Vigilant Vincent Vallières

Vincent Vallières a conquis son auditoire avec son spectacle intimiste Au coin de la rue. Photo d'archives. Courtoisie Pascal Ratthé.

C’était bien et c’était bon. C’était Vincent Vallières, quoi. Et puis, vers le milieu de son splendide spectacle intimiste présenté vendredi à L’Astral, son musicien et ami, André Papanicolaou, a tiré sa révérence le temps de quelques chansons. Et là, on a découvert un nouveau Vallières.

Par Philippe Rezzonico

Vigilant, le Vincent. Il avait déjà le public dans sa petite poche depuis l’interprétation de Le temps est long, arrivée très tôt dans la soirée, qui a permis aux spectateurs de battre la mesure de cette chanson irrésistible.

Il avait charmé les fans de musique en nappant son Café lézard d’un harmonica déchirant et d’une guitare électrique qui semblait sortie d’une trame sonore d’Ennio Morricone.

Il avait obtenu l’attention de tous en racontant ses désopilantes histoires de tournée où Papanicolaou, surnommé Business Dre, tient le rôle du souffre-douleur par excellence.

Et il nous avait servi une nouvelle chanson vivifiante (Et c’est un départ), maintenant disponible sur iTunes.

Mais il en voulait plus, l’ami Vallières. Il voulait être sûr qu’on allait être suspendu à ses lèvres quand ça compte. Quand ça frappe.

Non, je ne pense pas à On va s’aimer encore, offerte au rappel, titre consécration qui lui a valu le Félix de la chanson par excellence au plus récent gala de l’Adisq. Magnifique livraison, incidemment. Non, je pense aux quatre titres qu’il a offert en nous expliquant qu’il fallait s’imaginer être dans son sous-sol.

Concentration maximale

Pour s’assurer que ça nous donne cette impression, Vallières a reculé de quelques pas. Son micro était près de sa guitare, mais pas sa bouche. Un vieux truc. J’ai déjà vu Springsteen faire ça. Comme le volume vocal est moindre, le spectateur se concentre deux fois plus sur les paroles. Ça permet aussi de faire taire les bavards quand il y en a, mais il n’y en avait aucun dans L’Astral transformée en commune.

Le monde tourne fort était mordante, mais pas de surprise de ce côté. On s’y attendait. Puis est arrivée, Époque d’opinion. De mémoire, cette courte chanson n’était pas insérée dans sa tournée avec groupe. Elle est pourtant annonciatrice d’un Vallières touchant le politique, ce qui contraste avec l’ensemble de son œuvre qui parle nettement plus d’amour, de liaisons fiables, du temps et de valeurs universelles.

Puis, Vallières nous a parlé de son séjour il y a deux étés avec des recrues de la garnison de Saint-Jean pour les besoins de l’émission de ARTV, Les voix humaines. Moment où il a composé une chanson parlant de ces militaires avec respect, mais dans le cadre d’une œuvre qui n’est pas « pro-Stephen Harper ».

Et Vallières nous a chanté La guerre la paix, où il demande : «  Dis-moi pourquoi pour faire la paix faut faire la guerre » et s’interroge « Pourquoi le fils du ministre n’est pas dans la milice ? » Fort.

Il a enchaîné avec un autre titre puissant pas encore enregistré. Une chanson nommée Asbestos qui parle de son grand-père et de sa grand-mère qui ont vécu la grève de 1949, moment qui a bouleversé le monde social et ouvrier du Québec au temps de la Grande Noirceur. Il l’a chantée, a parlé de son grand-père qui « voyait passer les scabs » et de la détresse du moment. Géant. Cette chanson-là pourrait être à Vallières ce que Shefferville est à Michel Rivard.

Excellente complicité

Bien sûr, on a adoré la complicité entre Vallières et Papanicolaou lors du partage de Envie de rien faire. Surtout quand Vincent vient chanter dans le micro placé au-dessus de la grosse caisse et que Business Dre maintient le tempo en tapant sur la caisse de résonance de la guitare du chanteur.

Forcément, on a tous tapé des mains durant Février …même si nous sommes en décembre. Mais c’est vraiment ce bivouac central qui nous a montré où Vallières pourrait aller dans l’avenir.

Et quand il a conclu sa performance en chantant Le repère tranquille, sans amplification aucune, figés comme des statues étions-nous, réalisant que Vallières nous avait bien eus en nous menant là où il le voulait.

En passant, ce show à la fois intense et convivial devait être la supplémentaire du spectacle de Vallières au Coup de cœur francophone en novembre, date qu’il avait dû annuler en raison d’une bronchite.

Le show reporté qui fait maintenant office de supplémentaire, il est prévu dimanche soir, au Lion d’Or. Et deux autres supplémentaires s’en viennent. Soyez vigilants pour ne pas rater ça.