Prix Génie 2012 : l’armada québécoise et le déséquilibre des forces

Monsieur Lazhar, de Philippe Falardeau.

Treize nominations pour Café de flore (Jean-Marc Vallée), neuf pour Monsieur Lazhar, (Philippe Falardeau) et six pour Starbuck (Ken Scott). Heureusement que A Dangerous Method (David Cronenberg) récolte 11 nominations, sinon, la 32e cérémonie de remise des prix Génie qui aura lieu le 8 mars prochain pourrait ressembler à un autre raz-de-marée comme la production cinématographique québécoise en a le secret.

Par Philippe Rezzonico

C’est ce qui ressort au terme de l’annonce, mardi, des nominations en vue des prix Génie qui visent à souligner l’excellence au cinéma canadien. Et c’est une tendance assez lourde depuis plus d’une décennie. Les années où il n’y a pas de film de Cronenberg ou d’Atom Egoyan, point ou peu de salut.

Sinon, c’est plus souvent qu’autrement le tsunami québécois : Crazy, Les Invasions barbares, Polytechnique et Incendies l’ont démontré récemment.

Le Cronenberg et The Whistleblower, de Larysa Kondracki (six nomintations), offriront une compétition plus relevée que d’ordinaire aux films de Vallée, Falardeau et Scott. Le trio de tête québécois fera la lutte aux deux productions anglophones dans la catégorie meilleur film, alors que Vallée et Falardeau feront face à Cronenberg, Kondracki et Steven Silver (The Bang Bang Club) pour la meilleure réalisation.

Calibre international
Rayon interprétation, les représentants québécois seront opposés à du gros calibre international. Patrick Huard (premier rôle pour Starbuck) fera notamment face à Michael Fassbender (A Dangerous Method), qui a un parcours exceptionnel depuis deux ans. Antoine Bertrand, dans la catégorie rôle de soutien, est opposé à Viggo Mortensen (A Dangerous Method). C’est difficile de livrer combat à Aragorn…

Starbuck, de Ken Scott

Et c’est encore plus relevé chez les femmes. Pour le premier rôle, Catherine De Léan (Nuit #1) et Pascale Montpetit (The Girl In the White Coat) sont opposées à Vanessa Paradis (Café de flore), Rachel Weisz (The Whistleblower) et Michelle Williams (Take This Waltz). Rien que ça !

On remarquera que Keira Knightley, vraiment pas dans le coup rayon interprétation dans A Dangerous Method, n’a pas été retenue dans cette avalanche de talents internationaux. C’est le collègue Marc Cassivi qui va être content.

Rôle de soutien féminin : Hélène Florent (Café de flore), Julie Le Breton (Starbuck) et la jeune Sophie Nélisse (Monsieur Lazhar) font la lutte à Roxana Condurache (The Whistleblower) et Charlotte Sullivan (Edwyn Boyd : Citizen Gangster).

Je ne ferai pas toute la nomenclature, il y a 83 québécois en lice… Allez sur le site des Génie.

N’empêche, le gars de musique qui sommeille en moi est heureux de voir Martin Léon en nomination dans la catégorie de meilleure musique originale pour Monsier Lazhar. Les chansons Œil pour Œil (Good Neighbours), de Malajube, et Quelque part (Starbuck), de Carole Facal, sont en lice pour la meilleure chanson originale.

Le déséquilibre
Cela dit, doit-on s’attendre à une domination québécoise ? En toute logique, j’ai l’impression que c’est Monsieur Lazhar qui va livrer la meilleure opposition à A Dangerous Method pour le titre ultime, Café de flore ayant eu droit à des critiques plus partagées.

Café de flore, de Jean-Marc Vallée.

Dans les catégories d’interprétation, difficile de penser que tant d’artistes internationaux vont se faire battre par nos locaux, si talentueux soient-ils. C’est d’ailleurs la distinction – et le problème – entre notre cinéma qui fait état de notre spécificité face à celui de nos amis du ROC. Aucun film n’en fait mieux la démonstration que A Dangerous Method cette année.

Ce film est une production Germano-canadienne réalisée par un Canadien (Cronenberg) et dotée d’une distribution internationale (l’Américain Mortensen, le Germano-irlandais Fassbender, l’Anglaise Knightley, le Français Vincent Cassel). En Alberta, on parle la même langue qu’au Nebraska, mais au Québec, pas exactement la même qu’en France.

A Dangerous Method, de David Cronenberg.

Imaginez, aujourd’hui en 2012, une co-production Franco-québécoise qui mettrait en vedette aucun acteur ou actrice québécois (e) dans les rôles principaux, mais qui aurait comme tête d’affiche Catherine Deneuve, Charlotte Gainsbourg, Vanessa Paradis et Vincent Cassel, tiens…

Vous imaginez la levée de boucliers si un tel film était en lice pour nos prix Jutra face à des productions québécoises mettant en vedette des acteurs de chez nous? Aie, aie, aie…

J’aime beaucoup Cronenberg et son cinéma, mais cette année, je souhaite que l’un des films québécois remporte la palme du meilleur film aux Génies. Parce que je n’ai pas l’impression que l’on joue à armes égales.