High Hopes: un boni nommé Born In the U.S.A.

Depuis la crise du disque des années 2000, les labels et les artistes tentent d’offrir une valeur ajoutée quand vient le temps de mettre en marché une nouvelle parution. Le plus souvent, il s’agit d’une version « de luxe » du nouveau disque.

Par Philippe Rezzonico

Pour High Hopes, de Bruce Springsteen, paru mardi, il s’agit d’un DVD, soit la livraison intégrale et en séquence de l’album Born in the U.S.A., interprétée au Hard rock Calling de Londres, en 2013. Rien à voir avec High Hopes, à priori, sinon qu’il était logique que le boni d’un disque du E Street Band 3.0 soit représentatif de ce qu’il est actuellement sur scène.

Cela fait plusieurs années que Springsteen joue en séquence des albums entiers. Il avait commencé cette pratique à l’automne 2009, proposant deux soirées avec Born To Run, autant avec Born In the U.S.A., et une de Darkness On the Edge of Town, pour les cinq derniers spectacles à être présentés au désormais disparu Giants Stadium. Mémorable, ce fut.

Le Boss avait tellement aimé l’idée qu’il avait poursuivi l’exercice lors du dernier mois de la tournée Working On a Dream. Outre les trois albums nommés, il avait offert en novembre de cette année-là, lors de soirées successives au Madison Square Garden, les intégrales de The Wild, The Innocent and the E Street Shuffle ainsi que The River.

Cette fois, nous étions dans le légendaire, parce que, il s’agissait de performances uniques. Et la tournée s’était terminée à Buffalo avec Greetings From Asbury Park, le tout premier disque, spectacle qui fut aussi le dernier tour de piste de Clarence Clemons.

Le plaisir d’entendre un album du calibre de Born In The U.S.A. en séquence, c’est de renouer avec des chansons cent fois entendues et d’autres, très peu souvent livrées sur scène.

Ici, on se délecte comme d’habitude de la portion roulement de tambour de Max Weinberg sur la chanson-titre, mais l’on s’étonne de voir Steven Van Zandt s’offrir un solo d’enfer durant la rarissime Cover Me. Il a encore la touche, le Steve, quand Bruce lui cède la place.

On vibre tape du pied sans retenue avec le doublé Darlington County/Working On the Highway et on mesure l’intensité et la ferveur de Downbound Train et I’m On Fire, qui a gardé toute sa sensualité, même lorsque jouée de jour devant des milliers de spectateurs en plein air.

Et puis ont fait la fête avec les hymnes contenus sur la face B du vinyle des années 1980 : le refus de céder un pouce de terrain (No Surrender), la nostalgie de l’adolescence (Bobby Jean), les jours de gloire (Glory Days) et même les ruptures (I’m Going Down). Avec ce E Street Band décuplé, ces chansons semblent encore plus gigantesques qu’à leur naissance.

Et, grands spectacles de Bruce obligent, on retrouve de plus en plus cette fibre familiale. Durant la très rallongée Dancing In the Dark, Bruce danse avec sa mère Adele qui ne fait pas ses 87 ans et il invite même sa sœur Pamela – une idée de Van Zandt – à participer au crescendo, guitare en mains, s’il-vous-plait, aux côtés de Jake Clemons, le neveu de Clarence qui rend son oncle fier chaque soir que le E Street se produit.

Il y a quelque chose d’indéfinissable dans cette image quand le Boss, Jake et Pamela s’offrent le soubresaut final à l’unisson, comme si, plus que jamais, toutes les générations et les filiations s’unissaient dans ce groupe vraiment pas comme les autres.