Tous les visages de Catherine Major

Catherine Major a offert une performance digne de son intensité proverbiale lors de sa rentrée montréalaise. Photo courtoisie Montréal en lumière/Victor Diaz-Lamich.

Pour une artiste dont le plus récent album se nomme Le désert des solitudes, Catherine Major était remarquablement entourée sur la scène du Club Soda, jeudi soir. Entourée des Mommies on the run (son quatuor à cordes), de ses princesses (ses musiciens masculins) et d’une foule attentive qui a pu goûter toutes les nuances de ses riches compositions, l’artiste la plus stressée qui soit a offert une performance à son image : intense, éclatée, lumineuse… et absolument pas linéaire.

Par Philippe Rezzonico

Parfois, on présume avant d’entrer dans une salle. Ce fut mon cas, jeudi. Je me disais qu’on allait avoir droit à des tas de chansons du nouvel et excellent disque de Major paru en octobre, album à la charpente classique et un tantinet atmosphérique s’il en est un. Avec présomption que nous allions avoir droit à un spectacle « d’écoute ». Imaginez, quand j’ai vu la sélection de chansons remises aux médias que la grande Catherine allait interpréter toutes les pièces de son disque…

Sauf que la scène, ce n’est pas le studio. C’est là que les artistes vivent avec les nuances, les éclats, les dérapages, bref, tout ce qui fait qu’un spectacle est une performance humaine. Major a bien compris ça.

Totalement planante, habitée et placide avec Ma Voix (amorcée debout au micro), Petit début d’éternité (envoûtante) ou Sahara (splendide), Major peut se déchaîner, cris à l’appui, avec une version dynamitée de Saturne sans anneaux (formidable), reprendre La rue Madureira de Nino Ferrer avec une fougue adolescente, ou livrer Fais pas l’affaire et son phrasé proche du hip-hop dans un amalgame de funk.

Parfois, Major nous offrait des versions à ce point fidèles au disque que l’on croyait rêver, à commencer par Le désert des solitudes où l’équilibre des forces (piano, cordes, basse) était exceptionnel. Tantôt, Major et ses potes faisaient dans l’inattendu. A preuve, le piano à quatre mains avec Alex Mc Mahon pour Tape dans ton dos. Très goûteux.

Avec ses Mommies on the Run, David Laflèche (au bout du piano), ainsi que Mathieu Désy et Alex Mc Mahon, Catherine Major a pu recréer magnifiquement toutes les nuances des ses compositions. Et superbes éclairages de Nyco Desmeules. Photo courtoisie Montréal en lumière/Victor Diaz-Lamich.

Parfois, aussi, la Catherine se lâche lousse. Ça lui sert très bien avec Toute une vie qui était dotée d’une puissance inattendue, mais ça frisait l’exercice de style trop appuyé avec l’enchaînement d’une ballade de Chopin à la chanson Bien. Oui, il y a des gens qui ignorent que Catherine Major a une formation de pianiste classique. Plus maintenant.

Pas après cette performance de près de huit minutes où la musicienne tentait d’arracher le vernis de ses ivoires. Spectaculaire – Catherine a une excellente main droite, comme on dit en langage de piano -, mais un peu boursouflée, cette exécution.

Au-delà du plaisir réel qu’elle y prenait et de la hargne de la frappe, on avait l’impression que l’artiste voulait faire comprendre qu’elle n’était pas qu’une excellente chanteuse auteure et compositrice. Bon. C’est dit.

En revanche, c’était plus ardu dans les rares moments où elle s’adressait à la foule. Une première et un anniversaire à venir – elle est née le 17 février – dans une même soirée, c’est beaucoup, il est vrai. Mais Major semblait néanmoins à la dérive dans son allocution où elle parlait de ses angoisses de vieillir. Et quand ta présentation de musiciens dure l’équivalent de deux chansons… C’est trop.

Si l’on prend les performances à l’unité, ce spectacle copieux au spectre musical plus large que ce que l’on attendait n’était pas loin d’être exemplaire. A l’inverse, le pacing souffre de réelles faiblesses. Quand ta première partie est supérieure à ta seconde, il y a des correctifs à apporter.

Peut-être que Major aurait dû faire La voix humaine prévue au tout dernier rappel pour mieux équilibrer le tout. Elle aura l’occasion de se reprendre, vendredi, pour son deuxième spectacle au Club Soda. Et peut-être aussi souffler les bougies de son gâteau d’anniversaire…