J’avais vu la tournée 360 degrés de U2, à Toronto, en 2009. Puis vue de nouveau, en direct sur le web, lors du show présenté au Rose Bowl. Et revue encore, avec un découpage différent, quand le spectacle enregistré en Californie a fait l’objet d’un DVD, paru en 2010.
Mais je ne l’avais jamais vécue…
Par Philippe Rezzonico
Notamment, parce que voir un show dans les gradins dans un stade, regarder une diffusion web en direct, ainsi que visionner un DVD n’égaleront jamais la frénésie vécue dans la sueur d’un parterre en folie.
Paradoxe ultime de cette virée à la démesure gargantuesque, plus tu vois de près quelque chose d’immense, plus ça a d’impact. La tournée 360, c’est comme voir un film en format IMAX dans ta chambre à coucher, surtout quand tu la vis à 20 pieds de la patte avant droite de cette structure en forme d’araignée ou de pince géante qui tient autant de La Guerre des mondes que de Rencontre du troisième type.
A une telle distance, les images de l’écran cylindrique qui te martèlent les yeux font office d’images HD à répétition. Pas moyen d’y échapper, même si tu es assez proche pour voir la bande à Bono de visu quand tu risques un regard furtif au-dessus des bras levés et des cellulaires de toutes sortes qui veulent immortaliser le moment.
L’attente extra longue (arrivée sur le site à 17 heures trente, U2 sur scène à 21h10) et la prestation moyenne du groupe Interpol (excellent au Métropolis il n’y a pas longtemps mais écrasé sur cette scène de science-fiction) étaient déjà oubliées quand Even Better Than the Real Thing a ouvert le feu. La phrase n’est pas gratuite.
Mode festif
En balançant quatre classiques de Achthung Baby en ouverture (avec The Fly, Mysterious Ways et Until the End of the World), U2 a amorcé un party gigantesque tout en admettant ses torts. Oui, la tournée tire à sa fin (on l’attendait à Montréal en 2010), mais la futilité de promouvoir l’album No Line On the Horizon deux ans après sa parution n’est pas la seule explication quant à la réduction des nouvelles chansons à trois petits titres dans ce spectacle.
A Toronto, justement, quatre nouveautés avaient amorcé la soirée, plongeant tout le Skydome – hormis les gens à quelques mètres de la scène – dans une ambiance digne d’une soirée vin et fromage. La vérité, c’est que U2 a amorcé sa première tournée exclusive de stade depuis 1997 avec son album le moins bien taillé sur mesure pour les grands espaces. A Montréal, ils se sont rappelés que le Zoo Tour avait été un triomphe et que leurs grands succès de toutes les époques convenaient mieux. Et puis, c’est l’année du vingtième anniversaire de la parution d’Achthung Baby, non ?
Du lot, il y avait les désormais classiques de la dernière décennie : Beautiful Day, avec le vidéo du commandant de la station spatiale; Elevation, qui a fait littéralement soulever le parterre; et Vertigo, avec ses images baignant dans le rouge. Des versions hautement émotives de Stay, en acoustique, et One, ainsi qu’un minimum de raretés : Zooropa, ainsi que Hold Me, Thrill Me, Kiss Me, Kill Me, avec Bono accroché à son filin et son micro space que David Bowie n’aurait pas renié.
Plaisir au carré
Ce qui demeure fascinant, c’est de voir comment ce quatuor qui a plus de trois décennies de millage a encore du plaisir comme au premier jour. Bono chaleureux et charismatique, qui touche au public, se couche sur la scène, cabotine juste ce qu’il faut, et parle dans les deux langues, le tout étant offert en traduction simultanée sur les écrans. Sur ce plan, il faudra trouver un vrai traducteur qui écrit correctement à la vitesse de l’éclair. Hier, on avait l’impression que c’était Jean Chrétien qui traduisait dans les deux langues…
The Edge, toujours incisif, qui nous lance le riff de I Will Follow, le pont de Sunday Bloody Sunday, ou la montée en puissance de Where the Streets Have No Name, pratiquement comme si elles étaient nées le mois dernier.
Le meilleur show de l’histoire du rock ? Sais pas. J’en ai trop vu d’exceptionnels dans ma vie. Mais celui-là se voulait planétaire, sinon universel. Hé… Il ne manquait que New Year’s Day pour que le Best of… soit complet. On l’a eue le deuxième soir, finalement.
Tiens, durant City Of Blinding Lights, les spots géants étaient braqués tout droit vers le ciel, perçant les gros nuages qui se formaient au-dessus de la ville, comme si Bono et ses copains voulaient être sûrs que les extra-terrestres à l’autre bout de la galaxie les entendent. Ils ont probablement réussi, mais ils auront crevés les nuages en chemin….