ZZ Top: moins de musique, moins de bière, toujours du blues

Dusty Hill et Billy F. Gibbons. Photo Alain Décarie.

La dernière fois que ZZ Top a offert un spectacle dans l’enceinte du Canadien de Montréal, il s’est produit quelque chose que l’on n’avait jamais vu avant et jamais revu depuis : les spectateurs ont bu TOUTE la bière qui était disponible au Forum! Avec 65 minutes de prestation de George Thorogood et deux heures bien tassées de ZZ Top, il est vrai que les fans avaient eu du temps pour s’imbiber en cette soirée du 1er juin 1994.

Par Philippe ReZZonico

Rien à craindre, hier soir, au Centre Bell, lors d’une soirée glaciale ponctuée d’une courte première partie de JD & The Straight Shot et d’un spectacle de ZZ Top tout juste au-dessus de la limite syndicale d’une heure et quart (1h17). Néanmoins, le bon vieux petit band du Texas est encore capable de jouer du blues-rock comme peu savent le faire.

Parfois, je me dis que le succès phénoménal vécu par ZZ Top lors des premières années MTV avec les Gimme All Your Lovin’ (robuste), Sharp Dressed Man (mordante) et autres Legs (galopante) fausse la perception qu’on a de ce groupe.

Bien sûr, les poilus jouent toujours systématiquement ce trio de monuments incontournables. Et jamais à la va-vite. Billy F. Gibbons, Dusty Hill et Frank Beard  sont conscients que le public est là pour les entendre et bien les apprécier.

Mais les amateurs de longue date, les purs et durs de ZZ Top, savent que ce groupe est essentiellement un formidable groupe de blues-rock qui a obtenu une réputation mondiale en raison d’un look unique (les barbes) et des clips montrant des bagnoles d’anthologie et des belles dames sexy.

ZZ Top, un look inimitable. Phoot Alain Décarie.

Et ZZ Top le sait aussi.  D’où le partage constant entre la période MTV et celle qui précède. Quoique hier, on a senti que parfois les boys avaient le goût de faire dans le blues de puristes. Près de la moitié des chansons dataient des années 1970 et le disque le plus représenté était l’exceptionnel Tres Hombres, de 1973.

Entendre Waitin’ For the Bus – quand Billy et Dusty se déplacent avec un synchronisme parfait – et Jesus Just Left Chicago – sale et crasseuse – en succession, c’est un toujours un plaisir. Beer Drinkers Hell Raisers a été époustouflante et, bien sûr, La Grange et son irrésistible ligne de guitare ont tout balayé devant eux.

Quand il est dans un grand soir, Gibbons peut vous mener au ciel avec ses solos imparables au sein de chansons qui ne sont pas nécessairement des classiques. Ce type a une sensibilité blues et une touche unique avec son instrument.

Billy F. Gibbons: Lunettes fumées, sourire carnassier, dextérité intacte. Photo Alain Décarie.

Pincushion, titre d’ouverture de Antenna (1994) et la rarissime Vincent Price Blues, de Rhythmeen (1996), ont été de grands moments. Et les boys avaient bien raison de se flatter la barbe au terme de la livraison de Heard on the X. Pétaradante.

La précision mortelle du picking de Gibbons et la tonalité si caractéristique de sa six cordes qui permet d’identifier instantanément le guitariste étaient dignes de mention. Qu’est-ce qu’il jouait le monsieur!

Cela suffit évidemment à un type dans mon genre et à nombre d’autres fans de ZZ Top pour qui la musique fait foi de tout. Mais ZZ Top, c’est aussi l’un des groupes les plus statiques sur scène. Faut avouer.

Petit clin d'oeil à James Bond à la fin de Jesus Just left Chicago. Photo Alain Décarie.

Ça prenait donc la production vidéo que l’on voyait défiler sur les écrans, production présentée comme un long métrage : mise en garde pré-générique, générique qui semblait sorti tout droit d’un film de Tarantino et présentation du trio et de la blonde tatouée, « The Girl », que l’on voit défiler dans une succession de clips.

Parfois, ce sont des vidéos d’antan qui accompagnaient les chansons. Voir ZZ Top en 1983, c’est devenu vachement rétro… Le concept fut plutôt réussi dans l’ensemble, mais nous étions loin de l’extravagance des productions du passé.

Et je ne dois pas être le seul à avoir noté qu’il n’y avait pas de danseuses durant Legs, danseuses d’ordinaire recrutées dans des « clubs pour hommes » au hasard des villes visitées par la tournée de ZZ Top.

Les temps changent, donc, mais pas ZZ Top, en activité aux États-Unis ou à Montréal « depuis plus de 40 ans. Les trois mêmes gars. Les trois mêmes accords », a plaisanté Gibbons. Depuis 40 ans, certes, mais quand même à un premier passage à Montréal (parc des îles) depuis 1997.

Dusty Hill: bassiste émérite et solide voix. Photo Alain Décarie.

N’empêche, le trio n’a pas forcé la note avec les nouvelles compositions de La Futura (seulement deux titres, incluant I Gotsta Get Paid) et il a intégré « Montréal » dans certaines chansons. C’est particulier d’entendre « My head is in Montreal, Canada » à la place de « Mississippi ».

Quand l’explosive Tush a bouclé la soirée, je n’ai pas entendu quiconque pousser les hauts cris, même si plusieurs amateurs ont dû trouver la prestation un peu courte. Résultante directe : un arrêt boisson après le spectacle au bar local du Centre Bell. Mais contrairement à 1994, les fûts n’étaient pas vides…