Le Colectivo : pour la fougue, la fête et l’engagement

Montez dans le bus du Colectivo. Photo courtoisie Martin Aubertin.

L’union fait la force, dit-on. Ça se mesure à plusieurs facteurs. La longévité est du nombre. Et celle du Colectivo le démontre sans contredit. Fidèle à son habitude, le collectif risque d’incendier Le National, vendredi, lors de sa participation au festival Montréal en lumière. Mais pour la bande de Shantal Arroyo, le Colectivo n’est pas qu’un groupe ou qu’un véhicule pour faire de la musique. C’est un mode de vie.

Par Philippe Rezzonico

Ça fait combien de temps ? En regard de la discographie, une décennie. Mais les membres du collectif se connaissent depuis bien plus longtemps que ça, en vérité. Il y a eu trois disques officiels chemin faisant, incluant celui de l’an dernier, Tropical Trash, qui a remporté le prix du meilleur album world au GAMIQ 2011. Mais cette virée musicale est surtout une aventure humaine et de vie.

«Si l’on tient compte de ceux qui sont passés, nous sommes aujourd’hui une dizaine à faire toujours de la musique au sein du groupe, note la flamboyante Shantal. Pour nous, c’est une passion qu’on entretient. Il y en a qui jouent au hockey toute leur vie. Nous, on sait maintenant que l’on va faire de la musique toute notre vie », ajoute-elle en riant.

Ce collectif qui comptait une quinzaine de membres au départ, faut avouer, ne l’a pas toujours eu facile. Formé de musiciens qui représentaient une certaine vision d’une musique du monde, globale, métissée et cosmopolite avant que le Québec soit balayé par cette tendance mondiale, le Colectivo a dû s’imposer envers et – souvent – contre tous.

Au fait, est-ce toujours aussi d’intérêt, le formidable bouillonnement musical du Colectivo et de leurs contemporains au Québec ? On a un peu l’impression  que l’émergence d’un rock francophone alternatif plus rassembleur que jamais (Karkwa, Malajube) et que la culture hipster (à cause d’Arcade Fire) a changé le profil musical de la province.

«Je dis oui, assure Arroyo, même si c’est vrai que c’est moins à la mode qu’aux débuts de Manu Chao. Je trouve que les shows sont plus facilement bookables en 2012. Au début, il y avait plus de difficulté à se trouver une scène pour jouer. Les marchés de New York et de Los Angeles marchent très, très fort. Il y a aussi de l’intérêt ailleurs. Par exemple, on a participé à South By Southwest (Austin, Texas) en 2010.»

Scène du quotidien pour le collectif. Photo courtoisie Martin Aubertin.

Comme il est résolument alternatif dans la forme et le fond, et qu’il s’exprime musicalement en en trois langues (anglais, espagnol et français), le Colectivo a souvent été inclassable dans l’esprit de bien des gens. Et les trucs inclassables, curieusement, ont parfois moins de visibilité que ceux très faciles à identifier.

«Nous sommes passés par les pires des situations, se souvient la chanteuse trilingue. Il y a eu des couples brisés, d’autres qui se sont créés, des familles, des retours à l’adolescence… On fait toujours ça pour le fun, sûrement pas pour l’argent.»

Party tropical

Du fun, les membres du Colectivo en ont eu. Et ils en ont encore. Pas plus tard que le mois dernier, quand le groupe a décidé de s’offrir un party pas ordinaire : une semaine au Mexique avec 32 de leurs fans.

«On s’était dit que c’était une façon originale de faire le fête avec nos fans et célébrer dix ans ensemble avec une série de spectacles (trois) au Mexique. Mais je te dirais que j’ai eu une petite crainte rendue à l’aéroport. Je me suis dit : « Heille… S’il faut qu’il y en ait un qui soit un alcolo agressif dans le groupe ? » Tu vois le problème ? Pas du tout. Tout le monde a été génial et ça a été une expérience exceptionnelle, même si je me suis transformée en G.O. plus souvent qu’autrement. »

Shantal Arroyo, en G.O. On essaie d’imaginer ça… Un clip a été tourné avec les fans lors de ce voyage. On devrait voir ça sous peu, précise-t-elle.

L’héritage

Le Colectivo, mouture 2012, est formé d’Arroyo, Joël Tremblay, Dominic Parent, Joseph Burnett, Jean Emanuel Duplan, Denis Lepage, Piccolo, Kim Paris, Serge Morin et Rodrigo Acevedo.

Les amateurs de musique punk, hardcore, du monde et alternative savent que tout ces musiciens ont fait partie de groupes tels Overbass, Grimskunk, BARF, Guano, Redcore, Funkophones et The broadies. Eux aussi s’en souviennent et ils ont décidé de le rappeler à leurs fans.

«Avant, on ne voulait pas jouer des chansons de nos autres groupes avec le Colectivo, mais au lancement du disque, on a décidé de faire un medley de ces tounes. Pour nous faire plaisir. La réaction a été malade. Il y a du monde qui sont venus nous voir pour nous dire qu’ils n’avaient jamais entendues ces chansons-là sur scène parce qu’ils étaient trop jeunes, etc. Depuis, on ne se prive pas de les jouer. »

La conscience

Le Colectivo, c’est aussi une conscience sociale. Suffit d’entendre La valse des bouffons et Les temps durs, la première écorchant les politiciens et la société, la seconde, parlant de la dure réalité de la vie.

«Denis (Lepage) avait le texte des temps durs dans sa poche depuis longtemps. C’est une bonne chanson qui change le rythme du disque et qui n’est pas kétaine. Oui, les temps sont durs pour nous au Québec. Mais quand je voyais la petite fille qui vendait des bijoux sur la plage au Mexique à 40 Celsius….

«Et La valse…, c’est notre côté B.A.R.F. (Blasting All Rotten Fuckers) qui ressort… Nous, on écrit ce qu’on ressent. On ne peut pas être plus authentiques.»

Ne reste plus qu’à signer le contrat pour dix autres années. Et on poinçonne une première fois, vendredi, au National.

Le Colectivo, avec The Hangers et Thundermonks, vendredi le 24 février au National, dans le cadre de Montréal en lumière.