Tsunami automnal dans le marché de l'illustré américain

Batman, Flash, Green Lantern, The Martian Manhunter, Aquaman, Wonder Woman et Superman ne sont plus tout à fait les mêmes dans l'univers redessiné de DC Comics.

Histoire de secouer une industrie presque aussi malmenée que celle de la musique, DC Comics a osé pour la rentrée le plus audacieux coup de poker jamais vu : relancer toutes ses séries d’illustrés au numéro # 1. Effet immédiat. Reste à savoir s’il sera durable.

Par Philippe Rezzonico

Il y a une certaine ironie. Alors que le cinéma hollywoodien fait régulièrement appel aux super héros costumés pour s’offrir des franchises rentables comme Spider-Man, Batman et les X-Men qui engrangent des centaines de millions de dollars au box-office, le médium qui a vu naître les personnages bat de l’aile.

C’est la raison pour laquelle DC Comics, propriété de la multinationale Warner Bros., a provoqué un tremblement de terre le 31 août en remettant le compteur au numéro # 1 pour 52 de ses titres.

Du nombre, Detective Comics, série lancée en 1937 qui a donné son nom à la marque (DC) et dont la continuité n’avait jamais été interrompue depuis la Deuxième Guerre mondiale, a cessé sa parution au numéro 881. Idem pour Actions Comics, le titre qui a vu naître Superman en 1938 et qui a cessé sa publication après 904 numéros. Les anglophones nomment ça un reboot.

Pour des puristes, DC n’était pas loin du sacrilège. Mais à court terme, le geste a eu l’électrochoc escompté.

Au printemps, aucune série de DC ou de son concurrent Marvel n’avait franchi la barre des 100, 000 exemplaires vendus sur une base mensuelle, une première depuis l’explosion des comics books dans l’Amérique des années 1950.

 

Réimpressions de masse

Depuis deux mois, c’est tout le contraire. Le premier numéro de Justice League a été réimprimé à quatre reprises en quelques semaines, franchissant la barre des 200, 000 exemplaires.

Les 52 titres ont tous, sans exception, été en rupture de stock moins d’un mois après leur lancement. Pour une industrie fragilisée dans le monde du divertissement, c’est la panacée.

Du point de vue des créateurs, on fait coup triple : on relance l’intérêt dans des séries parfois essoufflées en modifiant des personnages et leur apparence, on s’assure que tous les spéculateurs vont se jeter sur les nouveaux illustrés en espérant que certains exemplaires vaudront plusieurs centaines ou milliers de dollars dans dix ans, et on espère attirer une jeune génération de lecteurs.

Parmi les transformations, le nouveau costume de Superman dans Action Comics, l’arrivée d’un Robin qui est le fils de Batman dans Batman and Robin et le retour de Batgirl dans sa propre série.

Et DC a donné des idées à Marvel.

Uncanny X-Men, série phare de Marvel publiée sans interruption depuis 1963 a mis un terme à sa séquence le mois dernier après 544 numéros.

Elle repart à zéro cette semaine avec des changements profonds, à savoir l’émergence de deux groupes distincts : l’un avec Cyclops à sa tête, l’autre avec Wolverine. Le site www.rollingstone.com présente les premières pages en exclusivté.

D’autant plus étonnant que des « méchants » de naguère (Magneto, The White Queen) sont cette fois du côté des «  bons » comme Cyclops, Storm et Colossus. Parallèle musical pour non initiés, c’est comme si Keith Richards larguait les Stones pour être le guitariste de la prochaine tournée de Paul McCartney.

Se renouveler

Ne vous faites pas d’illusions, tous ces changements apparemment artistiques et esthétiques sont là pour relancer une industrie qui tente de se renouveler. Comme les ventes de disques compacts ont plongé depuis dix ans, celles des comics books sont à la baisse. Là aussi, c’est le support original – le papier, dans ce cas-ci – qui risque de disparaître.

Ces changements s’inscrivent aussi dans une nouvelle tendance qui deviendra lourde sous peu : la publication des illustrés sur le web. Le site www.comixology.com s’en charge déjà. On veut attirer des usagers qui sont nés et qui ont grandi avec internet. Ça paraît avec la création de certains titres, quand on sait que Marvel a mis en marché… Avengers Academy.

On verra dans quelques mois si la secousse sismique de l’automne aura des effets permanents, mais contrairement à la bourse depuis quelques mois, le marché du comic book est sérieusement à la hausse ces temps-ci.