Il aurait pu être avant-gardiste, tendance ou même racoleur. Après tout, ça fait une décennie que l’on attendait son retour sur disque… Rien de tout ça. Il a tout simplement décidé de faire du Bowie. Et ça surpasse encore à peu près tout ce qui se fait actuellement.
Par Philippe Rezzonico
Il nous a bien eus, le beau David, avec la publication de la chanson Where Are We Now?, le jour de son 66e anniversaire, le 8 janvier. Au-delà de la surprise d’apprendre qu’un nouveau disque se pointait à l’horizon, il nous a envoyé sur des fausses pistes.
À l’écoute de cette chanson et du clip qui revisitait l’histoire de Berlin, à la vue de la nouvelle pochette qui était un clin d’œil au disque Heroes et à sa trilogie berlinoise, on s’attendait peut-être à ce que The Next Day soit un disque atmosphérique. Parfois, les premiers extraits sont très collés sur un premier titre. Tantôt, pas du tout.
S’il est évident que The Next Day entre dans la seconde catégorie, ce qui est remarquable, c’est l’énergie qui émane de Bowie dans le fond et dans la forme, dans sa voix ainsi qu’au plan musical. Constat aussi plaisant que de mesurer la qualité des titres proposés.
The Next Day est farci de chansons fortes référencées au possible, sans que l’on tombe dans le pastiche ou la redite.
If You Can’t See Me, avec ses rythmiques drum and bass, nous ramène tout droit à l’essence de l’excellent Earthling, son dernier disque vraiment digne de mention.
Dirty Boys est nappée d’un motif de guitare rythmique période Ziggy Stardust et elle est colorée par un saxo comme ceux de Black Tie White Noise. Quoique la finale fait penser à celle de la chanson Young Americans.
Chaque fois que j’entends la chanson titre, je ne peux m’empêcher de penser à John, I’m Only Dancing. Where Are We Now?, bien sûr, nous replonge dans la trilogie Low-Heroes-Lodger, tandis que Dancing Out In Space semble être un rejeton née d’une relation entre un papa qui s’appellerait Scary Monsters et une mère qui aurait pour nom Let’s Dance.
Quand tu entends le pont de (You Will) Set the World On Fire, tu te dis que tu n’es peut-être plus dans l’univers de Bowie, mais dans celui de Tin Machine. La défonce.
Pas moyen d’échapper aux influences de Five Years dans la dramatique You Feel So Lonely You Could Die. Géante. Et Heat, qui clôt le disque régulier – dépourvu de chansons en boni – nous replonge dans l’expérimentation de Outside.
On précise tout ça pour ceux qui ne sont pas des habitués des univers de caméléons de Bowie. Mais même un néophyte qui aime uniquement de la bonne musique pourrait y trouver son compte.
Car si vous n’êtes pas renversé par l’hallucinante réussite musicale qu’est The Stars (Are Out Tonight) qui ridiculise la célébrité, par la poignante Love Is Lost ou l’accrocheuse mélodie de Valentine’s Day, désolé, nous ne pouvons rien pour vous…
David Bowie, The Next Day (Columbia)
4 étoiles