Antoine Gratton, la dynamo humaine

Antoine Gratton, survolté. Photo courtoisie Montréal en lumière/Valérie Jodoin-Keaton

Connaissez-vous Mr. Excitement ? C’était le surnom de Jackie Wilson, l’une des plus formidables bêtes de scène de l’histoire de la musique américaine. Mardi soir, on avait son équivalent québécois au Club Soda. Il a pour nom Antoine Gratton et quand il décide de faire la fête, rien n’y personne ne peut y résister.

Par Philippe Rezzonico

Vêtu de son costume or à paillettes qui se veut la version ajustée du costume d’Elvis des années 1950, dansant au parterre, martyrisant ses ivoires, debout sur des tabourets, couché sur la scène, accoudé au bar, virevoltant avec ses choristes, chantant à tu tête et calant des shooters, Gratton n’a pas offert un spectacle. Ni même livré une performance. Il a dynamité le Club Soda.

Avec Antoine, on ne sait jamais comment ça commence, on ne sait pas quand ça va finir, mais nous sommes sûrs d’en avoir pour notre argent. A 20 $ le billet pour une prestation de plus de deux heures pour la rentrée de son disque La défense du titre au festival Montréal en lumière, personne ne va demander de remboursement.

Personne n’avait vu venir l’entrée sur scène non plus. L’entrée au parterre du fond de la salle, s’entend. Ça, c’est presque devenu banal. Ce qui l’est moins, c’est qu’Antoine s’est pointé au milieu du club avec ses deux bassistes (Louis Lalancette, Gabriel Gratton) ainsi que ses deux batteurs (Vincent Carré, Max Bellavance), qui eux étaient munis de tambourins. Pas banal.

Tout ça, pour amorcer une version sensuelle de Tes chaleurs qui a eu droit à une relance atomique dès que les cinq musiciens eurent pris place à leurs instruments respectifs sur scène. On a eu un peu peur pour le piano d’Antoine, après qu’il ne soit « installé » à son clavier après un saut de carpe digne de Jamie Cullum.

Inclassable

Impossible de faire le descriptif d’un show de Gratton sans s’y risquer de s’y perdre. Vous connaissez l’expression américaine « show stopper » ? C’est un instant ou une chanson qui retient l’attention de façon particulière. Le genre de moment que tous les spectateurs vont se rappeler après coup. D’ordinaire, quand il y en a un par spectacle, les fans et les critiques sont heureux. Mardi, j’ai arrêté de compter.

L’exemple le plus probant : la livraison de Ah ! Que, qui a bien dû durer un quart d’heure. On aura vu Antoine et ses bassistes (jolie cape dorée pour Lalancette) descendre avec lui au parterre, traverser la salle, se rendre au bar Nord et commander des shooters.

Les musiciens sont revenus, Antoine a attendu la commande, a retraversé le plancher avec ses verres pleins et a fait trinquer ses boys sans qu’ils ne lâchent leurs instruments. Et je vous passe les détails quand il fait pratiquement agenouiller toute l’assemblée dans la salle. Ce type contrôle une foule à sa guise.

On a aussi vu Antoine chanter Dans les yeux de Françoise en mode voix-banjo, juché sur des tabourets instables. Dangereux, mais très joli, surtout quand la foule a entonné la chanson sans même qu’il ne le demande.

Les cris du coeur

La portion « amour brisé »? Fabuleuse, alors que Gratton a enchaîné New York City, Pinte de rousse ainsi que Et ton cœur est ton guerrier, un trio de titres liés à sa rupture avec Mara Tremblay.

A ceux qui disent qu’il manque un gros succès radiophonique à Antoine pour vraiment faire découvrir son talent à tout le Québec, je me permets une humble suggestion : qu’il retourne en studio enregistrer New York City en version piano-voix comme on y a eu droit mardi et qu’il lance ça sur iTunes. Je vous prédis 50, 000 extraits vendus d’ici la fin de l’été.

Un peu futile de préciser que sans guitare aucune, ce concert a néanmoins été explosif en diable en raison de la présence conjuguée des deux basses et deux batteries. Malàlavie semblait reposer sur une rythmique d’un tam tam de la dimension de l’Orange Julep, sur Décarie.

Et c’est là qu’Antoine a invité Chloé Lacasse – dont il a réalisé le disque et qui a assuré une solide première partie – et Amylie – dont il a réalisé l’album à paraître – à se joindre à lui pour un dernier droit homérique.

Avec deux chanteuses/choristes supplémentaires, Let Go Let Go, L’Homme orchestre, 80’s Party et Cinq cent mille milles furent d’une puissance redoutable tout en état fédératrices et rassembleuses. Antoine n’était plus qu’un Jerry Lee Lewis contemporain déjanté. Pas loin de l’apocalypse, nous étions. Tu présentes ça sur la scène extérieure de la place des festivals aux Francofolies en juin et tu fais danser Montréal aussi fort qu’avec les B-52’s l’an dernier.

Là, les quelque 350 personnes sur place dansaient et hurlaient en masse. Oui, oui, je sais. Ce n’est pas beaucoup de monde dans le Soda, dont le balcon était fermé. Mais à force d’aligner les shows de ce calibre, il y aura de plus en plus de monde aux spectacles d’Antoine. Tiens, commencez par ce soir (mercredi), à L’Esco. Antoine et sa bande y seront.

Et puis, comme pour Elvis et son costume doré sur la pochette de son disque d’antan, il faut comprendre que ces 350 fans sont 350 fans qui ne peuvent se tromper…