Après La Sala Rossa en mars et la première partie d’Arcade Fire au Métropolis en septembre 2011, The Barr Brothers s’offraient un Club Soda plein à craquer, mercredi, au Festival Montréal en lumière. Certes, le passage à l’émission de David Letterman en janvier a créé un engouement supplémentaire, mais la vérité, c’est que la splendide musique du groupe atypique est en train de prendre de plein droit sa place au rang des plus belles réalisations musicales récentes.
Par Philippe Rezzonico
The Barr Brothers, c’est tout sauf votre band folk habituel. Brad Barr chante d’une voix grave et joue de la guitare, frérot Andrew se charge de la batterie, Andrés Vial tâte des claviers, de la basse et de divers instruments, tandis Sarah Pagé en impose – au sens propre et au sens figuré – avec son jeu cristallin à la harpe. Une harpe, au sein d’un orchestre symphonique de 65 musiciens, ça passe presque inaperçu. Mais dans un quatuor à prédominance folk, c’est massif.
Non seulement Brad, Andrew, Sarah et Andrés sont capables de nous faire vibrer et de nous émouvoir à eux seuls, mais ils étaient entourés de tas d’amis – à commencer par des cuivres bien chauds – qui ont richement paré les chansons de leur premier disque et de toutes nouvelles compositions.
La complémentarité entre cuivres, guitare et harpe était exquise, l’harmonica a coloré à merveille Old Mythologies et Kisses From Chelsea, ma foi, reposait sur le genre de mélodie qui nous enchante à jamais. Et quelle finale avec cette guitare digne de la tonalité de celle des Ravonnettes !
Inventivité
Comme on disait : folk, à priori, les frères Barr. Sauf que ce groupe, à l’instar de certains de ses contemporains, ne s’embarrasse jamais des codes liés à un genre particulier. Durant Deacon’s Son, la harpe de Pagé n’était plus un instrument d’une sonorité enchantée, mais un instrument tranchant comme une six cordes électrique. La harpe, un instrument Rock n’ Roll ? Aucun doute là-dessus.
Et que dire de Give the Devil Back His Heart. Pour cette livraison, des collègues musiciens – le « Spochestra », a précisé Brad – sont venus faire des percussions en battant la mesure à l’aide de baguettes sur des roues de vélos. Tout ça, pendant que le trombone se payait un solo brûlant et que la guitare et la harpe se répondaient entre eux. Merveilleux, après toutes ces années, de voir quelque chose que tu n’as encore jamais vu sur scène. L’avenir s’annonce bien.
Les frères Barr, des Américains immigrés à Montréal comme certains membres d’Arcade Fire, ont été estomaqués par l’accueil de cette salle comble qui écoutait religieusement, hormis une grande gueule qui se cessait de rire au fond de la salle. Brad Barr a salué la foule avec son français cassé, notant à quelque point le processus de création des deux dernières années avait fait son bonhomme de chemin.
Nouveautés
Il a aussi précisé que le groupe ne cessait de composer ces temps-ci. Nous avons donc eu droit deux nouvelles chansons aux antipodes. La première, dont je n’ai pu déchiffrer le titre sommaire sur le setlist placé sur la console de son, était une composition nappée de cuivres, ample et chaleureuse. La seconde, intitulée Good Friend, semblait en revanche sortie du catalogue de Led Zeppelin ou des White Stripes, selon votre génération. Un gros riff blues sale à la gratte électrique servant à décaper la peinture. Ça a fait boum !
Puis, on enchaîne avec Brad et Sarah aux guitares et Andrew au ukulélé. Debout, collé sur le micro, le trio a offert Darkness dans la plus pure tradition folk. Métamorphose to-ta-le ! On aurait cru voir Peter, Paul and Mary. La capacité de transformation en un tournemain de ce groupe est étonnante.
Durant Little Lover, Brad et Sarah se sont même livrés à un exercice de style qui rappelait des conversations d’instrumentistes de jazz, chacun tentant d’enfiler des constructions sonores en tentant d’obtenir la note la plus aigüe de son instrument. On pense que Sarah a gagné…
Quand The Barr Brothers ont conclu cette soirée de musique délectable avec l’émouvante Cloud, en hommage à Lhasa, on se disait que le Métropolis qui les attend le 1er juillet au Festival de jazz risquait d’être bondé, lui aussi.