Félix de l’Auteur ou compositeur (partagé avec Daniel Beaumont), Félix du spectacle de l’année Auteur-compositeur-interprète, Félix de l’Album de l’année – Rock et de celui de l’Album de l’année – Choix de la critique (remporté, mardi, à L’Autre Gala) : il y a finalement une justice.
Par Philippe Rezzonico
Louis-Jean Cormier avait obtenu le plus de nominations pour son disque Le treizième étage et il est reparti avec le plus grand nombre de statuettes au terme du 35e Gala de l’ADISQ. Et plus personne n’ignore désormais ce qu’il représente sur la planète musicale du Québec.
Cormier aura égalé à lui seul au volume le nombre de Félix obtenus conjointement par Marie-Mai et Marc Dupré, tous deux sacrés Interprètes de l’année. Marie-Mai a aussi remporté le Félix Album de l’année – Pop, tandis que Dupré a vu sa chanson Nous sommes les mêmes obtenir le Félix de la chanson populaire de l’année.
Également deux Félix pour Les sœurs Boulay, Céline Dion et Fred Pellerin. Les frangines ont remporté les Félix de l’Album de l’année – Folk et celui de la Révélation. Céline Dion a gagné ceux de l’Album de l’année – Adulte contemporain et Meilleur vendeur (à L’Autre Gala), tandis que l’ami Fred a obtenu ceux du Spectacle de l’année – Interprète et Scripteur de l’année (à L’Autre Gala).
Finalement, Mes Aïeux ont remporté le Félix remis au Groupe de l’année.
Que faut-il en conclure? Que le fossé est plus grand que jamais entre le public qui écoute les radios commerciales et qui carbure aux émissions de télé-réalité liées à la musique, et l’autre partie du public, qui trouve son compte avec des artistes singuliers qui ne font pas de la musique formatée.
On peut mesurer ce fossé tous les ans au Gala de l’ADISQ simplement en voyant la répartition des statuettes selon les Félix remis par vote du public, votes des membres de l’ADISQ ou jury spécialisés.
Ce n’est pas un hasard si trois des quatre Félix obtenus par Dupré et Marie-Mai sont tributaires du vote du public, alors que les six obtenus par Cormier et Les sœurs Boulay sont liés à des ventes de disques, à des votes des membres de l’ADISQ ou à des jurys spécialisés.
Alors, que fait-on? Si on enlève les jurys spécialisés, le Gala de l’ADISQ va devenir une succursale des American Music Awards ou du Gala Artis. Exclu. Et si le public n’a pas la chance de voter pour les interprètes par excellence et la chanson de l’année, il n’y aura pas grand-monde devant le téléviseur ou l’écran tactile l’an prochain.
Bien sûr, comme vous, je sais que Dupré n’est pas un meilleur interprète que Cormier ou Daniel Bélanger. Lui aussi, le sait. Il l’a même dit : « Ça me dépasse. » Humble dans le triomphe. Belle qualité.
Et même si Nous sommes les mêmes est une chanson pop accrocheuse tout à fait valable, elle n’a pas la profondeur de champ et le texte formidable de L’amour, de Karim Ouellet, chanson que l’on écoutera encore dans 30 ans. C’est sûr. Mais notez que l’appellation du Félix est « Chanson populaire de l’année ». Populaire comme dans peuple. Pas comme dans « meilleure chanson. ».
Personne n’a jamais prétendu qu’un gala ne devait pencher que d’un côté. Un gala – du moins pour ses artisans -, c’est un truc consensuel. À preuve, toutes les fusions vues dans les divers numéros musicaux présentés dimanche soir.
Et puis, à l’arrivée, il y aura toujours quelqu’un comme Les sœurs Boulay pour rappeler à l’ordre les radios frileuses, quoique cette fois, avec grâce, classe et beauté. Rêvons. Les sœurs Boulay ou Karim Ouellet remporteront un jour le Félix pour la chanson de l’année.