ASBURY PARK – Le soleil était aussi éclatant que le mercure était incroyablement chaud. Pas moins de 22 centigrades, vendredi, lors de mon arrivée sur le boardwalk d’Asbury Park, vers 17 heures. Ce que j’ignorais encore, c’est qu’il allait être beaucoup plus élevé dans cinq heures dans le Convention Hall.
Par Philippe Rezzonico
Il est vrai qu’il ne devait pas avoir lieu dans le célèbre amphithéâtre qui jouxte le bord de mer, ce concert du groupe de ska punk californien The Interrupters. Nous devions être de l’autre côté de Ocean avenue, au Stone Pony. Mais la popularité d’Aimee Interrupter (née Allen) et des frères Bivona a été sous-estimée et le nombre de billets vendus a contraint les producteurs à traverser la rue.
Retour, donc, dans la salle de quelque 1600 places où j’avais vu le E Street Band en 2007, ainsi que Bob Dylan et Leon Russell en 2009. Pour l’occasion, il s’agissait cette fois d’un programme triple. En ouverture, Rat Boy (Jordan Cary), un jeune britannique dont l’influence des Beastie Boys est particulièrement perceptible. Bonne première impression.
Masked Intruder a enchaîné avec son mélange de pop punk inoffensif, son énergie contagieuse et son concept de scène : un groupe d’anciens malfaiteurs – il parait qu’ils ont formé le groupe en taule – portant des cagoules de couleurs différentes qui ne dévoilent pas leur identité et un faux policier qui fait des pitreries.
Ils étaient venus à Heavy Montréal en 2015. Mais pour avoir vu l’affiche promo à une table de souvenirs dix minutes plus tôt, il y avait quelque chose qui clochait. «Bleu» (voix, guitare), «Vert» (guitare rythmique) et «Rouge» (batterie), o.k., mais…
« Je sais ce que vous vous demandez, a déclaré «Bleu», en saluant la foule après la deuxième chanson. Où est «Jaune»? «Jaune», il est en prison. Ce soir, on a «Violet» avec nous. Et vous l’avez remarqué, c’est une fille. »
On n’a rien perdu au change et le set a plu à cette foule farcie de familles avec de jeunes enfants.
L’incendie
Cela dit, tout cela était fait pour meubler du temps, boire de l’alcool, où profiter des hot-dogs vendus à l’intérieur de l’enceinte. Le Convention Hall a beau être un vieux truc décrépi, on devrait essayer ça : faire cuire des hot-dogs dans les salles montréalaises…
Et les vieux murs ont sérieusement tremblé lorsque The Interrupters se sont pointés un peu avant 22 heures. Dans le style attaque frontale du genre pas de quartier, le trio de chansons formé de A Friend Like Me, By My Side et Take Back the Power était irrésistible et fédérateur. Voyez plutôt…
Cette mise en bouche n’était pas que l’introduction, mais le ton général du concert qui a été constamment en mode pédale au fond. Cela tient pas mal au titre du tout dernier album qui est aussi celui de la tournée (Fight the Good Fight) mais aussi à l’historique du band dont tous les disques ont été produits par Tim Armstrong (Rancid).
La filialité est évidente dans le son et les rythmiques des frères Bivona, Kevin (guitare), Justin (basse) et Jessie (batterie), les deux derniers étant des jumeaux. Le groupe s’offre d’ailleurs une reprise de Rancid (Time Bomb), une de Operation Ivy (Sound System) ainsi que quelques clins d’œil à Green Day (When I Come Around) et compagnie.
Ce sont pourtant leurs chansons – incluant les plus récentes – qui retiennent largement l’attention. La foule de Jersey a chanté la nouvelle Gave You Everything comme s’il s’agissait d’un titre de dix ans d’âge. Et l’impact – au sens propre comme au figuré – des nouvelles She’s Kerosene et Title Holder était aussi pétaradant que celui de She’s Got Arrested.
Mais là, il faut donner le mérite à Aimee Interrupter et à sa fougue naturelle. J’ai rapidement cessé de compter le nombre de fois qu’elle est montée sur les moniteurs pour chanter, danser et motiver l’assistance – comme s’il le fallait – à en donner un peu plus. Celle qui pourrait être petite sœur – même la fille – de Shania Twain rugit à n’en plus finir et saute tel un ressort comme le faisait Gwen Stefani dans les années 1990.
Quand le groupe a conclu la soirée avec Family, des centaines de spectateurs en avaient sué un coup. Et le groupe californien connait ses classiques. Pensait pas quitter une salle de concert en 2019 en entendant Let the Good Time Roll (1956), de Shirley and Lee.
Ceux d’entre vous qui seront à l’Imperial de Québec ce soir (mardi) et au Club Soda, demain (mercredi), soyez prévenus : ça va chauffer.
Mais dites-vous qu’il n’y a que moi qui a eu droit aux 22 degrés Celsius et à la plage…