Francos, jour 4: Histoires du quotidien, de coeur et de cul

GiedRé aux Katacombes. Attention, l'habit ne fait pas le moine. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin.

Un plaisir récurrent des FrancoFolies, c’est de changer d’ambiance et d’univers d’une salle à l’autre. C’est parfois déroutant au possible. Ce fut le cas dimanche, soirée durant laquelle notre parcours musical a été aussi diversifié que les prises de position du gouvernement et des associations étudiantes dans un conflit bien documenté dont les soubresauts du week-end se sont fait sentir ailleurs que sur le site des Francos.

Par Philippe Rezzonico

Premier arrêt, L’Astral, où Domlebo présentait la version scénique de Chercher noise, projet musical amorcé pour le studio et le cinéma qui vivait sur les planches sans le proverbial filet de sécurité.

En fait, dire « Domlebo présentait », c’est vachement réducteur. Comprendre que l’ex-batteur des Cowboys Fringants s’est pointé sur scène avec un collectif qui dépassait de plus du double en nombre celui du projet Douze hommes rapaillés.

Des voix (Domlebo, Chantal Carron, Marie-Marine Lévesque, Jipé Dalpé, Michèle O.), des guitares (Dalpé, Pierre-Louis Lavoie, Pascal Dufour, Bujo, Dany Placard, Vincent Blain), des basses ( Kerfella Touré, Jérôme Dupras, Caroline Cameron), des pianistes (Guillaume Rivard, Renaud Bastien), des batteurs (Cédric Dinardo, Rémi Leclerc, Mathieu Vézio), des cuivres (Sonia Gratton, Ivanhoe Jolicoeur), des cordes (Marie-Soleil Bélanger, Lizann Gervais, Élisabeth Giroux), un accordéon (Marie-Laure Boudreau) et un vibraphone (Catherine Audet) – j’espère qu’on oublie personne – se sont succédés durant une heure et demie dans un jeu de chaises musicales aussi séduisant que casse-gueule.

Domlebo: auteur, compositeur et chef d'orchestre de Chercher noise. Photo courtoisie.

Pour meubler les transitions, Domlebo parlait du contexte d’écriture et de création de ses chansons qui parlent beaucoup du quotidien et livrait des anecdotes parfois sobres ou un tantinet délirantes. A la fois chanteur (honnête, ce qui est déjà étonnant), chef d’orchestre (fallait le voir diriger ses collègues au quart de tour) et maître de cérémonie (il battrait des tas d’humoristes à ce petit jeu), le principal intéressé semblait parfois être surpris et ravi du résultat.

Fallait entendre la présentation de son morceau « instrumental en français » (Cabaret). Ou le voir annoncer à son groupe : « Là, je vais dire 1, 2, 3, 4… » comme s’il était besoin de le faire. Rigolo et bon enfant.

Vu du parterre, les trios, quartettes et quintettes étaient parfois explosifs (Le monde est injuste, L’effet d’un bombe), tantôt minimalistes (Que le strict minimum, Soigner mes mots), et souvent trempés dans des enveloppes mélodiques (Générique, Sur le quai, La vie comme j’la vois) à faire craquer un vendu à la pop des années 1950 et 1960 dans mon genre.

Je l’avoue, je ne pensais pas une seconde qu’un tel collectif allait tenir la route – et soutenir l’intérêt – durant un spectacle complet. Domlebo était tellement aux anges lors de la dernière chanson (Où irons-nous ?) qu’il est descendu au parterre – pieds nus, comme d’habitude – pour aller serrer la pince aux trois quarts des personnes qui applaudissaient avec chaleur.

L’amour d’Ariane

Ariane Moffatt a toujours aimé sa carrière de musicienne, mais ce n’est que depuis quelques années qu’elle a fait sauter le paravent qui existe d’ordinaire entre artiste et public. Plus que jamais, Ariane parle de sa vie, de son corps, de son cœur et de ses tripes au sein de ses chansons et même lors de ses introductions sur scène.

Chaque nouveau spectacle permet aussi de mesurer à quel point elle a entretenu une relation particulière avec son public. Désormais, les applaudissements nourris qui saluent ces performances ne résonnent plus à mes oreilles comme des «Bravo !», mais des «On t’aime !»

Pas différent dans le Métropolis qui piaffait d’impatience pour entendre les nouvelles compositions de MA et les arrangements retravaillés pour ses classiques. Évidemment encore plus fort que lors du spectacle-lancement présenté au Rialto au printemps. Ariane et son nouveau groupe ont joué aux États-Unis et en France ces derniers mois et la cohésion était à son maximum.

Ariane Moffatt, que l'on voit ici au lancement de MA, a fait vibrer le Métropolis. Photo Catherine Lefebvre

In Your Body était d’une puissance magnifiée, d’autant plus que la finale à trois tambours avait été précédée d’un segment à trois casseroles. Mon corps était dotée d’une pulsion à vous pénétrer l’âme et elle a été rehaussée par l’intégration d’un bout de Material Girl, de Madonna.

Fortement axée sur les claviers électroniques et les percussions, cette tournée est diablement irrésistible quand vient le temps de danser. Pas sûr que la version de Réverbère entendue dimanche n’était pas la plus «club» jamais offerte par Ariane.

Et il y avait des surprises ajoutées, ce qui est prévisible en festival. Bonne relecture de Laisse tomber les filles, de France Gall, avec Ariane qui partage le micro avec son protégé David Giguère. Également une formidable reprise de Running Up That Hill, de Kate Bush, que Ariane a dédiée à son amie de cœur, Florence. Plein d’amour dans ce show.

Zéro censure

J’ai quitté le Métropolis avant les rappels – et le duo avec Pierre Lapointe – car je ne voulais pas manquer GiedRé. Ça ne faisait pas dix secondes que j’étais arrivé aux Katacombes, que la Française amorçait son set. Vingt secondes plus tard, j’avais déjà entendu parler de bite et de cul. Vous avez compris l’idée générale…

Je ne sais pas si les Katacombes ont jamais accueilli une extra-terrestre dans ce genre. La grande blonde au sourire rappelant Cameron Diaz portait une robe au même motif que la nappe quadrillée rouge et blanc qui reposait sur la table à côté d’elle. Dans l’environnement d’ordinaire sombre et noir des Katacombes, ça jurait. Sa bouteille d’eau était une bouteille de Sunlight vaisselle et on retrouvait tout près d’elle divers objets comme une poupée gonflable.

GiedRé: paroles explicites. Photo courtoisie FrancoFolies/Frédérique Ménard-Aubin.

Avec des titres de chansons comme L’amour à l’envers et Pisser debout, on serait en droit de s’attendre à quelque chose de grivois et de très mauvais goût. Pourtant, en déclinant ses paroles avec sa guitare et une voix de petite fille de 12 ans, ça désamorce en grande partie l’effet scatologique.

Fallait entendre Ode à la contraception où la chanteuse fait l’apologie des stérilets, de la « méthode du retrait », mais aussi de la fellation et de la sodomie…. Tout ça, de façon consentante, bien sûr. Elle désigne ça comme étant son « message humaniste ». Mais à ne pas mettre dans toutes les oreilles.

Suis sorti de là en me disant que GridRé pourrait faire un malheur à Juste pour Rire, mais son spectacle devrait obligatoirement afficher la mention : paroles explicites.