The Damned a 40 ans. Ça ne nous rajeuni pas. Je parle, bien sûr, de ceux qui étaient adolescents quand les Britanniques ont mis en marché l’album Damned Damned Damned, en février 1977.
Par Philippe Rezzonico
N’empêche, à vue d’œil dans le Club Soda, en ce mercredi soir pluvieux, plus du tiers des spectateurs présents n’étaient pas nés quand Dave Vanian, Captain Sensible et leurs copains ont livré un premier spectacle l’été de 1976, en première partie des Sex Pistols.
Pour cette tournée du 40e anniversaire qui s’est pointée à Montréal avec trois semaines de retard en raison d’une chute de Captain Sensible lors du spectacle à Toronto, le Soda était bondé et joyeusement bordélique, comme si la combinaison des vieux amateurs de la première heure, des néo-punks des années 1990 et des actuels fans du genre formait une mixture explosive. Et parmi les jeunes d’aujourd’hui, le volume de jeunes femmes était considérable au parterre. Oui, les vieux punks ont la cote. Question d’attitude.
En fait, on a su rapidement qu’on était dans un univers punk quand le groupe montréalais Police des Mœurs a été débranché – littéralement – par un technicien de scène en plein milieu de leur dernière chanson. Que voulez-vous.. Le groupe à saveur électro devait terminer son set de 30 minutes à 20 heures et il était 20:03… La fin du monde, quoi! Ridicule. En 1977, ça se serait terminé à grands coups de poings dans la gueule un truc pareil. Mais bon, Francis Dugas a été plus classe que ses hôtes.
Incendiaires BellRays
À moins que la demande ne soit venue des BellRays, l’incendiaire groupe qui fusionne rock de garage et voix soul. Si je me fie à l’exubérante énergie de la chanteuse Lisa Kekaula, tu n’as pas le goût de discuter avec elle.
Dans le genre, pas de quartier, ce groupe se pose là. Volume à 14 sur une échelle de 10, voix puissante mâtinée de soul de la chanteuse qui a une chevelure plus spectaculaire que The Weeknd, riffs de guitare dignes de l’école de Chuck Berry livrés par Bob Vennum, basse lourde et batterie assourdissante : le quatuor formé en Californie durant les années 1990 a torché le Club Soda.
La magistrale claque sonore administrée par Lisa et sa bande était encore plus intense au parterre, installé à cinq pieds du micro de la chanteuse : Stupid Fuckin’ People, On Top, Mine All Mine, Living A Lie et Everybody Get Up étaient ponctuées du « Last show! » hurlé par Lisa, référence à cette dernière soirée de tournée commune avec The Damned. Un gros, gros 40 minutes jouissif.
Sur le coup de 21 heures, The Damned s’est amené sur les notes du clavier de Monty Oxymoron qui semble être le petit frère de Michel Polnareff en raison de sa chevelure ébouriffée et de son attitude déjantée. Notes qui ont été le prélude à une version bétonnée de Melody Lee par le groupe.
À 60 ans, Dave Vanian a délaissé le look imberbe et le maquillage cadavérique qui lui donnait des allures de Béla Lugosi fringué en vampire, mais la barbe poivre et sel, la longue redingote et les gants lui donnent fière allure. Bien mieux, le chanteur qui se sert d’un micro similaire à celui d’Elvis du temps de Sun Records a encore une voix qui fait le travail.
Ça tombait bien, car une tournée anniversaire est, plus que jamais, l’occasion de piger dans le vieux matériel. Les deux-tiers du concert reposaient d’ailleurs sur les chansons des albums Damned Damned Damned (1977), Machine Gun Etiquette (1979) et Strawberries (1982).
Aux côtés de Vanian, Captain Sensible, visiblement remis de sa chute à Toronto, avait son lustre à la guitare et il était particulièrement en verve.
« Je suis tombé de la scène à Toronto parce qu’on doit boire trop de votre bière avant d’en percevoir le goût. »
Ironiques, The Damned a aussi noté que l’année 1977 célébrée lors de cette tournée était également celle de la naissance de… Saturday Night Fever. Introduction idéale avant d’interpréter Disco Man, chanson créée par le band en 1981 pour les EP Friday 13th. Très réussie.
Parmi les surprises de la soirée, notons Eloise, le tube de 1968 de Barry Ryan, que The Damned a gravé en 1986. Mais pour les « vieux » francophones dans la salle (pas nombreux), on voyait ça comme une reprise de Éloïse, de Donald Lautrec. Bon… J’ai désormais entendu les deux versions. Pas banal.
Autre rappel du passé francophone, Jet Boy, Jet Girl, enregistrée en solo par Captain Sensible en 1980, dont la musique est la même que Ça plane pour moi, de Plastic Bertrand. Normal, Plastic Bertrand jouait au sein du groupe Elton Motello, qui a créé la chanson, durant les années 1970. Jet Boy Jet Girl a été mise en marché en novembre 1977 et Ça plane pour moi en décembre de cette année-là. Mais attention! Les comparaisons sont uniquement d’ordre musical. Parce que les paroles en anglais n’ont rien à voir avec le gentil texte de Plastic. La moralité m’empêche même de les rapporter ici…
Cela dit, c’était bel et bien pour I Just Can’t Be Happy Today (excellente), Ignite (intense) et autres Generals que les fans s’étaient déplacés. L’interprétation de Love Song a transformé le parterre en trampoline et celle, de New Rose, en ruche d’abeilles dont on venait de donner un coup de pied dedans.
Et que dire de Neat Neat Neat, Smash It Up et Anti-Pope, qui a bouclé près de deux heures de concert? C’était un pur délice de les entendre avec une telle qualité d’interprétation. Qui était le plus heureux dans la salle? Probablement la fille qui est monté sur scène pour offrir des shooters au groupe et qui est retournée pour embrasser Captain Sensible. Elle était donc la mieux placée à la première rangée pour apprécier les fesses de ce dernier, quand il a baissé son pantalon en quittant la scène.
Finalement, damnés et décadents sont plutôt synonymes pour ce band…