L'empire du Soleil, façon Chris Isaak

Vendu, suis-je. Même en regardant distraitement la photo de la pochette dont la silhouette cache une partie des néons. Pas grave. Je connais. J’ai déjà été aussi proche que Chris Isaak des lettres lumineuses qui clignotent « Memphis Recording Service ». Sun Records.

Par Philippe Rezzonico

En cette ère où tout le monde fait des reprises, je me demandais à quel moment Isaak allait se frotter au lointain passé. Déjà, quand gars et filles bavaient sur le clip de Wicked Game, où le jeune Chris et la Top model Helena Christensen se roulaient dans le sable, on savait que sa voix le prédestinait à interpréter ces classiques. D’autant plus qu’on savait que ces immortelles-là étaient la raison pour laquelle l’ex-boxeur a un jour voulu faire de la musique. Il l’explique d’ailleurs en long et en large dans le livret.

C’est fait. Vingt-cinq titres enregistrés dans le tout petit mais légendaire studio du 706 Union Avenue, à Memphis, où Chris et ses collègues s’offrent des relectures inspirées. Oui, relectures. Pas reprises. Isaak n’essaie pas de copier Elvis. Pas besoin. Il a un timbre similaire et des inflexions à s’y méprendre. Faut écouter Trying To Get Yo You.

Il n’a pas besoin non plus de se prendre pour Johnny Cash. Les livraisons de Ring of Fire et I Walk the Line pourraient pratiquement être des inédites non diffusées de l’homme en noir.  Il se risque même à s’attaquer au Killer, Jerry Lee Lewis, et ce, dans ses extrêmes : Dynamitée Great Balls of Fire et sublime et langoureuse That Lucky Old Sun.

Il est vrai que Isaak triche. Quelques-unes des chansons popularisées par Elvis n’ont pas été enregistrées chez Sun (notamment Doin’ The Best I Can, She’s Not You), pas plus que Pretty Woman, que Roy Orbison a gravée chez Monument, après son départ de l’étiquette de Sam Phillips. On s’en fout. Respectueux dans l’approche musicale, c’est l’esprit de Sun que Isaak tente de cerner avec ces chansons hommages. Et il y parvient.

Qu’il reprenne des succès consacrés de Carl Perkins (Your True Love) ou des titres obscurs (explosive Miss Pearl, de Jimmy Wages), Isaak touche la cible. Seule exception : Can’t Help Falling In Love, qui, sincèrement, n’a rien à foutre là.

Vous voyez la pochette du CD/Vinyle double plus haut. C’est voulu. Pas question de se contenter du disque simple.

Chris Isaak, Beyond the Sun (Vanguard)

4 étoiles