Quiconque qui l’a vu sur une scène dès le milieu des années 1990 l’a su d’emblée : Steve Hill est un as de la guitare. Un roi du manche. Un guitar hero, comme disent les anglos. Mais le plus stupéfiant talent n’est pas un gage absolu de succès dans le monde parfois ingrat de la musique.
Par Philippe Rezzonico
Dans le contexte mondial actuel, on pourrait dire que c’est toujours d’actualité, mais pour Steve Hill, les années de labeur acharné ont finalement rapporté des dividendes. Quand tu t’apprêtes à faire les rentrées québécoises et montréalaises du énième tome d’une série d’albums, ça ne trompe pas.
Cette fois, Hill sera à Québec pour deux représentations (22 et 23 avril) et une à Montréal (28 avril) pour le disque Solo Recordings Volume 3. Deux éléments de l’appellation de l’album sont cruciaux.
Primo, le chiffre « 3 ». Ça implique que ce n’est pas le premier… mais ne n’est pas le troisième non plus. Il y a eu Solo Recordings Vol. 1 (ce qui impliquait déjà qu’il y allait avoir une suite…), Solo Recordings Vol. 1 ½ (un minidisque de quatre titres), puis Solo Recordings Vol 2. Bref, quatre disques avec la même ligne directrice pour le guitariste émérite.
Deuxio, le mot « solo ». Comme dans « tout seul ». Comme dans « je mène ma barque comme je le veux ».
L’ironie, c’est qu’un concours de circonstances à effet domino a mené à cette série d’albums.
« C’est un peu par nécessité et par hasard que ça s’est produit, se souvient Hill. Et à cause de mon pusher de guitares… J’étais attiré par une Gibson ES 225, modèle 1956, mais à ce moment, on travaillait sur Whiplash Love (2011) et je n’avais pas les moyens. La compagnie de disque de l’époque n’a pas eu de subventions et le disque n’a pas levé, etc… »
Comme un guitariste doit gagner sa vie en jouant de la guitare, c’est ce qui s’est produit. La fameuse guitare, on l’a prêté à Hill pour un show solo. Et il y en a eu un autre… Et un autre… Et un autre encore. Et plein de chansons qui ont vu le jour en chemin.
Homme-orchestre
« Je n’ai jamais pensé être un homme-orchestre avec un bass-drum, etc., assure-t-il. Ça m’a contraint à modifier certaines choses sur scène. Je jouais, je chantais, je devais faire des affaires avec mes pieds, je m’occupais de tout… J’ai fait plus de 175 shows comme ça. »
Ce faisant, Hill est revenu à ses racines de blues après des années à avoir tâté du rock n’ roll de pas mal toutes les formes sur ses disques. D’ailleurs, quand on observe a posteriori les pochettes de ses albums, on note les variantes. Allure de jeune premier pour Steve Hill (1997), look rockabilly avec cheveux gominés pour Call It What You Will (1999), tenue décontractée avec cheveux en bataille pour Domino (2002), regard sombre avec cheveux longs pour The Damage Done (2010), avec The Majestikcs… Les approches musicales et stylistiques changent presque autant que les compagnies de disques.
« Le deuxième album, je l’ai nommé Call It What You Will, parce qu’il y avait plein de gens qui m’identifiaient à un genre particulier. Mais c’est vrai que je me suis cherché là-dedans… Comme j’écoute tout, ça m’influence. Et je me suis amusé à mes dépens à casser cette version de moi. »
Si Hill a bien réussi à faire quelque chose ces dernières années, c’est à s’exporter hors du Québec dans le Canada anglais qui l’a célébré avec de nombreuses récompenses. Et, aussi, à devenir son propre patron.
La percée
« J’ai réussi à breaker, au point qu’en 2015, j’ai donné plus de shows au Canada anglais qu’au Québec. À l’automne, j’étais dans l’Ouest et dans les Maritimes. J’ai beaucoup appris ces dernières années.
« Je ne peux pas dire que sur mon premier album, j’étais un artiste. J’ai revu il y a pas longtemps des images quand j’avais 21 ans. Je jouais déjà de la guitare en criss (petit rire), mais je n’étais un songwriter. Et je n’étais pas un chanteur non plus. Maintenant, je suis capable de faire l’un et l’autre.
« Je suis devenu un artiste indépendant au moment où c’est devenu la force de l’industrie. J’ai créé mon label. Avant, je n’avais aucun contrôle sur ce que je faisais.
« Aujourd’hui, je peux m’entourer de gens qui y croient. C’est un luxe que je n’avais pas avant. Je ne fitais pas bien dans une boîte. J’avais un band de six ou sept musiciens. Je n’aurais jamais pu breaker avec un band. »
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Steve Hill à…
Sherbrooke (Théâtre Granada, 21 avril)
Québec (Théâtre petit Champlain, 22 et 23 avril)
Montréal (Club Soda, 28 avril).
La tournée se poursuit en mai, juin et juillet. Consultez l’horaire à Steve Hill.com.