières critiques – dithyrambiques – venant d’Europe où Skyfall est sorti deux semaines plus tôt qu’en Amérique du Nord étaient pleinement justifiées : 007 : Skyfall, en français, est un exceptionnel cru anniversaire qui est à la fois une célébration et une relance de la franchise, encore plus marquante qu’à l’arrivée de Daniel Craig il y a six ans pour Casino Royale.
On a pensé le perdre, Bond (Craig), du moins, au terme de la séquence pré-générique dynamitée qui a été filmée à l’ancienne, sans effets spéciaux, preuve qu’on voulait d’emblée respecter le passé tout en conjuguant au présent.
Mais il a survécu – il fallait bien -, quitte à devoir se qualifier de nouveau pour le service de Sa Majesté envers et principalement contre Mallory (Ralph Fiennes), un responsable politico-beaureaucrate qui croit que les jeux de coulisses des espions sont dépassés à l’ère du 2.0.
Ce parti-pris du réalisateur Sam Mendes (lauréat d’un Oscar pour American Beauty) et des scénaristes (Neal Purvis, Robert Wade, John Logan) se vérifie durant deux heures et 23 minutes. Ils nous offrent ici un Bond qui respecte tous les codes de la série en alliant classicisme et modernité.
Mieux, il nous offre un Bond, fragile, imparfait et humain comme on ne l’a jamais vu durant un film entier, même si certaines scènes mémorables furent distillées au cours des ans dans At Her Majesty’s Secret Service, The Spy Who Love Me ou Licensed to kill.
Fabuleux Javier
Et le jeu de tous les personnages secondaires – qui ne passent pas en second une seconde – atteint le même niveau excellence. M (Judi Dench) atteint des sommets depuis son arrivée à l’époque de GoldenEye (1995). Quant à Javier Bardem (Silva), il offre l’une des plus mémorables compositions d’un méchant dans l’univers de Bond depuis… 1962.
La séquence où Bond et lui discourent pendant près de dix minutes est une pièce d’anthologie, tant pour le cadrage sans coupure de Mendes durant les trois premières minutes – génial! -, que pour la tension sexuelle – Silva est un brillant fêlé, perfide et homosexuel.
Dire que l’on voulait ramener Bond à ses origines est un euphémisme. Il y a cette finale en Écosse – clin d’œil à Sean Connery – où le jeune James a grandi, mais une importante part de l’action se situe à Londres, où l’on a fort peu vu 007 au cours des ans. Et dans un Londres contemporain, comme il a peu été fait mention dans cette série.
Ça n’empêche pas Bond de se promener partout sur la planète (Istanbul, Shanghai, Macao) avec ses Bond Girls (la noire Naomie Harris, indispensable, et la sulfureuse Bérénice Marlohe, sous-utilisée), portant le nœud papillon et sirotant une vodka-martini, ou bien en faisant l’amour en prenant une bière.
Impossible d’en dire plus sans révéler près d’une demi-douzaine de surprises, de retournements et de clins d’œil référencés au passé. Le plaisir est d’autant plus grand que Mendes révèle des indices une ou deux minutes – ou seulement quelques secondes – avant ses punchs. Ça permet de mesurer votre niveau de connaissances touchant James Bond.
Cela dit, si le féru de l’univers de Bond va s’amuser comme un petit fou durant le film, le néophyte de l’agent secret va y trouver son compte.
Prendre les moyens
En raison de la qualité d’ensemble de la distribution, j’ai eu la même impression que lors du visionnement de The Dark Knight, il y a quelques années : enfin un film de genre (espionnage ou super-héros) qui prend les moyens pour que le scénario et les acteurs soient à la hauteur du culte.
Cette référence à Batman n’est pas fortuite. Il y a un moment où Bond se prend vraiment pour Batman, du moins, celui du film tourné en 1966 avec Adam West. Observez bien son moyen de déplacement dans les rues de Londres pour aller sauver M…
Entre la présence d’un vétéran savoureux comme Albert Finney et d’un jeune comme le nouveau Q (Ben Wishaw), de l’esthétisme artistique de Mendes à la chanson-titre d’Adele qui évoque les grands tubes de Shirley Bassey (Goldfinger, Diamonds Are Forever) et Tom Jones (Thunderball), Skyfall est un modèle du genre.
Le meilleur Bond de tous les temps? Dilemme… Plus tôt cette semaine, j’y allais d’une chronique-analyse du phénomène Bond sur La filière Rezzonico, y allant de mes préférences de l’univers de 007. Avoir vu Skyfall avant la rédaction de ce texte aurait indiscutablement modifié son contenu.
—
Skyfall, de Sam Mendes, avec Daniel Craig, Javier Bardem, Judi Dench et Ralph Fiennes. Présentement à l’affiche.
4 étoiles